Le préavis de grève posé par l’intersyndicale en vue de la mobilisation du 18 septembre 2025 entend répondre au projet de budget d’austérité proposé par le gouvernement de François Bayrou.
Pour les services publics comme la santé ou l’école, déjà en grande difficulté, la baisse de financements prévisibles causerait encore des dégradations dans l’accomplissement de leurs missions.
En ce qui concerne spécifiquement l’Éducation Nationale, les politiques libérales atteignent aujourd’hui, dans la crise actuelle du système, leurs conséquences et leurs limites.
Dès 1996, le rapport de l’OCDE, l’école de demain (schooling for tomorrow), préconisait, dans une perspective utilitariste, d’adapter prioritairement les élèves aux besoins du marché plutôt que de former des citoyens cultivés. À cette fin, il était conseillé à demi-mot de baisser les exigences scolaires pour tous, en somme de tarir la qualité sans rogner sur la quantité, afin de ne pas créer une impression de dégradation pourtant assumée.
Pour autant, trente ans plus tard, la détérioration qualitative entraîne une chute quantitative, symptôme des limites de ces politiques, qu’il serait insensé de poursuivre.
Des résultats, d’abord : les résultats 2022 de l’étude PISA témoignent « du plus grand décrochage depuis 2000 »((Résultats des élèves : la France et le classement PISA 2022 | vie-publique.fr)),notamment en mathématiques et compréhension de l’écrit. Du taux de recrutement des professeurs ensuite : 11,6 % des postes aux concours de recrutement n’ont pas été pourvus à la session 2024, chiffres comparables à la session précédente, alors que plus de mille postes ont été supprimés cette année, témoignant ainsi d’une profonde crise des vocations. Ainsi, en 5 ans, la part de contractuels- personnels recrutés parfois en job-dating, sans formation initiale ni continue — à l’Éducation nationale est passée de 14,5 % à 22 % (+68 %)((Source Comité technique de l’Éducation Nationale (CTMEN) )). Détérioration des indicateurs de climat scolaire enfin. La médiatrice de l’Éducation Nationale, dans un rapport de juillet 2024((Face à «la dégradation du climat scolaire», l’urgence d’une meilleure protection des personnels – Libération (liberation.fr) )), relève ainsi plus de 20 000 saisines en 2023, en augmentation de 42 % sur 5 ans : « épuisement professionnel, agressivité, harcèlement, atteintes à la laïcité, contestation des enseignements, difficultés dans la mise en œuvre de l’école inclusive… » Le tableau dressé par la médiatrice est alarmant. De l’empilement des réformes dictées par un agenda plus politique que pédagogique au surgissement de problématiques sociétales au sein du sanctuaire scolaire, c’est tout le système qui prend l’eau.
D’autant plus que pour la suite, compte tenu, d’une part de la hausse exponentielle des démissions de professeurs (+ 600 % en dix ans)((France : nombre de démissions d’enseignants par niveau | Statista)) et d’autre part, de la structure vieillissante des personnels enseignants, cette crise pourrait s’approfondir. En effet, d’ici à 2030, 328 000 postes d’enseignants seront à pourvoir du fait de départs massifs à la retraite d’une génération de professeurs((Source DARES : Métier 2030 – Synthèse 2022 (travail-emploi.gouv.fr) )).
Le service public d’éducation pâtit en outre d’une concurrence déloyale qu’il organise lui-même. Ainsi, une récente enquête, menée par des journalistes de France Info, révèle que « Les lycées privés disposent de meilleures conditions d’enseignement que le public. »1 En effet, si les fonds du privé sous contrat ne doivent pas excéder 20 % des fonds alloués au public, les DGH (dotations horaires globales) des établissements privés sous contrat masquent un ratio heures/élève en réalité supérieur au public dans bien des cas (19 académies sur 24). Ces heures en plus, comme le note l’UNSA, « permettent de mettre moins d’élèves par classes », d’offrir plus d’options et de sorties scolaires. Un traitement défavorable aux établissements publics, dont on sait qu’ils concentrent le plus gros des inégalités socio-spatiales, contrairement au privé qui joue souvent un rôle de contournement de la carte scolaire, au détriment de la mixité sociale et de l’égalité des chances.
Devant cette situation, l’UFAL, qui a toujours lié le combat laïque et le combat social, appelle à la constitution d’un large front laïque et républicain. La société civile doit peser de tout son poids pour reconstruire l’école de la république.