Le conseil municipal de Strasbourg, à majorité EELV, a décidé d’accorder une subvention de 2,56 millions d’euros pour la construction de la Mosquée Eyyub Sultan par l’association turque «Milli Görüs ». L’UFAL s’associe aux protestations de tous ceux qui dénoncent là une violation des principes de la République. En effet, les fonds publics doivent servir uniquement l’intérêt général, non les intérêts particuliers de communautés, religieuses et/ou linguistiques. C’est en outre une atteinte au principe de liberté de conscience, puisque les impôts locaux de l’ensemble des Strasbourgeois, quelles que soient leurs convictions, vont financer une secte particulière.
Néanmoins, l’UFAL souligne que cette décision, si elle justifie les critiques en opportunité, n’a rien d’illégal. Elle paraît donc, quoi qu’en dise le ministre de l’intérieur, difficilement attaquable en justice. Elle découle en effet simplement du fait que la loi de 1905 ne s’applique pas en Alsace (ni en Moselle) : il est donc loisible aux autorités publiques d’y subventionner les cultes, y compris ceux qui, comme l’islam, ne sont pas régis par « le Concordat ».
Constitutionnaliser les principes de la loi de séparation ne changerait rien, puisque le Conseil constitutionnel a estimé1 que la constitutionnalisation du principe de laïcité en 1946 n’avait pas eu pour effet de supprimer les régimes territoriaux particuliers des cultes existant antérieurement. Pour l’Alsace et la Moselle, c’est donc une loi du 1er juin 19242 qui reste en vigueur, dont les dispositions en matière de cultes (13° de l’art. 7) dérogent à la loi de 1905.
L’UFAL appelle donc tous les Républicains et les laïques à exiger au minimum l’abrogation de l’art 7, 13° de la loi du 1er juin 1924. Ce serait le seul moyen d’empêcher à l’avenir ce type de dérapage clientéliste.
L’UFAL déplore en outre qu’à l’occasion du projet de loi « confortant le respect des principes de la République », le Gouvernement ait renoncé à inclure les organismes cultuels d’Alsace et de Moselle dans le droit commun de la loi de 1905 modifiée, comme il en avait l’intention, préférant les réécrire dans le cadre juridique non-laïque de ces départements. C’eût été pourtant un petit pas vers l’harmonisation du « droit local » séparatiste avec le droit commun de la République. Le ministre de l’intérieur, qui s’est opposé à toute évolution législative sur ce point, n’est pas crédible quand il tente, contre toute règle juridique, d’appliquer au cas de Strasbourg les dispositions –par ailleurs d’efficacité douteuse- d’une loi qui n’est pas encore votée.
13 commentaires
Je ne suis pas certain du tout que la décision de la ville de Strasbourg de subventionner la construction de cette mosquée soit légale.
En effet, la dérogation au droit républicain en Alsace Moselle n’est que le maintien d’un droit antérieur sans extension de son champ et cette dérogation est d’interprétation stricte et ne saurait voir son champ étendu au motif du principe d’égalité. On passerait alors du maintien transitoire de la législation allemande à autre chose qui serait alors contraire au principe constitutionnel de laïcité.
Darmanin a donc raison de de faire critiquer cette décision municipale devant le juge compétent.
Je ne suis pas certain du tout que la décision de la ville de Strasbourg de subventionner la construction de cette mosquée soit légale.
En effet, la dérogation au droit républicain en Alsace Moselle n’est que le maintien d’un droit antérieur sans extension de son champ et cette dérogation est d’interprétation stricte et ne saurait voir son champ étendu au motif du principe d’égalité. On passerait alors du maintien transitoire de la législation allemande à autre chose qui serait alors contraire au principe constitutionnel de laïcité.
Darmanin a donc raison de de faire critiquer cette décision municipale devant le juge compétent.
Je suis de plus en plus surpris de noter combien des organisations qui contestent nos lois savent « picorer » celles qui les intéressent et les retournent contre l’esprit même de ce qui devrait faire notre solidarité.
Ainsi les nouvelles tentatives de législations, compliquées, devraient plutôt s’inspirer du très astucieux dernier article de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui interdit d’isoler tel ou tel article au bon plaisir de tel ou tel :
Article 30
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés.
Pour ce qui concerne les extrémistes des religions la question simple à poser est celle de la hiérarchie des lois : celles de la République sont-elles reconnues comme s’imposant aux « lois » religieuses oui ou non.
Si oui on peut s’appuyer sur les corps législatif
Si non on s’exclut volontairement de cet espace de droit et on ne peut s’appuyer dessus pour faire valoir « SA » logique.
