Une collégienne de Charleville-Mézières, qui savait devoir ôter son voile au collège, désirait manifester son identité religieuse par le port d’une longue jupe (avec quelques camarades et le même jour, semble-t-il). Elle a été fermement priée de se changer de tenue avant d’être acceptée dans l’établissement. Il n’en faut pas plus pour que les médias en fassent leurs titres, et que les communautaristes, multiculturalistes, et pourfendeurs de « l’islamophobie » poussent leurs habituels cris d’orfraies : « On vérifie la longueur des jupes des musulmanes, maintenant ! ».

A peine auront-ils remarqué que la ministre Vallaud-Belkacem (qui accepte pourtant les signes religieux chez les parents accompagnant les sorties scolaires) a cette fois soutenu la direction du collège. En effet, la loi du 15 mars 2004 (art. L141-5-1 du code de l’éducation) interdit à l’école publique « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ».

La loi ne vise pas des « signes ostentatoires », mais des manifestations ostensibles !

Pour qui sait lire, ni la couverture des cheveux, ni la longueur des jupes ne sont en elles-mêmes concernés… sauf si elles procèdent d’une manifestation ostensible (c’est-à-dire à la fois visible et intentionnelle) d’appartenance religieuse. Au cas d’espèce, le caractère concerté de l’opération, s’il est confirmé, suffit à la caractériser comme relevant du prosélytisme.

Pour la loi, et contrairement à ce qui est dit et écrit à tort, il n’y a pas de signe ostentatoire en soi, il y a simplement des signes qui se trouvent utilisés, en fonction des circonstances, pour manifester ostensiblement une appartenance religieuse. Ces « signes ou tenues » peuvent être absolument neutres en eux-mêmes : c’est la façon dont ils sont arborés, le comportement des élèves, qui compte.

A tous ceux qui crient à l’atteinte aux libertés (voire au fascisme), on rappellera que c’est sous le contrôle du juge que s’apprécie le caractère ostensible ou non de la manifestation d’appartenance religieuse. Or la Cour européenne des droits de l’Homme a systématiquement admis les décisions judiciaires françaises sanctionnant (après « dialogue avec la famille ») filles voilées ou garçons enturbannés, en application de la loi précitée.

Cette loi ne fait que reprendre une disposition de la circulaire le 15 mai 1937 de Jean Zay, ministre de l’éducation nationale, précisant notamment : « L’enseignement public est laïque. Aucune forme de prosélytisme [religieux] ne saurait être admise dans les établissements. » Jean Zay, ministre du Front Populaire, fut assassiné le 20 juin 1944 par la milice fasciste de Pétain -rappelons-le à ceux qui crient au fascisme sans savoir…

Pour remettre en cause la loi, l’islamisme politique utilise le cycle provocations-répression

On pourrait dire : circulez, il n’y a rien à voir, laissez cette jeune fille tranquille, le temps qu’elle se change. Mais voilà : la charmante enfant, soutenue par sa famille, et en accord avec quelques compagnes, pourrait bien à son tour (nous avons connu cela en 1989) n’être que l’instrument de l’islamisme politique, qui n’a jamais renoncé à ses tentatives d’intrusion dans la sphère publique. Il lui faut donc, par tous les moyens, remettre en cause la loi de 2004. Et pour cela, une seule solution : la provocation -suffisamment orchestrée pour essayer de démontrer qu’il s’agit d’un texte « liberticide » et « islamophobe ». Ce serait être complice, ou d’une coupable naïveté, que de ne pas voir cette nouvelle tentative pour « tester la résistance de la République » (comme disait Bernard Stasi, en 2002).

Il faudrait savoir… mais de toute façon « la République a tort » !

Comment, enfin, ne pas relever la contradiction flagrante des partisans de ces manifestations « anti-loi de 2004 » ? De deux choses l’une : ou le port (éventuellement concerté) de ces vêtements est une manifestation ostensible d’appartenance religieuse ; ou il ne l’est pas.

Dans le premier cas, il est prohibé, l’administration scolaire a raison… mais la provocation permet de crier à l’islamophobie de la loi. Dans le second cas, si la jupe est « neutre », comme le dit la mère de l’intéressée, pourquoi alors soutenir que l’empêcher relèverait de la discrimination contre les musulmans ? Pourquoi la presse titre-t-elle sur « les jupes longues des musulmanes » ? IL FAUDRAIT SAVOIR !

Voilà l’occasion d’un superbe « raisonnement circulaire » : le « collectif contre l’islamophobie » déclare qu’on ne reproche leur tenue qu’aux jeunes musulmanes, « parce qu’on sait qu’à l’extérieur elles portent le voile ». Autrement dit : si c’est religieux, elles sont victimes d’une « loi anti-musulmanes » ; si ça ne l’est pas, elles sont victimes de « harcèlement anti-musulmanes ». Pile je gagne, face tu perds !

Cet argument spécieux (car comment démontrer le contraire ?), a été fourni –c’est sans doute un hasard- par Rokhaya Diallo, dès 2012, à propos du port des « abayas » (longue robe noire d’origine saoudienne). Mais sans doute seuls des esprits pervers verraient dans ces histoires de jupe la marque d’une opération organisée de longue date contre la loi du 15 mars 2004, la laïcité scolaire, et la République.

Quand le voile est interdit, on tente la jupe longue, ou l’abaya. Quand la loi est en vigueur, on essaye de la remettre en cause en entamant le cycle provocation-répression… Dans cette stratégie de déstabilisation, qui harcèle qui, au fait ? C’est clair, la laïcité de l’école publique est redevenue un front de défense de la République.

Militant laïque, professeur, puis haut-fonctionnaire, Charles Arambourou est actuellement magistrat financier honoraire. Il suit les questions de laïcité au bureau national de l’UFAL.

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