Poursuivant le dialogue entamé à partir de notre réponse à Jean-Paul Delahaye, la Ligue de l’Enseignement nous a fait parvenir un bref message intitulé « Pour solde de tout compte » (cf. encadré ci-après). L’UFAL en prend acte, tout en regrettant que ce dialogue tourne court malgré l’intention proclamée d’ouverture sur l’avenir.

La Ligue propose un « cadre commun de référence » purement littéraire, et guère opérationnel. Il consiste à se garder de « travers » présentés comme généraux, mais dont tout laisse comprendre (figure de rhétorique connue) qu’ils visent la seule UFAL. Comment, dès lors, « aller plus loin » ?

Passons sur l’étrange « travers vintage » (formule, et non concept). L’ancienneté des erreurs, avons-nous écrit, n’est pas une excuse absolutoire. La Ligue présente son « histoire politique (1866-2016) » due à Jean-Paul Martin comme « une ressource rigoureuse » : or nous croyons savoir que l’ouvrage a au contraire suscité des controverses internes de la part de militants chevronnés de la Ligue et de la FEN… Dans ces conditions, prétendre « se souvenir de l’avenir » reste un oxymore sans portée.

Quant au « travers épiscopal », il serait peu aimable s’il n’était surtout bien léger de nous le reprocher. La Ligue invite à « s’interroger sur ses propres positions, ses alliances, ses stratégies ». Que ne le fait-elle, serait-ce au prix de sa propre satisfaction ? Et qu’elle nous dise clairement où, en quoi, et avec qui l’UFAL se serait trompée depuis 30 ans sur les grands dossiers laïques ou sociaux : nous sommes toujours prêts à en débattre, mais pas par insinuations.Pictures: TRUSTOPT

Car que comprendre du « travers borgne », qui conduirait l’UFAL, malgré ses position claires, à subir une « instrumentalisation (…) plus subtile » ? Diable ! Laquelle donc ? Ce n’est certes pas à nous qu’il faut conseiller de « considérer les autres intégrismes [que l’islamisme]et toutes les menaces contemporaines sur la liberté de conscience ». « Fous de dieu » catholiques, Eglise officielle, Evangéliques, crèches Loubavitch, etc. sont régulièrement dénoncés sur nos médias. Alors ?

On déplorera surtout que La Ligue n’ait pas l’intention de donner suite aux dossiers concrets proposés par l’UFAL :

  • L’étrange diapositive sur « les crispations autour de l’islam » utilisée dans l’académie de Caen pour « former » les réservistes ? C’est trop loin, sans doute ? Il est pourtant révélateur.
  • La version revue et édulcorée de la « Charte de la laïcité », dont nous suggérons le réexamen ? C’est trop ancien, le coup est parti ? Or ce document contestable, au moins inadapté, continue à être utilisé officiellement sous couvert de l’éducation nationale, dans le cadre de la réserve citoyenne, et reste affiché dans bien des écoles !

Bref, ces pirouettes visaient sans doute à suspendre le débat à la veille de la « trêve des confiseurs ». Elles ne permettent guère de le reprendre, encore moins d’envisager comment travailler ensemble. C’est dommage. Nous attendons toujours de la part de La Ligue une prise en compte des errements passés, et un effort – comme celui que fait l’UFAL – pour sortir des enfermements politiciens (du type « Valls vs Bianco ») qui divisent laïques et républicains.

PS : Pour réaliser l’unité des laïques, Jean-Paul Delahaye devrait éviter de retweeter les sottes attaques de l’Observatoire de la Laïcité contre de prétendues « 25 propositions » de l’UFAL, sans s’informer préalablement auprès de nous…

Texte de La Ligue de l’Enseignement, reçu le 21 décembre 2017 sous l’intitulé : « Réponse finale, et ouverte sur l’avenir »

Pour solde de tout compte…

L’appel de Jean-Paul Delahaye, vice-président de la Ligue de l’Enseignement, à « s’unir pour défendre et promouvoir la laïcité » publié sur le site de Solidarité Laïque a été suivi d’un échange vigoureux et respectueux entre la Ligue de l’enseignement et l’UFAL. Nous ne nous sommes certes pas tout dit, des désaccords persistent, mais la Ligue veut aller au-delà, convaincue de l’indispensable union des laïques qui se retrouvent dans la volonté libérale de la loi de 1905.

Comment faire pour aller plus loin ? Que nous faut-il éviter ? Que nous faut-il rechercher ? La Ligue suggère un cadre commun de référence pour faire de la laïcité un principe actif et non un refuge défensif. Il s’agit déjà pour nous de se défier de trois travers :

Un travers vintage. C’est humain, nous avons toutes et tous une certaine nostalgie du passé, de ce qui a été comme de ce qui aurait pu être. Trente ans, c’est une génération. Tous, nous avons agi. Et nous sommes devant les résultats de nos actes et leurs effets éventuels sur l’état de la société et du mouvement laïque. Les remords comme les regrets sont inutiles. L’oubli serait une erreur. Le livre de Jean-Paul Martin « La Ligue de l’enseignement. Une histoire politique 1866-2016 » est une ressource rigoureuse si nous souhaitons y revenir. Ce qu’il faut, c’est « se souvenir de l’avenir » pour reprendre le mot d’ordre de nos 150 ans lors du congrès de Strasbourg.

Un travers borgne. La Ligue l’a reconnu : l’UFAL ne s’est pas laissé entraîner lorsque des militants égarés ont versé dans un nationalisme fermé. Mais l’instrumentalisation peut être plus subtile. Elle peut résulter de manœuvres comme de l’air du temps. Et celui-ci n’est pas favorable à la démocratie et aux libertés. Lorsque le monde politico-médiatique ne considère que le monde musulman, massivement paisible, en focalisant sur les -très réels- mouvements criminels qui le parcourent, ne faut-il pas s’interroger sur les autres conflits existants, nombreux (politiques, culturels, économiques…) et considérer aussi les autres intégrismes et toutes les menaces contemporaines sur la liberté de conscience ?

Un travers épiscopal. Personne n’est à l’abri de l’erreur. A un ami qui se trompe, il faut savoir le dire. L’UFAL nous le dit. Et nous le disons à l’UFAL: attention à ne pas tomber dans un mode d’intervention qui consisterait à donner, tel un évêque, ex cathedra, les clés du bien et du mal, de l’erreur et de la vérité. Et à ne pas s’interroger sur ses propres positions, ses alliances, ses stratégies qui seraient toujours incontestables… En ce sens notre débat va dans le bon sens.

Alors pour la laïcité, avançons hardiment, et concrètement. Assurons la promotion de la laïcité. Certes, défendons-la lorsqu’elle est menacée, mais surtout rendons-la désirable notamment auprès des plus jeunes. La Ligue continuera à faire vivre la laïcité à travers ses actions et ses choix éducatifs, seule, au sein du Cnal, au sein des collectifs départementaux qu’elle initie souvent avec les autres mouvements qui le souhaitent.

 

Militant laïque, professeur, puis haut-fonctionnaire, Charles Arambourou est actuellement magistrat financier honoraire. Il suit les questions de laïcité au bureau national de l’UFAL.

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