Il semble que la signature de la charte (trop compliquée) d’adhésion aux valeurs de la République n’aurait pas été acceptée, elle exclut pour moi selon ma logique « primaire » la subvention (qui de plus est une exception au droit du reste du territoire .
Je suis de plus en plus surpris de noter combien des organisations qui contestent nos lois savent « picorer » celles qui les intéressent et les retournent contre l’esprit même de ce qui devrait faire notre solidarité.
Ainsi les nouvelles tentatives de législations, compliquées, devraient plutôt s’inspirer du très astucieux dernier article de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui interdit d’isoler tel ou tel article au bon plaisir de tel ou tel :
Article 30
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés.
Pour ce qui concerne les extrémistes des religions la question simple à poser est celle de la hiérarchie des lois : celles de la République sont-elles reconnues comme s’imposant aux « lois » religieuses oui ou non.
Si oui on peut s’appuyer sur les corps législatif
Si non on s’exclut volontairement de cet espace de droit et on ne peut s’appuyer dessus pour faire valoir « SA » logique.
Il semble que la signature de la charte (trop compliquée) d’adhésion aux valeurs de la République n’aurait pas été acceptée, elle exclut pour moi selon ma logique « primaire » la subvention (qui de plus est une exception au droit du reste du territoire .
Le Conseil constitutionnel a malheureusement validé (QPC du 23 février 2013) le fait que la loi de 1905 ne s’applique pas en Alsace et Moselle, et que le principe de laïcité n’y fait pas obstacle ! On ne peut donc pour l’heure que critiquer en opportunité la décision de la ville de Strasbourg.
Cher ami
Merci de votre réponse. Je connais bien évidemment la décision du Conseil constitutionnel de 2013 (rendue sur une QPC assez mystérieuse) et nous l’avons commentée avec un ami avocat dès 2014 dans le magazine SLATE, qui, à l’époque, accueillait encore des papiers de fond en faveur du combat laïque…
Je donne donc le lien d’accès à cet article qui montre la portée iconoclaste de cette décision : http://www.slate.fr/tribune/83673/iconoclastie-principe-constitutionnel
Mais cette décision critiquable pour les motifs que nous indiquions dans cet article (et qui restent valables le président Hollande n’ayant pas tenu son engagement de constitutionnaliser les principes de la loi de 1905) ne constitutionnalise pas la dérogation dont bénéficie l’Alsace Moselle contrairement à ce que certains ce sont immédiatement cru autoriser à soutenir. Notre article explicitait notre analyse sur ce point dans une note de bas de page n°2. Je ne peux que renouveler cette analyse ici même.
En effet, sur le cas d’espèce que le Conseil constitutionnel avait à juger on ne peut qu’être étonné des conclusions de certains juristes qui en ont fait une lecture orientée, au-delà du désordre que cette décision introduit (Cf. La semaine juridique, Administration et Collectivités locales n°16, 15 avril 2013, page 2109 et suiv. la note de Hugues Portelli, professeur à Paris II – Assas).
En effet, alors que le Conseil constitutionnel a simplement constaté que le pouvoir constituant de 1958, comme avant lui celui de 1946, n’a pas entendu, au vu de ses travaux préparatoires, remettre en cause, en affirmant à l’article 1er de la Constitution le principe de laïcité, le régime spécifique et transitoire de l’Alsace-Moselle, ces commentateurs en tirent la conclusion que ce régime spécial est ainsi constitutionnalisé. Nous ne partageons pas cette analyse et pour nous, en réalité, il n’en est rien.
Le Conseil constitutionnel constate en effet seulement que le législateur n’a pas mis fin à ce régime spécifique «transitoire», ce qui demeure donc toujours possible de faire par la loi. La décision du Conseil constitutionnel est neutre du point de vue du régime transitoire d’Alsace-Moselle. Pour l’heure, cette question est toujours, pour nous, en attente d’un règlement définitif; bref, le régime dérogatoire, même si certains peuvent en rêver ou peuvent le redouter, n’a pas été constitutionnalisé par la décision de février 2013.
On peut donc considérer que la décision de la ville de Strasbourg de subventionner la construction de la mosquée est illégale, le culte musulman n’étant pas dans le Concordat et l’on peut préférer faire trancher cette question d’espèce par le juge compétent. Le principe d’égalité ne peut conduire à étendre le champ du Concordat maintenu transitoirement sur un territoire car alors c’est cette extension qui serait inconstitutionnelle. Le juge aura donc à trancher une question qui met aux prises deux principes de valeur ou niveau constitutionnel : le principe de laïcité et le principe d’égalité. Belle question.
