Comment le Qatar finance l’OPA des « Frères musulmans » sur les musulmans de France et d’Europe.

Christian Chesnot et Georges Malbrunot sont grands reporters, arabophones, et spécialistes du Moyen-Orient. A la suite de leur précédent ouvrage « Nos très chers émirs : sont-ils vraiment nos amis ? », ils ont reçu une clé contenant des centaines de documents relatifs aux opérations en Europe de l’ONG « Qatar Charity », bras armé de l’émirat. Ils livrent dans cet ouvrage le fruit de leur décryptage, et des enquêtes de terrain menées dans sa continuité. Ce qu’ils révèlent est inquiétant, et n’étonnera malheureusement pas les lecteurs d’UFAL Flash : l’islamisme politique des Frères musulmans est en train, appuyé par les millions du Qatar, de chercher à prendre le contrôle des musulmans, en France et en Europe (voire dans le monde).

Des millions d’Euros aux Frères musulmans pour répandre l’islam politique par le communautarisme

Pas une once d’islamophobie dans cet ouvrage, pas plus que d’amalgame avec le terrorisme. Des faits, rien que des faits, documents à l’appui, et des recoupements par des interviews apportant la preuve de la dissimulation (taqiya), voire du mensonge, pratiqués par les bénéficiaires de la manne qatarienne.

Vole ainsi en éclat la fable des mosquées « construites avec le seul argent des fidèles », ainsi que les conclusions hasardeuses d’un rapport du Sénat de 2016((« De l’islam en France à l’islam de France : établir la transparence et lever les ambiguïtés »)), qui dédouanait curieusement le Qatar de toute responsabilité et estimait à seulement 15% les financements d’origine étrangère. A titre d’exemple, le lycée Averroès de Lille annonce avoir reçu 1 million d’Euros du Qatar, quand les documents financiers produits dans l’ouvrage font ressortir un montant trois fois plus élevé !

Plus de 8 000 mosquées dans le monde, dont près de 140 en Europe, principalement en Italie, puis en France et en Espagne : le financement qatari est mondialisé. Organisé très professionnellement, il recourt à une cascade d’entités intermédiaires, mais son usage reste étroitement contrôlé depuis Doha, nonobstant les protestations d’indépendance des bénéficiaires enquêtés, contredites par les « papiers ». Mine de renseignements, l’ouvrage examine en détail la « mosquée-cathédrale » de Mulhouse (favorisée par l’ancien maire Jean-Marie Bockel), le lycée Averroès de Lille, l’IESH((Institut européen des sciences humaines, près de Château-Chinon, dans la Nièvre, avec une antenne en Seine-Saint-Denis)), formant les imams aux préceptes moyenâgeux des Frères musulmans, les implantations de Poitiers, Décines, le Havre, Marseille, mais aussi la situation en Suisse, en Italie, en Allemagne, dans les Balkans, et bien sûr au Royaume-Uni((A Londres, une société « Nectar Trust » sert de faux-nez à Qatar Charity.)).

Or le Qatar est, avec la Turquie, le principal soutien des Frères musulmans, et abrite un de leurs leaders, Youssef Al-Qaradawi, dont les déclarations sur les homosexuels, les Juifs, ou les femmes, sont totalement incompatibles avec les « valeurs de la République française ». Les organismes bénéficiaires des dons qatariens sont tous contrôlés par des membres de la confrérie. La conclusion de l’ouvrage résume la stratégie des Frères : « Avancer lentement leurs pions, parfois masqués, afin d’adapter le droit commun à leur conception de l’islam. Une conception conservatrice, et qui renforce le communautarisme. »

Il s’agit notamment de favoriser la création de « centres islamiques », comprenant, outre une mosquée (ce qui est conforme à la liberté de culte), un « département de mémorisation du Coran », un « centre de prédication », des salles de cours pour apprendre l’arabe (coranique), des salles de conférence, une bibliothèque, voire des jardins d’enfants et un espace funéraire. Sans compter l’ouverture d’établissements d’enseignements. A Mulhouse, sont même prévus un centre commercial et un cabinet médical, permettant aux vrais musulmans de ne pas se dissoudre dans la société laïque des mécréants. Certes, cette organisation d’un communautarisme religieux n’est pas une spécificité de l’islam : le judaïsme l’a précédé en France. Mais il est ici au service d’un islam politique (ou « islamisme ») clairement opposé aux principes républicains.

