Le Conseil d’État, statuant en référé, vient d’enjoindre au Premier ministre « de modifier, dans un délai de huit jours, le décret du 11 mai 2020 », pour remplacer l’interdiction totale de rassemblement dans les lieux de culte par des restrictions mieux « proportionnées » à l’objectif de santé publique.
Le Collectif laïque national contestait déjà que le Gouvernement réserve, dans le dispositif national de déconfinement, un traitement privilégié aux cultes en avançant, pour leurs rassemblements seuls, la date initiale du 11 juin au 2 juin, en l’absence de toute justification de santé publique.
Le Premier ministre avait en outre annoncé qu’elle serait avancée au 29 mai pour permettre aux catholiques de célébrer la Pentecôte. Ce privilège accordé aux cultes et à l’un d’entre eux en particulier remettait en cause le principe d’égalité des citoyens devant la loi.
C’était dans le prolongement du dispositif d’écoute et de soutien « pastoral » mis en oeuvre par certains cultes et promu par les moyens publics ; le numéro vert du Gouvernement a été officiellement communiqué aux équipes médicales et établissements de santé, faisant ainsi de l’État et de ses services publics de santé l’opérateur de la mise en contact de croyants avec certains cultes.
Dans ce contexte, le Conseil d’État ne pouvait que tirer parti de l’absence de cohérence des mesures gouvernementales en rappelant que « la liberté de culte est une liberté fondamentale ». On notera pourtant que les autres libertés fondamentales n’ont pas eu droit aux mêmes égards du Conseil d’État, qui a ainsi admis le prolongement de la détention provisoire de plein droit sans intervention d’un juge (référé du 3 avril 2020).
Le Collectif laïque national s’inquiète de la tendance jurisprudentielle actuelle qui donne à la liberté de culte la prééminence sur toutes les autres libertés fondamentales. Les convictions religieuses sont ainsi érigées en universel des consciences, le cadre républicain de la laïcité se voyant ainsi marginalisé.
C’est tourner le dos au principe fondamental de laïcité, qui repose sur le primat de la liberté de conscience et la séparation entre l’État et les cultes. En ces temps de crise sanitaire, un tel principe est essentiel. Il ne peut être mis entre parenthèses ou aménagé au gré des circonstances.
Le Collectif laïque national dénonce le fait que l’Église catholique ait réussi à obtenir un traitement privilégié que ne demandait aucune des autres autorités religieuses. Il note avec regret que les responsables du culte catholique s’en soient remis pour ester en justice à des personnalités et officines dont plusieurs relèvent de l’extrême-droite intégriste antirépublicaine, dans une convergence inquiétante déjà constatée depuis longtemps sur les questions de société (IVG, mariage, fin de vie, …).
Le Collectif laïque national réaffirme que la République laïque ne repose que sur des citoyens libres et égaux, quelles que soient leurs convictions particulières. Les risques sanitaires encourus spécialement à l’occasion des rassemblements de personnes dans des lieux fermés sont les mêmes pour tous, croyants ou incroyants. Quitte à les préciser, le Gouvernement ne peut en aucun cas renoncer à imposer à l’exercice des cultes, dans l’intérêt général, les restrictions que nécessite la santé publique.
Fait à Paris le 25 mai 2020

6 commentaires
Et pendant ce temps là les célébrations de mariages civils sont impossibles, liberté fondamentale violée depuis la loi sanitaire, alors qu’il est plus facile de réunir en toute sécurité sanitaire les deux membres du couple, l’officier d’état civil et les deux témoins que les pratiquants d’une messe dans une église!. Retournerait-on vers le mariage religieux…
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Je ne parviens pas à saisir la demande du collectif laïque. Réclame-t-il que le culte catholique soit réaligné sur les autres ou demande-t-il à bénéficier des mêmes droits ? Je penche évidemment pour la 2e solution.
Je n’apprécie guère le paragraphe inclus : Le Collectif laïque national dénonce le fait que l’Église catholique ait réussi à obtenir un traitement privilégié que ne demandait aucune des autres autorités religieuses. Il note avec regret que les responsables du culte catholique s’en soient remis pour ester en justice à des personnalités et officines dont plusieurs relèvent de l’extrême-droite intégriste antirépublicaine, dans une convergence inquiétante déjà constatée depuis longtemps sur les questions de société (IVG, mariage, fin de vie, …) Vous croyez que je vais m’enquérir de la qualité du bulletin de vote du boulanger du quartier ?
Comment peut-on dénoncer quelque chose qui va dans le sens des libertés républicaines, mises entre parenthèses par ce gouvernement qui installe tranquillement un état policier ? J’en profiterai pour la réclamer pour moi-même. Par ailleurs, ce n’est pas l’Église catholique qu’il faut incriminer, c’est ceux qui ont donné l’autorisation. Qu’est-ce que viennent faire dans ce contexte les questions « sociétales » dont on remarquera la liste limitée ?
Je crois qu’on est en train de perdre le nord… républicain, y compris sur ce site qu’on aime bien pourtant.
Le principe de proportionnalité et d’adaptation aux objectifs légitimes comme la protection de la santé des mesures restrictives des libertés (quelles qu’elles soient) sont notre protection à tous et valent n’en déplaise y compris pour les adeptes de telle ou telle confession.
Le Conseil d’Etat n’a fait qu’appliquer ces limites à apporter aux mesures de restriction des libertés et ce gouvernement est un âne de ne pas l’avoir anticipé.
Pourquoi les gestes barrière et la distanciation sociale seraient elles moins applicables dans un lieu de culte que dans un supermarché ou autres lieux ouverts comme la plupart des commerces, les transports urbains, au point d’interdire au dit lieu de culte de manière générale et absolue recevoir ses fidèles alors que nous sommes entrés en déconfinement ?
C’était condamné d’avance au regard de notre droit. Ne feignez pas de vous en étonner et demandez que l’on change ce droit s’il ne vous convient pas. Mais ce sera par une sortie de la convention CEDH. juste ça.
Article 2 : séparation (financière, non-reconnaissance) des cultes et de la République : la République : État, départements, communes ; depuis, aussi régions et collectivités territoriales d’outre-mer.