Par un amendement surprise au projet de loi sur les « mesures relatives à la justice du XXIe siècle », le Ministre de la Justice a ouvert la voie à une déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel.
Revoilà donc réapparaître ce serpent de mer qui n’a jamais abouti malgré plusieurs tentatives (2008, 2011 et 2014 pour les plus récentes) et qui a revêtu différentes formes : soit déjudiciarisation totale, soit « simplification » avec enregistrement au greffe du tribunal, concernant les couples soit sans enfants, soit aussi ceux avec enfants.
Au prétexte de faire des économies et de désengorger les tribunaux, c’est donc une réforme majeure qui est introduite subrepticement et sans aucune concertation préalable.
Le silence de la Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes sur la question est assourdissant.
De quoi s’agit-il ? Lorsque les époux voudront divorcer par consentement mutuel, ils auront la possibilité, en ayant recours à un avocat chacun, de faire enregistrer la convention de divorce par un notaire sans passer devant un juge aux affaires familiales.
Deux « garde-fous » sont prévus : les époux disposeront d’un temps de réflexion de 15 jours après la signature du projet de convention, et, « en présence d’enfant mineur, et lorsque le mineur demande à être entendu, les époux ne pourront pas divorcer par consentement mutuel par acte sous signature privée ».
L’UFAL s’est toujours opposée à la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel, car elle considère que le recours au juge, protecteur des libertés individuelles, bénéficie aux droits du plus faible des deux conjoints, et des enfants.
Comment croire en effet que sous prétexte de « consentement mutuel » les rapports de domination, de chantage voire de violence pourraient disparaître comme par enchantement ?
De même, la protection de l’intérêt de l’enfant n’est plus garantie, car les parents qui vivent une crise peuvent avoir d’autres considérations à l’esprit. Le prétendu « garde-fou » prévu par l’amendement gouvernemental paraît bien dérisoire : le recours au juge redevient la règle lorsque « le mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge demande son audition par le juge ». Quelle pression et quelle responsabilité imposées aux enfants… si leurs parents les informent. C’est proprement inadmissible !
Même les avocats rejettent majoritairement cette réforme alors qu’ils pourraient se réjouir de voir leur importance et leur activité en bénéficier. L’exposé des motifs de l’amendement précise en effet que l’avocat « procède à un contrôle de l’équilibre des intérêts en présence » alors que son rôle est de conseiller. Alors que le juge préserve les intérêts de la partie la plus faible et peut refuser d’homologuer la convention, le notaire n’aura lui qu’un simple rôle d’enregistrement, moyennant finance bien entendu.
L’UFAL rappelle, en revanche, que la suppression du recours obligatoire au ministère d’avocat, qui n’est parfois ni nécessaire ni justifié, mais seulement source de revenus pour cette profession, est posée depuis l’origine de la loi de 1975 sur le divorce par consentement mutuel.
L’UFAL attend des parlementaires qu’ils suppriment l’amendement gouvernemental adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale, car résoudre les problèmes du système judiciaire français ne doit pas passer par la fragilisation des plus faibles et mettre en cause l’intérêt de l’enfant.
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