Pour pouvoir enchaîner les réformes régressives concernant la protection sociale, le gouvernement prépare dès maintenant l’entrée de la dépendance dans le processus général de la marchandisation et de la privatisation de la protection sociale.
Dans un contexte de finances publiques qu’elle qualifie d’ «exangues », la mesure phare proposée par la mission parlementaire (voir le rapport) présidée par la députée de la droite néolibérale Valérie Rosso-Debord est de préconiser, sauf pour les plus pauvres et les plus dépendants, le remplacement de l’Allocation personnalisée autonomie (APA) par une assurance dépendance obligatoire à partir de 50 ans.
Il faudra donc prendre une assurance pour sa dépendance comme on prend une assurance pour sa voiture : voilà l’être humain rabaissé au niveau d’une « bagnole » ! Tous les dépendants en GIR 4, soit plus de 50 % des bénéficiaires (GIR 4 correspond au premier stade de la dépendance pris en charge par l’APA) seraient exclus de l’allocation.
Bien évidemment pour faire « passer la pilule », l’ « honorable » députée a souhaité un encadrement très strict sans bien sûr préciser ce à quoi cela consistait. Argument rhétorique classique. Cerise sur le gâteau assurantiel, elle a rejeté toute augmentation des cotisations patronales et des taux de CSG pour pouvoir contribuer à ce financement. Mais il est à noter qu’elle a bien précisé dans sa conférence de presse qu’elle ne préconisait pas de cinquième caisse de la sécurité sociale et que ce sont bien les trois composantes de l’Union nationale des organismes complémentaire à l’Assurance-maladie (UNOCAM, crée par la réforme régressive de 1995 dite loi Juppé) – les assureurs, les instituts de prévoyance et les mutuelles – qui devront prendre en charge cela et non la Sécurité sociale. Privatisation oblige ! Précisons que l’UNOCAM, tenant de la généralisation de la logique assurantielle, a proposé une cotisation de 15 euros pour une rente de 500 euros par mois ! La députée a ajouté qu’elle considérait, à titre personnel, que l’on pouvait faire mieux !

D’autres propositions (17 propositions en tout) « égayent » le rapport présenté.

  • A partir de 100.000 euros de patrimoine, celui-ci pourra être mobilisé pour le financement de la dépendance (pour un montant maximum de 20.000 euros) sauf si l’impétrant choisit de toucher une allocation dépendance réduite de moitié !
  • Un nouveau régime fiscal pour les rentes viagères devrait pouvoir faire en sorte d’en faire un moyen plus fréquent de financement de la dépendance. Avec les remerciements de la bancassurance et des sociétés d’assurance !

En fait, la mesure phare de ce rapport est liée au refus d’appliquer le principe de solidarité (à chacun selon ses besoins, chacun devant y contribuer selon ses moyens), pour appliquer celui du chacun pour soi (à chacun selon ses moyens). Comme cette politique néolibérale a pour conséquence une augmentation forte des inégalités sociales de dépendance, il est nécessaire d’y adjoindre des mesures de charité. Pour ce faire, V. Rosso-Debord propose que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie1 (CNSA, qui n’a de solidarité que le nom !) fixe le niveau du socle minimal dont elle aurait la charge.

Le lobbying assurantiel progresse

Il se fonde sur un système d’alliances entre le gouvernement, l’UNOCAM et le MEDEF que l’UFAL a déjà dénonce pour d’autres secteurs de la protection sociale. Pour comprendre l’une des raisons de la faiblesse de la réaction populaire, il est nécessaire de comprendre le retard de compréhension sur le rôle de l’UNOCAM. Les assureurs exprimaient clairement leur projet de couverture universelle par l’intermédiaire de l’APREF (Association des professionnels de la réassurance en France) dans un article des Echos du 8 décembre 2009 en « quelques principes simples, mais néanmoins assez révolutionnaires » : l’APA ne ciblerait que les personnes les plus dépendantes et les moins solvables (charité financée par l’impôt), l’assurance privée prenant le relais pour le risque léger et les personnes solvables.
Il n’y a pas jusqu’à la Mutualité de la Fonction publique (MFP), premier acteur de ce risque assurantiel avec plus de trois millions de personnes couvertes qui a annoncé le 3 juin dernier, lors de son assemblée générale, qu’elle était favorable à un partenariat public-privé basé sur un socle de base universel doublé du système assurantiel !
Qui ne voit que c’est le même discours que le rapport de la mission parlementaire ?

Quel agenda ?

Nous avons appris lors de la conférence de presse de Mme Rosso-Debord que l’agenda est reculé. Alors que la secrétaire d’Etat aux personnes âgées Norma Berra avait initialement prévu le débat pour le printemps 2010, alors que Nicolas Sarkozy souhaitait en terminer le 15 décembre 2010, voilà la discussion parlementaire repoussée au premier trimestre 2011. Peut-être pouvons-nous voir là, la prise en compte par le pouvoir d’une difficulté accrue pour conclure sa réforme régressive sur les retraites ? Avec en plus le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFFS), nous aurons donc une forte actualité dans notre domaine de prédilection !

  1. La loi sur l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées du 11 février 2005 a précisé et renforcé les missions de cet établissement public créé par la loi du 30 juin 2004. La CNSA est à la fois une « caisse » chargée de répartir les moyens financiers et une « agence » d’appui technique, chargée de :
    – financer les aides en faveur des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées ;
    – garantir l’égalité de traitement sur tout le territoire et pour l’ensemble des handicaps ;
    – assurer une mission d’expertise, d’information et d’animation pour suivre la qualité du service rendu aux personnes. []

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