I trĂ©ma est une Ă©mission littĂ©raire de LaĂŻcidade , la chaine de baladodiffusion (podcast) de lâUFAL, animĂ©e par Philippe Foussier de lâUFAL Paris qui prĂ©sente des livres pour faire la RĂ©publique laĂŻque et sociale. Emmanuelle Billier-Gauthier est la prĂ©sentatrice et maitresse dâĆuvre de lâĂ©mission.
Dans I trĂ©ma #21, câest le livre de Paul Sugy «L’extinction de l’homme, le projet fou des antispĂ©cistes» qui fait lâobjet de la recension Ă Ă©couter sur toutes les plateformes dâĂ©coute.
De la dĂ©fense des animaux au rĂ©quisitoire contre lâhomme
Paul Sugy, Lâextinction de lâhomme. Le projet fou des antispĂ©cistes, Tallandier, 208 p., 17,90âŹ
Jeune journaliste au Figaro, Paul Sugy propose dans ce premier livre une rĂ©flexion dĂ©capante sur lâantispĂ©cisme. Au-delĂ du refus de consommer de la viande, ce systĂšme de pensĂ©e bouleverse selon lui lâhumanitĂ©, en thĂ©orie voire en pratique.
Certains considĂšrent lâantispĂ©cisme comme la lubie dâune poignĂ©e de doux-dingues. Paul Sugy le prend Ă lâinverse trĂšs au sĂ©rieux. Et dĂ©ploie dans ce livre des efforts mĂ©ritoires pour en comprendre les ressorts. Lâauteur sâest plongĂ© dans la littĂ©rature antispĂ©ciste et en a inventoriĂ© les sensibilitĂ©s. Les nuances dâapprĂ©ciation existent entre diverses tendances, mĂȘme si tous ses partisans sâaccordent pour prĂŽner le refus dâune discrimination fondĂ©e sur lâappartenance dâun individu Ă une espĂšce.
Paul Sugy ne sous-estime en rien les dimensions philosophique et morale de lâantispĂ©cisme et rejoint ses promoteurs pour constater que lâaboutissement de leur combat, qui dĂ©passe de loin le refus de consommer de la viande animale, constituerait une rĂ©volution anthropologique. « ConsidĂ©rer que la vie animale a une dignitĂ© comparable Ă la vie humaine provoquerait dâimportants sĂ©ismes », assure-t-il. Pour la science, lâhomme « est le plus intelligent des animaux mais il nâest quâun animal comme un autre », poursuit Paul Sugy, qui rĂ©cuse la seule approche biologique pour dĂ©finir lâhomme. Il convoque donc aussi les sciences humaines pour Ă©tablir que « lâhomme tient en rĂ©alitĂ© une place Ă part dans lâunivers ».
Lâauteur explore les limites et les contradictions de la mise en Ćuvre de lâantispĂ©cisme et explique les oppositions thĂ©oriques entre antispĂ©cisme et Ă©cologie. Le premier entend modifier un ordre naturel que la seconde rĂ©vĂšre au contraire, rĂ©sume-t-il. Il se penche sur les diffĂ©rences entre animaux domestiques, sauvages et « liminaires » et revient sur les Ă©changes rĂ©cents au conseil municipal de Strasbourg sur la protection des punaises de lit et des ratsâŠ
Les animaux, ces nouveaux prolétaires
Paul Sugy relĂšve que la pensĂ©e antispĂ©ciste, Ă lâinstar des gender studies, exerce une « extraordinaire influence sur le milieu universitaire français ». Il souligne aussi que certains de ses promoteurs -comme le mĂ©diatique Aymeric Caron- entendent faire de cette doctrine « le marxisme du XXIe siĂšcle », les animaux Ă©tant assimilĂ©s Ă de nouveaux esclaves Ă affranchir ou de nouveaux prolĂ©taires Ă Ă©manciper. Il observe en outre que les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques sont de nature Ă doper lâimpact de lâantispĂ©cisme. Le marchĂ© du vĂ©gan, qui connaĂźt en effet une progression fulgurante, atteignait en 2019 un poids de 380 millions dâeuros.
Seulement voilĂ , Paul Sugy assure que la pensĂ©e antispĂ©ciste ne constitue pas une gĂ©nĂ©ration dâidĂ©es spontanĂ©e et quâelle est arrimĂ©e Ă un corpus thĂ©orique ancien. Et le coupable, selon lui, câest lâhumanisme du XVIIIe siĂšcle, ou plutĂŽt, selon la formule de RĂ©mi Brague, un « humanisme exclusif » adossĂ© au positivisme scientifique. Si lâauteur dresse le constat convaincant dâune doctrine antispĂ©ciste inscrite dans un antichristianisme revendiquĂ©, il assure parallĂšlement que les philosophes du XVIIIe siĂšcle ont eu pour objectif dâĂ©branler « les fondements de la civilisation occidentale ». En « ouvrant la voie Ă un humanisme sans Dieu », les LumiĂšres « accĂ©lĂšrent le progrĂšs de la cause animale et ouvrent la voie Ă son institutionnalisation », prĂ©tend encore Paul Sugy.
« LâantispĂ©cisme ne prĂŽne rien moins quâun nouvel asservissement, celui des hommes », affirme lâauteur au terme de son raisonnement. Flageller les LumiĂšres pour Ă©tayer ce postulat constituera -peut-ĂȘtre- pour le lecteur le point faible de cette dĂ©monstration.
Philippe Foussier