Un danger encore trop largement sous estimé

Certes, sous la présidence Macron, un début de réaction s’est fait sentir
avec l’objectif de transparence financière et de maintien de l’ordre public (non sans maladresses, lors de la tentative de modifier la loi de 1905). Des démarches à l’égard du Qatar ont été effectuées au plus haut niveau –sans trop de résultats concrets d’ailleurs. Mais les pouvoirs publics français se sont mis eux-mêmes dans une impasse, du fait de leur volonté affichée de trouver à tout prix un interlocuteur « représentant les musulmans de France » (concept contraire à l’esprit de la loi de séparation). Car l’UOIF, rebaptisée « Musulmans de France » (tout un programme !), est bel et bien en train d’organiser cette « représentation » communautaire pour le compte des seuls Frères musulmans, dont elle est l’émanation. Au détriment sans doute de « l’islam consulaire » du Maghreb (Algérie, Maroc), mais en s’appuyant sur un réseau bien organisé de Français liés à la mouvance « frériste », en général diplômés, souriants, et très présentables. Le Conseil français du culte musulman, quant à lui, seul interlocuteur actuel des pouvoirs publics, quoique décrié, a été pris en main par Ahmet Ogras, ingénieur d’origine turque, considéré proche des Frères musulmans.

En France, Musulmans de France et les Frères s’avancent masqués sous l’étendard d’un « islam du juste milieu », et offrent aux pouvoirs publics nationaux et locaux des interlocuteurs propres sur eux, très ouverts à l’interreligieux et n’ayant que le « vivre ensemble » à la bouche((« L’islam reviendra en Europe sans avoir recours à l’épée. Cela se fera par la prédication et les idées. » Youssef Al-Qaradawi, cité p. 207 de l’ouvrage.)). Beaucoup trop de responsables politiques sont tombés dans le piège. L’ouvrage rappelle que l’UOIF a été introduite dans le jeu par Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était ministre de l’intérieur. Les services de police sont (le livre le montre) très divisés : pour les uns, il existe une réelle tentative d’infiltration d’un islam radical, pour les autres, les Frères sont peu nombreux et le véritable danger viendrait des salafistes, soutenus par l’Arabie Saoudite (mais avec un bien moindre professionnalisme que le Qatar).

Il faut donc rappeler une fois de plus que l’objectif des Frères musulmans est de rétablir le Califat, d’imposer la charia partout où c’est possible, et d’user pour cela de tous les moyens disponibles : du terrorisme meurtrier en Egypte au « communautarisme à visage humain » en France. « Bons Frères contre méchants salafistes »((Les Frères n’hésitent pas à dénoncer des salafistes à la police, et à l’aider contre cet extrémisme rival.)) : suivre un tel raisonnement serait mortifère pour la République.

Nous nous étions interrogés, dans l’article mentionné en introduction, sur la présence systématique à toutes les manifestations de l’UOIF d’un Ghaleb Bencheikh, président actuel de la Fondation pour l’Islam de France, qui professe par ailleurs des positions parfaitement républicaines et défend un islam ouvert. D’autres personnages tout aussi présentables (Hakim El Karoui, Tareq Oubrou, etc.) fréquentent les mêmes rassemblements. Que ce soit volontairement ou « à l’insu de leur plein gré », ils apportent au moins une caution de respectabilité à une entreprise de contrôle des musulmans en France par un islam plus que « fermé ».((Sur le terreau des Frères peuvent éclore des individus radicalisés, telle Hanane Aboulhana, tuée lors d’une intervention du Raid, compagne du détenu qui avait agressé au couteau des gardiens de la prison de Condé-sur-Sarthe. Cette jeune femme était membre de l’Association des musulmans d’Alsace (gérant la mosquée de Mulhouse pour les Frères), et ancienne employée du fonds de dotation « Passerelle » créé par les mêmes pour son financement.))

Répétons-le : si l’islam, comme toute religion, est compatible avec la République -justement grâce à la loi de séparation-, l’islamisme politique, ce cléricalisme qui prétend assujettir la société civile (totalement ou partiellement) à la loi religieuse, n’a pas sa place en France. La sournoise OPA des Frères musulmans sur l’ensemble des musulmans vivant en France, à terme plus dangereuse pour la République que le terrorisme, doit être mise au jour et dénoncée. « L’organisation d’un islam de France » voulue à tout prix par le gouvernement pourrait bien lui ouvrir un boulevard !

Militant laïque, professeur, puis haut-fonctionnaire, Charles Arambourou est actuellement magistrat financier honoraire. Il suit les questions de laïcité au bureau national de l’UFAL.

En savoir plus sur UFAL

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading

Exit mobile version