Dans la décision, qui vient d’être rendue publique ce 9 novembre 2016, le Conseil d’État bafoue la neutralité dans la sphère publique, constitutionnellement régie par le principe de laïcité, en autorisant, sous certaines conditions, les crèches de la nativité dans les édifices publics au nom des traditions chrétiennes de la France.
C’est substituer la liberté religieuse à la liberté de conscience.
C’est promouvoir une France catholique plutôt que la République française.
C’est créer plusieurs catégories de citoyens – le contraire de la citoyenneté républicaine – en prenant le risque d’aggraver les crispations identitaires et d’alimenter les communautarismes qui les cultivent.
L’UFAL a développé à plusieurs reprises les arguments qui développent cela. On peut tourner le problème dans tous les sens, une crèche de la nativité est un symbole religieux et ne doit pas être exposé dans un édifice public comme le dispose l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905.
L’UFAL a aussi pointé le danger qui consiste à faire preuve d’inventivité et de contorsions dans les interprétations législatives pour in fine toujours rechercher à ne pas entraver les propensions du religieux à pénétrer la sphère publique. On jugera ainsi de la duplicité de Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire gouvernemental de la laïcité, qui condamne aujourd’hui la crèche de Béziers, mais dont l’avis d’avril 2015 a servi de justification au Tribunal administratif de Montpellier pour l’accepter.
Dans son rapport 2015-2016, le Collectif laïque s’inquiétait qu’« un certain nombre d’élus de droite ou d’extrême-droite entendent rétablir la présence de crèches de la Nativité en contradiction explicite avec l’art. 28 de la loi de 1905 » et analysait que « l’enjeu politique est d’affirmer le prétendu caractère « chrétien » de la France, ce qui constitue à la fois un déni du passé (les humanistes, incroyants, juifs, musulmans, etc. ayant également contribué à notre culture…) et une volonté de discrimination de tous ceux – de loin les plus nombreux, y compris chrétiens – qui attendent de la sphère publique la neutralité religieuse. »
Il faut en effet rappeler que jusqu’à preuve du contraire, l’égalité de traitement des citoyens sans distinction « d’origine, de race ou de religion » est la meilleure façon de réduire les discriminations dans l’accès aux droits.
Même l’Association des Maires de France relevait dans son vade-mecum laïcité de novembre 2015 que « la présence de crèches de Noël dans l’enceinte des mairies n’est pas compatible avec la laïcité ».
Les entorses à la loi de 1905 à coup de toilettages jurisprudentiels et d’accommodements déraisonnables doivent cesser ! La laïcité favorise la paix sociale et la cohésion de la Nation. Ses dérives et détournements, de même que les tensions communautaires, ne doivent pas conduire à l’abandonner ou l’affaiblir, mais au contraire à la défendre, la promouvoir et l’appliquer avec fermeté et détermination, au Conseil d’État y compris.
18 commentaires
débarrassons nous de ces girouettes fonctionnarisées.
Il est fréquent de constater que nous ne savons pas lire, i.e. notre cerveau ne lit pas réellement ce qui est écrit mais l’interprète ..
Mais nous savons reconnaître et corriger notre erreur. ..car nous ne sommes pas, pour la plupart, ex conseillers d’état !
Une entorse de plus à la laïcité, Mais pourquoi sommes nous impuissants devant cet accroc supplémentaire fait à notre loi de 1905?
Pourquoi en est-on encore à supporter les alsaciens hors d’un règle commune ( argent versé au clergé), Pourquoi subventionner les écoles catholiques et peut être ou autres ?etc etc
Le grignotage continue et nous laissons faire.
Les curés n’ont jamais baissé les bras, ils ont la vie éternelle devant eux mais nous? nos enfants? nos petits enfants? encore combien de temps pour enterrer cette superbe loi de 1905?
On ne peut que partager l’émotion que provoque ce nouvel avatar jurisprudentiel qui s’inscrit dans une longue lignée de renoncements politiques et jurisprudentiels. Mais, sans méconnaître l’intérêt du positionnement militant, il faut analyser finement les choses pour en faire une critique acérée au plan du droit. Se procurer la décision, les conclusions du rapporteur public, les décortiquer et, ensuite, prononcer un verdict juridique seul de nature, au plan scientifique, de fonder un jugement politique. Faute de quoi, tous les Bianco du monde auront beau jeu de ricaner devant une émotion qu’ils ne partagent pas…
Première donnée factuelle : le communiqué par lequel le Conseil d’Etat explicite sa décision du jour (avec l’élection de trump, un véritable « mercredi noir » !).
http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Installation-de-creches-de-Noel-par-les-personnes-publiques
On y voit que le CE ne valide pas purement et simplement la présence de crèches dans l’espace public (il casse d’ailleurs pour celle installée à Paris) mais bâtit une sorte d’usine à gaz de critères dans laquelle les élus vont avoir du mal à se retrouver !
A suivre pour une analyse juridique plus fine de cette décision… sans doute sur mon blog et/ou dans la presse nationale (telle Marianne).
