La FNLP (Fédération Nationale de la Libre Pensée) vient de publier le 8 décembre un communiqué saluant un arrêt du 22 novembre 2017 de la chambre sociale de la Cour de cassation. Cet arrêt ne fait qu’appliquer en France les principes dégagés par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans deux décisions du 14 mars 2017, que l’UFAL a largement commentées pour ses lecteur. Malheureusement, la FNLP, aveuglée par son indulgence exclusive envers l’islam, en profite pour remettre la gomme sur l’affaire Baby-Loup, et commet au passage deux erreurs de droit que l’UFAL, par pure fraternité laïque et républicaine, se plaît à rectifier ici.

Deux points d’accord avec la FNLP, quand même

Sur la portée de l’arrêt du 22 novembre 2017, il n’y a pas débat. La société Micropole avait licencié une de ses collaboratrices qui refusait d’ôter un voile islamique qu’elle portait, arguant de la demande des clients, mais sans que le règlement intérieur prévoie une telle restriction. La CJUE, puis la Cour de cassation, ont considéré que l’interdiction du port d’un signe religieux par un salarié en raison d’une exigence de la clientèle, et en l’absence de disposition figurant au règlement intérieur, constituait une discrimination directe. Les laïques peuvent prendre acte sans s’émouvoir de ce rappel au principe de la liberté d’expression des salariés et au cadre nécessaire du règlement intérieur.

Autre point d’accord (qui avait à l’époque – août 2016 – échappé à la FNLP, laquelle a préféré couvrir l’UFAL d’imprécations assez comiques), la faiblesse juridique de l’art. L.1321-2-1 introduit dans le code du travail par la loi El Khomri (mais Macron a fait pire depuis). Celui-ci permet d’inscrire dans le règlement intérieur de l’entreprise un « principe de neutralité » restreignant l’expression des convictions des salariés, s’il est fondé notamment sur « la bonne marche de l’entreprise » – concept qui dépend totalement du bon vouloir de l’employeur ! Nous avions relevé que la constitutionnalité de cet article n’avait pas été examinée, et que l’on attendait la position de la CJUE sur la portée du règlement intérieur, dans deux affaires – dont Micropole.

La FNLP censure la Cour de Justice de l’Union Européenne

Cependant, le communiqué de la FNLP se garde bien de citer dans son intégralité l’autre arrêt rendu le 14 mars 2017 par la CJUE à propos de l’entreprise belge G4S. Dans ce cas, le règlement intérieur stipulait l’interdiction du port de signes religieux. Le juge communautaire a estimé que cette disposition constituait, certes, une « discrimination indirecte » – ce que la FNLP retient seulement, sous-entendant bien à tort qu’une telle clause serait illégale.

Or la CJUE a précisé que cette restriction peut être admise, à condition qu’elle soit justifiée, notamment par « la poursuite par l’employeur, dans ses relations avec ses clients, d’une politique de neutralité politique, philosophique ainsi que religieuse » – et que les moyens soient « appropriés et nécessaires ». Ce qui paraît la moindre des choses : imaginerait-on un salarié de l’UFAL recevant les familles affublé (au hasard) d’un grand crucifix ? Mais la FNLP n’a pas su – ou pas voulu – citer jusqu’au bout l’arrêt !

La FNLP a gardé Baby-Loup en travers de la gorge

On s’explique mal, par ailleurs, le rapprochement hasardeux fait par la FNLP entre l’arrêt Micropole et un arrêt obsolète de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui invalidait (à tort) le licenciement d’une salariée voilée de la crèche Baby-Loup. Or cet arrêt a été définitivement invalidé par l’assemblée plénière de la Cour, le 25 juin 2014.

A quoi bon s’obstiner à revenir sur cette jurisprudence tombée aux oubliettes ? Sinon parce que la FNLP (avec la LDH, et la Ligue de l’Enseignement) s’en était fort réjouie… prématurément.

Ce rapprochement est en fait dépourvu de la moindre pertinence juridique. La clause de laïcité et de neutralité imposée aux salariés de la crèche Baby-Loup n’était ni « générale » ni « imprécise » a estimé l’assemblée plénière – contrairement à ce que soutenait la chambre sociale. L’examen des « circonstances concrètes de l’affaire », à la différence de ce que prétend la FNLP, a permis en réalité de montrer que tous les salariés de cette petite structure étaient en contact avec les enfants et les familles : la restriction à leur liberté d’expression religieuse était donc justifiée par la nature de la tâche à accomplir (éduquer de jeunes enfants, ce qui suppose le respect de leur liberté de conscience).

Curieusement, la FNLP se garde bien de commenter la portée de cette décision validant la neutralité imposée par le règlement intérieur (qui fait implicitement référence à l’art. 14.2 de la Convention internationale des droits de l’enfant). Elle préfère n’en retenir que le dernier motif : l’insubordination de la salariée, qui permet de caractériser la « faute grave », qui justifie le licenciement proprement dit.

L’UFAL, pour sa part, défendra toujours les droits des salariés contre les prétentions patronales. En revanche, le port du voile par la salariée de Baby-Loup était instrumentalisée par des islamistes organisés. Il s’agissait d’attaquer une crèche associative laïque, qui favorisait l’insertion professionnelle des femmes dans un quartier populaire -chose inadmissible pour les barbus. Même si le licenciement de la militante voilée a été validé par la justice (au bout de 7 ans de procédure !), il faut rappeler que la crèche a été littéralement chassée du quartier, désormais abandonné aux islamistes. En s’en prenant à Baby-Loup, la FNLP avait, hélas, choisi son camp : elle n’a « rien oublié, ni rien appris » depuis.

Militant laïque, professeur, puis haut-fonctionnaire, Charles Arambourou est actuellement magistrat financier honoraire. Il suit les questions de laïcité au bureau national de l’UFAL.

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