Le Dr Reichman est un hurluberlu que certains ont pu découvrir dans le magnifique film la Sociale de Gilles Perret. Le Dr Reichman y tenait en substance ces propos dont vous pourrez apprécier le niveau stratosphérique de l’analyse : « La France est le seul pays communiste avec Cuba et la Corée du Nord. La preuve c’est qu’il n’y a plus de Parti Communiste en France car tout le monde est communiste ». Vertigineux.

Au-delà de ses fulgurances verbales, Claude Reichman, ex-chirurgien dentiste, est surtout le fondateur et représentant du Mouvement pour la liberté de la protection sociale (MLPS) qui milite depuis plus de 25 ans dans le sens de la désaffiliation, affirmant qu’il est possible pour les indépendants de quitter la Sécu française dans le respect des directives européennes. Heureusement, la justice française s’est contentée de dire le droit et a condamné le Dr Reichman à dix mois de prison avec sursis et son association à 60 000 euros d’amende pour moitié avec sursis, pour avoir notamment aidé à la désaffiliation des particuliers, alors que cela est totalement illégal. Près de 1800 indépendants étaient toutefois tombées dans le panneau.

Au-delà du cas particulier de ce fou furieux qui fait plus rire qu’autre chose, il faut comprendre que le mouvement de fond de désaffiliation et de remise en cause du caractère obligatoire de la Sécu n’a jamais cessé depuis les années 1990 en dépit de la jurisprudence européenne qui confirmé le caractère obligatoire des régimes de Sécurité sociale « solidaires » (arrêt Poucet & PIstre 1993). Nous pourrions cependant largement discuter de la robustesse juridique de décision européenne qui ne tient qu’à un fil jurisprudentiel, fondé sur le principe de solidarité, qui est impropre à qualifier notre système français de Sécurité sociale, lequel reste encore largement fondé sur la protection des travailleurs (et non sur la redistribution entre riches et pauvres).

Le mouvement de désaffiliation concerne essentiellement les travailleurs indépendants dont les difficultés (souvent réelles) sont instrumentalisées par plusieurs officines pousse-au-crime (comme par exemple le mouvement des libérés). On ne compte plus les pages et articles internet où les indépendants se disent spoliés et matraqués par les charges et les cotisations sociales.

Les indépendants récalcitrants ont obtenu une petite victoire avec la disparition du RSI même s’ils seront désormais affilés au Régime Général ce qui ne les réjouit pas pour autant. Pourtant il est faux de dire que les indépendants payent plus de charges que les salariés ou ont des droits sociaux inférieurs à cotisations égales. Depuis 1974 les droits sociaux contributifs des indépendants sont harmonisés sur ceux des salariés (pour la retraite et la maladie). Les différences de droits acquis tiennent uniquement à la base de calcul déclarée (l’assiette) qui est généralement inférieure (pour raison économique ou par dissimulation). Certes les travailleurs indépendants ne sont pas couverts contre les accidents du travail mais ne cotisent pas non plus sur ce risque. Par ailleurs le régime micro-social (celui applicable pour les autoentrepreneurs notamment) prévoit des taux encore plus bas avec des droits sociaux réduits à néant. Malheureusement ce régime tire vers le bas l’ensemble des travailleurs indépendants et crée les conditions d’un dumping social entre indépendants. Reste qu’il est beaucoup plus facile d’incriminer les charges et la Sécurité sociale que de dénoncer des géants comme Amazon ou Uber qui détruisent à tours de bras les commerces de proximité et l’artisanat tout en échappant de manière honteuse à la fiscalité.

Délégué national aux questions sociales et familiales de l'UFAL, cadre dirigeant du Régime Général de Sécurité sociale, enseignant à Sciences Po Strasbourg et auteur de l'ouvrage : « Pour en finir avec le Trou de la Sécu » éd. Eric Jammet.

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