Puisqu’il n’y a plus de démocratie dans notre pauvre pays mais une oligarchie technocrasseuse, réfléchissons:
1°) Il doit bien y avoir un moyen pour attaquer à titre individuels les conseillers d’état dans l’exercice aberrant de leur fonction
2°) publier leur adresse personnelle…
ils rendront vite des avis plus conformes
Si ceci advient dans ma mairie je porterai plainte pour atteinte à ma liberté de conscience.
Lorqu’une commune organise une messe pour le 11 novembre, est-ce conforme aux règles de laïcité ?
Bonjour,
Il faudrait connaître l’organisation exacte, mais si c’est bien conforme à votre présentation, évidemment non.
Le département de Vendée et la mairie de Melun sont condamnées à verser chacun 3000€ à la libre pensée, sont désignés comme partie perdante dans les décisions et voient leur décision d’installation de crèche annulée. C’est loin d’être une défaite des laïques.
En revanche, le Conseil d’Etat ne ferme pas la porte catégoriquement mais pose des conditions drastiques à remplir. Le soucis c’est que ces conditions devront être examiner au cas par cas par les juges administratifs sous réserve de saisine de la justice (par le Préfet ou des administrés).
On peut regretter l’absence d’une jurisprudence claire et limpide qui aurait évité l’engorgement des juridictions administratives.
Vous avez raison. Il est vrai que l’UFAL a fait un communiqué sans doute un peu rapide et qu’il est curieux de parler de défaite des laïques lorsque ceux qui voulaient ces crèches sont condamnés… Il faut sans doute aller regarder les décisions que l’on veut critiquer, c’est plus prudent !
A cet égard cet arrêt du Conseil d’Etat laisse plus que perplexe. L’engorgement des juridictions en résultera comme vous dites mais aussi le désarroi des citoyens et des élus face à quelque chose qui ressemble à une usine à gaz de critères dans lesquels tout le monde va se perdre. Un vrai nid à contentieux ! Mais vous avez aussi raison la crèche de la nativité, au moins celle de Melun déjà, est condamnée et la Cour d’appel de Nantes appréciera pour celle de Vendée.
En outre, plus fondamentalement, la critique que l’on peut faire à cet arrêt du point de vue du droit (ce qui est embêtant pour la plus Haute juridiction de l’ordre juridictionnel administratif), c’est d’avoir donné une interprétation de l’article 28 de la loi de 1905 (article qui est clair : interdiction d’élever ou d’apposer des signes ou emblèmes religieux nouveaux sauf… musées ou expositions) qui s’éloigne du texte de la loi…
D’une part en distinguant les lieux publics (plus ou moins soumis à l’interdiction), ce que la loi n’avait pas prévu, et, d’autre part, en élargissant les exceptions que la loi a prévues limitativement puisque des cas qui manifestement pourront être autorisés selon cette nouvelle jurisprudence, ne sont à proprement parler ni des « musées », ni des « expositions » !
On a envie de dire au Conseil d’Etat, « Bravo l’artiste ! » Mais on fatigue… Le Conseil d’Etat n’en est pas en effet à sa première initiative de ce genre au soutien de sa vision lâche de l’exigence laïque.
Cela en devient, après l’arrêt Annaba du début de cette année et d’autres arrêts antérieurs, proprement inconvenant (voir notre article sur cette jurisprudence Annaba très critiquable : http://www.marianne.net/agora-laicite-conseil-etat-ouvre-nouvelle-breche-loi-1905-100242344.html ou, plus ancien, notre article dans le magazine SLATE sur le « détricotage » de la loi de 1905: http://www.slate.fr/tribune/80101/laicite-loi-1905-peau-de-chagrin). Mais la responsabilité est collective et n’incombe pas qu’au juge, le législateur ayant largement contribué au dit « détricotage ».
Bonjour,
Tout d’abord merci pour ces échanges très intéressants. Pour répondre au fait que nous aurions peut-être lu trop vite la décision du Conseil d’État, je peux vous préciser que l’objet de notre communiqué était de pointer du doigt les conséquences futures. Effectivement, dans le cas de Melun voire pour la Vendée quand cela sera rejugé en appel, cela semble favorable aux laïques. Mais c’est un trompe l’œil : il sera très facile pour des mairies, dorénavant, de présenter les choses de telle manière que cela soit conforme au caractère festif (Noël est une fête après tout !), culturel et traditionnel que permet le conseil d’état en tordant l’article 28 de la loi de 1905 de manière incroyable.
Il paraît donc plus que probable que cela soit une défaite à terme, et que les crèches se multiplient dès cet hiver ! C’est pour cela que nous n’avons pas parler de Melun et encore moins de Nantes.
Salutations laïques,
Parfait, merci de ces précisions, ça va mieux en le disant ainsi.
Les médias présentent d’ailleurs les choses comme un feu vert et on peut s’attendre à la multiplication des crèches… et des contentieux.
A votre connaissance y avait il déjà une jurisprudence sur les exceptions « musée » et « expositions » prévues par la loi ?
