Il n’est pas possible d’avoir un débat raisonné lorsque l’un de ses termes est employé à tort et à travers, avec des sens différents, voire franchement contradictoires.
Il en est ainsi du débat sur la laïcité avec l’expression « espace public ». Cette expression est en effet couramment employée aussi bien pour désigner la sphère publique que l’espace de la société civile… ou les deux !
La loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, qui n’est pas une loi qui relève de la laïcité mais de l’ordre public (la CEDH n’a retenu que « la préservation des conditions du « vivre ensemble » »), précise dans son article 2 que « l’espace public est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public ». Cette expression est donc définie par la loi et désigne des espaces fréquentés par la population ou les simples usagers des services publics. Il s’agit donc de parties de l’espace civil.
Lorsque l’on veut débattre du principe de laïcité, il est nécessaire d’employer les expressions qui permettent de définir et différencier les lieux et le régime juridique des personnes. Il en est ainsi de la « sphère publique », qui recouvre l’État, les collectivités territoriales, l’école publique et les services publics, dans laquelle s’applique le principe de laïcité (interdiction de signes religieux dans les locaux, et de la part des agents). En revanche, dans « l’espace de la société civile », c’est la liberté d’expression (y compris religieuse) qui s’exerce, dans le respect du droit commun et de la bonne marche des services publics.
Lire dans un même article, qui plus est signé d’Alain Bergounioux, membre de l’Observatoire gouvernemental de la laïcité, l’emploi de cette expression avec ces deux significations différentes relève de summum de la confusion.
A moins qu’il n’y ait pire… dans la note d’orientation dudit Observatoire, qui multiplie les expressions – pour embrouiller le lecteur ? – lorsqu’il parle de l’espace de la société civile : « espace collectif », « espace social », « espace collectif public (hors des services publics) », « espace public ». L’Observatoire distingue « l’espace collectif public » des services publics et de « l’entreprise »… alors que la circulaire d’application de la loi du 11 octobre 2010 inclut dans le même « espace public » « les lieux affectés à un service public » et « les commerces (cafés, restaurants, magasins), les établissements bancaires, les gares, les aéroports et les différents modes de transport en commun sont ainsi des espaces publics ».
Toutes ces personnes sont tout sauf ignorantes de l’importance de la définition et de la précision des termes d’un débat. La question est donc : pourquoi ? Pourquoi entretenir ainsi la confusion qui permet aux deux dérives de la laïcité (l’ultra-laïciste identitaire et la laïcité adjectivée communautariste et concordataire) de s’inviter dans un débat duquel elles devraient être exclues de facto ?
On leur pose la question ?

Président de l'Ufal nationale, vice-Président de l'UDAF de Gironde.

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