Ainsi donc, une crèche de la Nativité ne serait pas un symbole religieux. Son apposition dans des bâtiments publics, contrairement à l’art. 28 de la loi de 1905, serait dès lors permise. C’est du moins ce qu’ont affirmé plusieurs juridictions administratives, saisies dans trois affaires de crèches (mairies de Melun et Béziers, conseil général de Vendée). La liberté de conscience ne se divisant pas, l’UFAL se permet ici de défendre la liberté du culte catholique et le respect de toutes les croyances !

Amis catholiques, tenez-vous le pour dit : « dans une société largement sécularisée, [la crèche] a perdu [son] caractère religieux », tranche le TA de Melun. Donc (citations des différentes juridictions) « Marie et Joseph… entourant avec les bergers…la crèche de l’Enfant-Jésus », la « reproduction de la scène de la naissance de Jésus de Nazareth, telle que la décrit l’évangile selon Luc1 » -tout cela n’aurait rien de religieux. Voilà la crèche banalisée, ramenée au niveau du Père Noël, du sapin et des guirlandes : une déchristianisation forcée par le juge !

Or, outre le droit, le simple bon sens… et le respect des croyances nous disent le contraire ! La preuve : dans les mêmes cas d’espèce (affaires de Melun et de Vendée), il s’est trouvé chaque fois une instance sur deux (premier juge ou appel) pour rappeler que la crèche était bien un symbole religieux – ce dont la CAA de Paris ne démord pas, grâce à Dieu (si l’on ose dire) ! Quant au TA de Montpellier, il se contredit lui-même en affirmant à la fois que la crèche de Béziers avait « nécessairement une signification religieuse », et qu’elle « ne pouvait être regardée comme ayant le caractère d’une présentation revendiquée de symboles de la religion chrétienne ». Plus impénétrables que les mystères de la religion : ceux de la jurisprudence !

Soyons sérieux : une « crèche de la nativité » figure bien, comme le reconnaît la totalité des juges cités, « la naissance de Jésus » (pour certains, « de l’Enfant-Jésus »). Son caractère traditionnel très ancien ne fait que confirmer sa forte valeur religieuse pour les catholiques (pas pour les autres religions chrétiennes). Mais il est douteux que la masse des croyants, même les plus traditionnels, souhaite que cette « représentation », propre aux espaces cultuels et à l’intimité familiale, devienne un emblème public ! Il est même probable que les plus pieux apprécient peu l’affichage banalisé de crèches dans les centres commerciaux…

Que dire alors de l’affichage politicien fait par Robert Ménard (apparenté FN) à Béziers, dont l’objet est de symboliser publiquement une prétendue « France chrétienne », excluant donc toute autre conviction ? L’intéressé le confesse : c’est « pour rendre hommage à la naissance du Christ » (qu’en pense le juge administratif ?). Mais que ferait Dieu sans Robert Ménard ? Voilà un « hommage » dont les croyants se passeraient sans doute ! En France, il n’appartient pas à un élu de la République de favoriser un culte plutôt que n’importe quelle autre croyance ou philosophie. Cette récupération politicienne d’une religion est une insulte à tous ceux qui s’en réclament.

Nous sommes dans un Etat de droit laïque : on ne parlera donc pas ici de « profanation », encore moins de « blasphème » ! Mais voilà au moins un manquement à l’obligation de « respect » de toutes les croyances de l’art. 1er de la Constitution. Les vrais laïques ne peuvent que dénoncer ces manipulations politico-juridiques.

Ne privons pas les catholiques de leur emblème religieux qu’est la crèche, ni la République de sa neutralité confessionnelle !

  1. Comble de l’hypocrisie : le tribunal, pour « faire laïque », évite de dire « Saint » Luc ! []

Militant laïque, professeur, puis haut-fonctionnaire, Charles Arambourou est actuellement magistrat financier honoraire. Il suit les questions de laïcité au bureau national de l’UFAL.

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