Le principe de laïcité ne concernant que la sphère publique, il ne saurait s’appliquer dans l’entreprise privée, sauf si celle-ci est chargée d’une mission de service public. Pour avoir rappelé « La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses », le préambule Badinter au projet de loi El Khomri a fait l’objet de critiques contradictoire, donc également faibles, comme nous l’avons montré. Mais voici que l’extrême-droite et la droite s’y mettent, faisant assaut de laïcité contre la réforme souhaitée par le MEDEF !

Etonnants laïques, juristes ignorants

Le FN a tiré le premier, le 16 mars 2016, par un communiqué de Bertrand Dutheil de La Rochère, dénonçant un « article anti-laïque » « [introduisant]les dissensions religieuses au sein de l’entreprise », lesquelles, juridiquement « insécurisées », seront prêtes à tous les « accommodements raisonnables » (sic) pour « acheter la paix sociale ». C’est beau comme du « Riposte Laïque » !

Le 21 mars, Jean-François Copé, décidément en mal d’existence, dégaine à son tour : « ce combat [laïque] n’appartient à aucun parti politique. », dit-il pour se défendre de courir après le FN. Et d’annoncer une pétition contre l’introduction de « ce type d’élément religieux dans l’entreprise », qui va se trouver « insécurisée », car – tenez-vous bien , « il n’y a jamais eu de référence religieuse dans le code du travail ». Eh bien, perdu !

La sincérité laïque d’une droite amatrice de crèches de la Nativité dans les bâtiments publics au nom de la « tradition chrétienne de la France » prête à rire. Mais c’est son ignorance du code du travail, bien prévisible puisqu’elle le déteste, qui lui fait proférer des énormités. Rectifions !

Les convictions religieuses sont déjà autorisées à l’entreprise (ce sont même les seules !)

En effet, le code du travail actuel interdit explicitement les discriminations pour, notamment, « convictions religieuses ». M. Copé trouvera ces « références religieuses » à l’art. L1132-1 (les lecteurs de l’UFAL le savent), répétées à l’art. L1321-3 – 3, qui interdit que le règlement intérieur contienne de telles discriminations.

Comme nous l’avons montré dans notre précédent article cité, le problème est que, par un tour de passe-passe, les « convictions religieuses » (avec les « opinions politiques ») sont les seules à se voir protégées par le code du travail actuel : à cet égard, la formulation du préambule Badinter est préférable.

En revanche, dans le projet de loi, les motifs justifiant des « restrictions aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives » (actuellement « la nature de la tâche à accomplir »), sont excessivement élargis à « la bonne marche de l’entreprise » critère que semble donner carte blanche au seul employeur.

L’attaque par la droite de la réforme El Khomri au nom (usurpé) de la « laïcité » vise à brouiller les pistes, puisque, pour l’essentiel, FN et LR approuvent le torpillage du code du travail voulu par les patrons, et le trouvent même trop mou ! Elle invite aussi les défenseurs des droits des salariés, comme ceux de la laïcité, à se méfier des lectures trop rapides…

Militant laïque, professeur, puis haut-fonctionnaire, Charles Arambourou est actuellement magistrat financier honoraire. Il suit les questions de laïcité au bureau national de l’UFAL.

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