Browsing: Féminisme et questions de genre

En avril dernier, le Conseil Européen a adopté un rapport invitant les Etats membres à dépénaliser l’avortement - si ce n’était pas encore fait - et à en garantir les conditions d’accès. S’il s’agit là d’une grande victoire pour le camp féministe, plusieurs autres évènements en France et en Europe doivent néanmoins nous amener à rester vigilants. Cet hiver, la Cour de cassation a accepté que soit inscrit dans un registre d’Etat civil un fœtus et cela quelque soit son stade de développement. Cette nouvelle offensive de l’extrême droite catholique est un premier pas vers la reconnaissance de statut juridique de « personne » à l’embryon pouvant déboucher sur une remise en cause pure et simple du droit à l’avortement. En France, la nouvelle loi contre les discriminations rend désormais possible l’enseignement non mixte à l’école. Régression de taille puisque la non mixité, facteur contribuant à la méconnaissance des sexes, ne peut avoir pour conséquence que de faire perdurer les préjugés sexistes. Le récent jugement du tribunal de Lille qui a annulé un mariage pour cause de non virginité de l’épouse traduit bien le retour à cette mentalité rétrograde. La mariée avait menti. Mais, dans une telle situation, qui ne mentirait pas pour échapper au poids des traditions patriarcales ? Le jugement de Lille est donc catastrophique à plusieurs niveaux. D’abord parce qu’un tribunal républicain, censé garantir l’égalité républicaine et donc l’égalité des sexes, a décidé que la virginité d’une femme pouvait être une « qualité essentielle » du mariage. On peut se demander quel aurait été le jugement si c’était l’homme qui n’était plus vierge. Le mariage aurait-il été annulé ? Le ridicule de la situation aidant, on n’ose le croire. Au final, le jugement de Lille ne peut qu’accentuer la pression sur les femmes musulmanes afin qu’elles restent vierges jusqu’au mariage.
Sampat Pal Devi, indienne, est chef de gang. D’un gang assez particulier. Composé exclusivement de femmes, ce gang a décidé de rendre sa propre justice face aux violences faîtes aux femmes contre lesquelles les autorités ne font rien. Ce gang compte 200 justicières dispersées dans plusieurs villages qui, à la moindre alerte, enfilent saris de combat roses et s’arment de bâtons pour porter secours aux femmes opprimées.
Un tribunal de Lille a pris la décision d’annuler un mariage parce que la mariée avait menti sur sa virginité. A cette minute, nous avons honte d’être citoyennes d’un pays dont la justice bafoue le droit des femmes. Ce jugement nous atterre et nous révolte : il est inacceptable.
Les arguments « légalistes » que la corporation des hommes de loi brandit pour accabler « les professionnels de l'indignation » - ignares que nous sommes ! - dans l'affaire du mariage annulé de Lille ont tout de la tartufferie.
Quand un fait privé suscite l'émotion publique au point de pouvoir entraîner une renégociation du droit commun, mon premier réflexe est toujours journalistique : celui du sang froid. Mais dans cette affaire de Lille, une fois toutes les précisions apportées et les précautions prises, il y a bien de quoi être révolté.