Ne lassons pas nos lecteurs par des controverses juridiques. Je vous propose de reprendre cette conversation en privé. Mais je crains que mon interprétation ne coïncide avec celle du juge. En effet la jurisprudence Somodia (QPC du 5 août 2011) érige en principe fondamental reconnu par les lois de la République la législation particulière d’Alsace et de Moselle « ratione temporis » (tant qu’elle n’a pas été harmonisée avec le droit commun … ce qui ne peut se faire que par une loi).
La discussion juridique sur un sujet pareil n’a pas beaucoup d’intérêt limitée au cercle privé entre nous. Et il nous appartient aussi éclairer les lecteurs même par d’éventuels désaccords.
J’observe que dans votre dernière réponse ci-dessus vous admettez que la loi ordinaire peut revenir sur la législation maintenue temporairement en Alsace Moselle depuis 1945 ce qui signifie que cette législation n’a pas une portée de niveau constitutionnel (ce qui aurait interdit dès lors que la loi revienne sur ce régime), ce que se sont cru pourtant autorisés à conclure certains juristes après la décision de 2013 pour pérenniser ce régime temporaire dérogatoire puisque tel est leur objectif. Ce qui n’est pas votre cas.
Donc au fond nous sommes d’accord. Il faut en tirer les conséquences, le Concordat est maintenu mais seulement dans ses termes et pas au delà. le culte musulman n’ entre pas et il faut donc soutenir l’illégalité de la décision de subvention de la ville et ne pas la critiquer seulement en opportunité. Donc nous verrons ce que décidera le juge saisi.
Mais, plus grave est, dans la décision de février 2013, le tri fait par le Conseil constitutionnel dans les principes de la loi de 1905 dont certains se voient attribués par lui une portée constitutionnelle (principe de non reconnaissance des cultes et interdiction du salariat des cultes par l’Etat) alors que le troisième principe (interdiction de subventionnement des cultes) ne bénéficie pas d’une telle protection de par sa décision.
Ceci rend d’autant plus impérieuse comme nous l’avions démontré dans notre article sur la décision de février 2013 la nécessité politique de constitutionnaliser les trois grands principes posés par la loi de 1905.
Mais, aujourd’hui en ces temps de dilution de tout dans rien, quel parti, quel homme ou femme politique, quel mouvement demande encore une telle remontée de ces principes au rang constitutionnel ? Qui lit encore d’ailleurs correctement la décision de février 2013 ? Elle est sur le site du Conseil constitutionnel et chaque citoyen qui se veut éclairé peut aller la regarder et notamment son considérant n°5.
Bien à vous
Je regrette que vous persistiez à encombrer ce site de développements trop longs et trop techniques pour intéresser les lecteurs d’un COMMUNIQUE. Et au demeurant peu utiles puisque, pour conclure que nous sommes d’accord sur le fait qu’une loi simple suffirait à modifier la situation d’Alsace et de Moselle, il suffisait de lire le titre de notre communiqué.
Par ailleurs, j’ai depuis longemps critiqué la décision du Conseil constitutionnel du 23 février 2013 : https://www.ufal.org/laicite/alsace-moselle-le-conseil-constitutionnel-constitutionnalise-a-la-fois-la-laicite-et-les-statuts-locaux-contraires-a-la-laicite/
Je crois que chacun a pu développer ses arguments sans que quiconque « encombre » ce qui serait une curieuse conception du débat au demeurant même sur un Communiqué.
Puisque nous n’avons aucune raison de polémiquer, merci d’avoir la gentillesse de permettre aux administrateurs de ce site d’apprécier ce qu’il convient ou non d’y développer. Ce n’est pas un forum, lieu peu propice au nécessaire débat juridique entre spécialistes, qui peut d’ailleurs donner lieu à publication d’articles.
En tant qu’abonné depuis longtemps à ce site ami, je discuterai toujours, au sens positif de ce terme, ce que je peux être amené à considérer inexact ou approximatif et encore plus que sur tout autre site. Ce faisant ce n’est pas de la polémique inutile.
Dire qu’une subvention municipale à la construction de la mosquée de Strasbourg est légale avant même que la justice n’en soit saisie, ou que le Conseil constitutionnel a « constitutionnalisé » le régime dérogatoire d’Alsace Moselle sont pour moi des choses qui peuvent être discutées et pas seulement une affaire de spécialistes. Permettez qu’on le pense et qu’on l’écrive.
Maintenant ce site et ses administrateurs apprécient souverainement ce qu’ils souhaitent y publier, chacun en tirant les conséquences utiles.
Cordialement et j’en resterai là.
Merci d’avoir la gentillesse de permettre aux administrateurs de ce site d’apprécier ce qu’il convient ou non d’y développer. Ce n’est pas un forum, lieu peu propice au nécessaire débat juridique entre spécialistes, qui peut d’ailleurs donner lieu à publication d’articles.