Edito publié dans le magazine UFAL Info 77

Par Nicolas Pomiès

En 2019, l’Université Populaire Laïque (UPL) de l’UFAL s’est installée à Lille. Du 30 mai au 2 juin, l’UFAL a invité ses adhérents et ses sympathisants à 3 journées bien remplies de travail militant, de convivialité et d’échanges. L’UFAL y a également fêté ses 30 ans d’existence.

Écologie, école, sécurité sociale, économie sociale et solidaire, mutualité, féminisme, convictions laïques, militantisme associatif sont autant de sujets qui ont été abordés avec force et vigueur.

L’expertise des conférenciers s’est trouvée confrontée à un public dont la diversité a permis de travailler dans l’échange et la réciprocité au profit de tous.

La synthèse de cette université a émergé avec évidence : c’est bien à un crépuscule de la démocratie auquel nous assistons.

Il faut d’ailleurs en avoir de la force pour reconnaître que ce que nous croyions acquis depuis la Révolution française s’éteint peu à peu sous le souffle du néolibéralisme.

Le libre-échangisme mondialisé au service de l’augmentation des profits des détenteurs de capitaux impacte dramatiquement le climat. Plus aucune instance internationale de coopération n’est suffisamment puissante pour y mettre un frein.

Les sommets de régulation comme les accords de Paris sur le climat ne paraissent être que des pièces de théâtre à l’incantation pieuse.

L’école si importante pour construire des citoyens est devenue la fabrique de clonage des exploités et des exploiteurs. Nous sommes très loin de ce que Gambetta envisageait lorsqu’il disait « Ce qui constitue la vraie démocratie, ce n’est pas de reconnaître des égaux, mais d’en faire ». Le rapport PISA de 2015 indique que la France demeure la championne des inégalités scolaires.

La sécurité sociale aux mains de l’état dans laquelle les administrateurs représentant des assurés sociaux sont devenus de simples conseillers, recule dans son rôle de protection. La France s’est retrouvée en 24e position (seulement) dans la première évaluation des performances de santé relatives aux Objectifs de développement durable (ODD/SDG) des Nations Unies. Les cotisations sociales en constante régression sont également écartées de leur rôle de financement des prestations. La gestion paritaire des caisses de retraites est passée sous les fourches caudines de l’étatisation préparant la baisse des montants des pensions.

L’hôpital public est abandonné alors que son étatisation par la création des Agences Régionales de Santé (ARS) nous avait été présentée comme une rationalisation positive face à la défense jugée dispendieuse des hôpitaux dirigés par les maires des communes dans lesquelles ils étaient implantés.

L’économie sociale et solidaire (ESS) était identifiable, à sa création, par le caractère démocratique de sa gestion. Associations, coopératives, mutuelles se caractérisaient par la déconnexion de la gouvernance du capital. Un homme = une voix tel était le principe aujourd’hui battu en brèche par le concept d’utilité sociale. Le social-business organise aujourd’hui la charité comme jadis l’Église le faisait.

La Mutualité qui, en 1945, était un outil d’accès aux soins maîtrisé par les assurés sociaux s’efface sous le rouleau compresseur assurantiel imposé par l’Union européenne sous les pressions des grandes compagnies d’assurances !

Les inégalités entre femmes et hommes sont aussi des indicateurs de cette régression sociale et démocratique : rien que dans notre pays, ceux-ci gagnent 27 % de plus, ne font que 20 % des tâches ménagères et représentent 73 % des députés à l’Assemblée Nationale pendant que les femmes sont 83 000 à être violées par an, qu’une femme décède tous les 2 jours et demi sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint.

90 % des normes et des lois proviennent de l’Europe. Le citoyen est-il encore le souverain ? On peut légitimement s’en interroger.

En septembre 2018, seuls 48 % des Européens avaient le sentiment que leur voix « compt(ait) dans l’UE », contre 62 % dans leur propre pays, selon le dernier Eurobaromètre du Parlement européen.

L’abstention massive aux diverses élections est donc le produit de ce sentiment de mépris de la part des élus et d’éloignement des prises de décision.

Toutes les parcelles de démocratie sont éliminées, le gouvernement n’entend ni les corps intermédiaires, ni les parlementaires et il n’y a plus d’apprentissage de la citoyenneté ni de structures qui obéissent à d’autres logiques que celle du marché capitaliste. Les institutions européennes sont distantes, Bruxelles, c’est Versailles !

La répression violente du mouvement des gilets jaunes est bien la démonstration de la surdité volontaire du gouvernement de notre oligarchie.

Le ciel est donc bien sombre au-dessus de nos têtes.

Pourtant, un rapport de 2008 du Conseil constitutionnel indiquait que « l’abstention est un outil qui s’est peu à peu imposé dans la palette des outils démocratiques à la disposition des électeurs. Elle n’est pas seulement le signe d’un retrait ou d’un désinvestissement de la scène électorale. Pour des électeurs de plus en plus nombreux et dans le jeu politique, elle est considérée et utilisée comme une réponse électorale à part entière. Elle peut servir à exprimer leur malaise à l’égard d’une offre politique jugée insatisfaisante ou encore une sanction à l’encontre des Gouvernements sortants. Tantôt votants, tantôt, abstentionnistes, les Français rencontrent l’élection avec de plus en plus de doutes, mais aussi de circonspection. »

Il faut donc faire confiance au citoyen et répondre à ses aspirations. Pour cela l’UFAL milite dans le champ familial, car comme le rappelle son président Christian Gaudray « le fait familial est partie intégrante de la vie quotidienne d’une majorité de la population… et… l’Union Nationale des Associations Familiales (UNAF) est un des derniers lieux de démocratie sociale. »

C’est ainsi dans l’UNAF que nous participons, en militants armés de convictions laïques, à favoriser, cultiver et entretenir la dynamique sociale et civique pour favoriser la république sociale car comme l’indique Catherine Kinztler, « sans une politique laïque comprenant notamment une politique sociale, une politique du travail, une politique de la santé publique et surtout une école publique digne de ce nom mais aussi une politique de promotion des droits des femmes – sans l’éclairage de la raison laïque et l’entretien critique des convictions laïques « dans les têtes », autrement dit sans soutien populaire et sans éducation populaire, la laïcité ne serait qu’une coquille vide. »

La laïcité est le cocon de matière, étoile massive et lumineuse, qui éclairera le recours-retour à la démocratie.

Nicolas Pomiès,
Rédacteur en chef

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