Les candidats Hollande et Sarkozy s’étaient engagés à produire 500 000 logements par an. Les résultats provisoires de 2014 nous situent autour de 265 000 logements, soit un peu plus de la moitié. Alors que les chiffres sont à peine connus, Bercy redécouvre un rapport conjoint de l’Inspection Générale des Finances, de celle des Affaires Sociales et du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable datant de Juin 2014.
Ce rapport semble avoir deux finalités :
- Montrer que les engagements présidentiels étaient irréalistes, non pas par démagogie électorale mais parce que les professionnels auraient surévalué l’ampleur des besoins ; les résultats obtenus ne seraient donc pas si éloignés des besoins réels.
- Montrer que cette politique coûte cher en argent public et que des économies à court terme peuvent être réalisées pour contribuer au redressement des finances publiques.
La politique du logement coûte cher. Ce n’est pas inexact, mais pas seulement pour les raisons invoquées dans le rapport. L’investissement immobilier est par ailleurs une composante de la création de capital fixe et à ce titre génératrice d’emplois non délocalisables, même si la législation européenne sur les détachements de main d’œuvre a créé une situation nouvelle.
A la fin des années 70, la France a radicalement modifié sa logique de financement du logement. S’inspirant du rapport Barre, elle a mis fin au double marché locatif – logement social financé avec une aide à la pierre élevée et logement privé ; elle a ainsi laissé progresser les loyers à un niveau déraisonnable, compensant cette hausse à grand renfort d’argent public : les aides à la personne. Le phénomène a été accentué par les avantages fiscaux conséquents accordés à la constitution des patrimoines privés et qui portent le nom de leurs responsables successifs : Besson, Périssol, Censi, Scellier, Duflot et maintenant Pinel.
Les trappes à hausse de loyers étaient ainsi ouvertes avec leurs conséquences : le détournement d’une part sans cesse accrue du budget des ménages vers le logement au détriment des autres postes de dépenses, l’explosion d’un foncier, mal maîtrisé par les politiques publiques et dont la hausse est alimentée à la fois par la rareté, par les mécanismes de financement et par une fiscalité inadaptée. Crise sociale aidant, l’Etat est incapable de garantir le Droit au Logement, pourtant acté dans la loi (loi DALO) tant le montant des loyers est éloigné des capacités financières des populations fragilisées, notamment dans les zones tendues : Ile de France, région lyonnaise, pourtour méditerranéen. Et puisque le retour au passé n’est pas envisageable – les montages financiers opérés sont en général amortissables sur 40 ans – donnons-nous au moins les moyens de ne pas prolonger et accentuer les erreurs passées.
Une politique du logement répondant aux besoins ne peut fonctionner selon la seule logique du marché. Les priorités en zone tendue doivent s’appuyer sur des volontés d’action des acteurs publics :
- Si l’encadrement des loyers n’est pas une fin en soi, elle est durablement, dans le contexte, un point de passage obligé . Sa mise en œuvre nécessite des observatoires des loyers : les crédits publics doivent être rapidement dégagés pour accélérer leur mise en place et garantir leur bon fonctionnement.
- La politique foncière doit être réorientée par une réforme fiscale reposant non plus sur la taxation des mutations mais sur celle de la rétention ; la réforme de l’organisation des territoires en crée l’opportunité, s’agissant d’une fiscalité départementale.
- La libération du foncier public – Etat et ses opérateurs, collectivités – doit être accélérée et pas uniquement au plus offrant : l’Etat, ses opérateurs, les collectivités sont des employeurs dont les personnels ont besoin de logements au cœur des territoires ce qui peut et doit générer des partenariats.
- La vacance volontaire qui progresse dans les zones tendues, doit être mieux jugulée, par des mesures fiscales et par la réquisition si nécessaire.
- L’offre de logements locatifs découlant des obligations de la loi SRU, ainsi que celle localisée dans les zones tendues doit être réorientée vers des logements à coûts maîtrisés : l’aide à la pierre mobilisée en une seule fois et qui pèse directement sur les loyers permet à terme une maîtrise de l’explosion des aides à la personne.
Ces mesures ne constituent pas la globalité d’une politique de logement, elles sont trop rarement mises en avant lorsque l’évaluation des politiques du logement n’est abordée que sous l’angle des économies de dépense budgétaire au détriment de la satisfaction des besoins : c’est précisément ce que fait ce rapport.