A ma connaissance non, mais je peux me « trumper »…
Bien cordialement
Quel raisonnement curieux qui tend à vouloir démontrer que la crèche n’a aucun rapport avec la religion, ce qui consiste, paradoxalement, à débaptiser ce symbole cultuel pour en faire un évènement culturel afin de pouvoir lui faire une place dans les services publics.
Dans un interview dans le quotidien Le Progrès du 24 décembre 2014, la cardinal Barbarin a déclaré, avec raison au sujet des crèches : « Ce n’est pas glorieux d’en faire un étendard politique ». Dans cette même logique, il aurait du dénoncer fermement l’instrumentalisation de sa religion par le pouvoir politique.
Cela vaut aussi pour l’’islamn : ainsi, j’approuve le commentaire de Jérôme-Olivier Delb, chroniqueur politique dans son article « Ramadan, islam et laïcité : comment l’UMP et le PS font le jeu du Front national » publié sur le site « L’Obs, le plus » le 10 juillet 2013 : « Non seulement, Bertrand Delanoë trahit la laïcité et donc la République mais en plus il réduit le ramadan à une simple manifestation culturelle. Il revient à folkloriser donc à injurier les musulmans qui prennent ce pilier de l’islam au sérieux, comme me le rappelait récemment un ami ».( http://leplus.nouvelobs.com/contribution/905168-ramadan-islam-et-laicite-comment-l-ump-et-le-ps-font-le-jeu-du-front-national.html)
l’avis du Conseil d’Etat parle de bâtiments publics et pas spécialement de la mairie ET quand France 2 à télématin en déduit que le Conseil d’Etat autorise les crèches dans les mairies il d’agit d’une falsification et d’une ignorance médiatique comme on en voit trop en ce moment . il faut considérer la mairie comme la maison commune de tous les citoyens y compris les 55 o 60 % de non croyants L a mairie , l’école , le tribunal sont des lieux « sacrés »‘ au sens littéral et la neutralité doit apparaître . Mais rien n’est autorisé Enfin n’importe quelle association culturelle , philosophique ou autre, peut louer une salle municipale qui n’est pas un lieu d’actes civils officiels
Personnellement je pense que la crèche est les deux à la fois – symbole chrétien et tradition populaire – sans qu’il y ait de hiérarchie : comme symbole culturel ou religieux la crèche toute sa place dans l’espace civil public ; comme symbole religieux elle n’a pas sa place dans un service public.
Mes propos sont en parfaite cohérence avec le communiqué du Conseil d’ Etat qui fait cette distinction :
– dans les bâtiments publics, sièges d’une collectivité publique ou d’un service public, une crèche de Noël ne peut pas être installée, sauf si des circonstances particulières montrent que cette installation présente un caractère culturel, artistique ou festif ;
– dans les autres emplacements publics, compte tenu du caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d’année, l’installation d’une crèche de Noël est légale, sauf si elle constitue un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse.
Cette cohérence n’est en réalité qu’apparente : je me demande en effet si ce ne sont pas les deux conditions introduites par « sauf » qui posent problème plus qu’elles n’apportent de solution.
=>Dans les services publics, la neutralité est un principe qui ne se conditionne pas. Les circonstances particulières qu’invoque le Conseil d’Etat consistent en réalité à débaptiser comme culturel un évènement cultuel pour en appeler à la laïcité afin de lui faire une place dans les services publics. Il n’y a rien de raisonnable dans cet accommodement.
On retrouve par ailleurs ici les limites de l’office du juge que la commission Stasi avait relevé dans son rapport remis le 11 décembre 2003 en commentant l’avis du Conseil d’Etat rendu le 27 novembre 1989 sur l’affaire du voile en pointant les difficultés de cette jurisprudence en ces termes : « mais, en pratique, les chefs d’établissement ont été dans l’impossibilité de tracer la frontière entre le signe ostentatoire illicite et le signe non-ostentatoire ».La commission Stasi relève que « le juge n’a pas cru pouvoir entrer dans l’interprétation du sens des signes religieux ; il s’agit là d’une limite inhérente à l’intervention du juge ».
=>Dans les autres emplacements publics, c’est-à-dire dans l’espace civil ouvert au public, la lutte contre le prosélytisme abusif exerçant des pressions effectives sur les passants, relève de l’ordre public, pas de la laïcité.
On retrouve ici la confusion que Catherine Kintzler dénonce dans un article publié dans Marianne.fr le 23 août 2016 « Burkini : fausse question laïque, vraie question politique »dans lequel elle considère que le burkini pose avant tout la question du « « seuil d’acceptabilité de plus en plus sensible au sein de la cité ». (http://www.marianne.net/agora-burkini-fausse-question-laique-vraie-question-politique-100245223.html)
oui je suis
Donc pour le conseil d’Etat le Yom kippour ,l’aïd ,Pâques sont également festives donc nous devrons les accueillir dans les lieux publics ? -la période de Noel qui vient promet d’être riche en provocation de la part de tous les anti Républicains –