Si le système des Caisses Pivots vous rappelle le fonctionnement des chambres de compensation est-ce vraiment fortuit ?

Depuis février 2001, la sécurité sociale (à savoir les Régimes d’Assurance Maladie Obligatoires) a mis en œuvre le dispositif de la Caisse centralisatrice de paiements appelé communément le système des Caisses Pivots.
Ce dispositif au départ avait pour principal objectif de permettre à l’Assurance Maladie la centralisation, à l’aide de la télétransmission vers une Caisse unique (Caisse Pivot), des données de facturation des Cliniques privées et cela dans un but d’un meilleur suivi (à défaut d’un meilleur contrôle) des recettes qu’elles génèrent ; il est devenu très rapidement un système qui en définitive sert à améliorer leur trésorerie.
En effet, ce dispositif oblige désormais la sécu, comme dans nul autre secteur d’activité, à payer aux Cliniques privées leurs prestations dans un délai extrêmement court (85% de la facture est réglée dans un délai de quatre jours ouvrés), mais également de générer pour ces dernières de substantielles économies en matière de frais de gestion ; car à moyen terme, les échanges (envoi des factures) se feront uniquement par le biais d’un échange électronique (dématérialisation des échanges).
A souligner qu’auparavant pour se faire rembourser, la clinique devait envoyer les factures papiers et leurs justificatifs vers l’ensemble des Régimes d’Assurance Maladie Obligatoires de ses patients (exemple : le Régime Général pour les assurés du secteur privé, le régime des agriculteurs, le régime de la SNCF pour les cheminots, RATP, la MGEN pour les assurés de l’éducation nationale, etc. …). Le paiement et le traitement de ces factures était alors réalisé manuellement par chacune des caisses selon des délais totalement hétérogènes.
Le rôle de la Caisse Pivot est donc d’assurer le remboursement dans un délai de quatre jours ouvrés des factures présentées par les Cliniques à hauteur de 85%. Le solde de 15% de la facture est réglé quant à lui dans un délai aussi rapide par la même caisse une fois que la caisse gestionnaire du patient a validé le dossier papier du patient.
Ce dispositif voulu par les parties (Ministère de la Santé, la CNAM, les Fédérations Patronales des Cliniques Privées) qui agissaient de concert pour sa mise en œuvre rapide a alors été chaotique, car non seulement l’état de l’informatique des Régimes d’Assurance Maladie Obligatoires n’a pas été correctement évalué, mais, plus grave encore, le système de contrôle des paiements des factures émises par les Cliniques a été fortement allégé.
C’est ainsi que ce système a entraîné les dysfonctionnements que l’UFAL a révélés dernièrement et dont l’ensemble des médias s’en est fait largement écho.
Ce dysfonctionnement est devenu une véritable aubaine pour les Cliniques Privées du Groupe Générale de Santé, puisque les factures présentées par celles-ci ont été payées en double, voire en triple et cela à hauteur de plusieurs millions d’euros.
Plusieurs années après la mise en place de ce dispositif une partie de ces sommes restent, à ce jour, non remboursées, en raison de l’incapacité des caisses à identifier ces doubles et triples paiements. C’est ainsi que le Groupe Générale de Santé, premier réseau d’hospitalisation privée en France, a donc bénéficié dans sa trésorerie de plusieurs millions d’euros indûment.
Fort de ce dysfonctionnement, la Générale de Santé a tout mis en œuvre par le biais notamment de mensonges et de stratagèmes juridico-comptables dans le but de s’attribuer définitivement les indus. Ainsi, ce Groupe dispose selon l’arrêté des comptes à fin décembre 2006 d’une somme d’environ 10 millions d’euros versés à tort par la sécurité sociale. Ces montants ont été à une époque plus significatifs (près de 24 millions d’euros).
Comment en est-on arrivé là ? Certaines factures erronées et faisant l’objet du paiement de l’acompte 85% devaient être présentés une deuxième fois par la clinique. Cette nouvelle présentation était réalisée sous un autre numéro de référence, rendant ainsi inopérable le contrôle de la sécu, puisque les logiciels considéraient que le dossier en question n’avait jamais été présenté ; cela entraînait par conséquent un deuxième paiement de l’acompte 85% et ainsi de suite.
La Générale de santé s’est aperçue très tôt de ce dysfonctionnement et n’a pas cherché ni à en avertir les caisses, ni à les rembourser. C’est devenu une démarche systématique, quasi-officialisée par une circulaire du Directeur Financier toujours en place de ce Groupe. De plus, les sommes, au bout de deux années, étaient comptabilisées en profit, au motif d’un soi-disant délai de prescription qui ne s’applique pas dans ce contexte :

La CNAM a fini tardivement par demander le remboursement de ces trop-perçus. En effet, incapable de savoir avec précision ce qu’elle avait versé en trop et plutôt embarrassée de ses difficultés de comptabilité, elle n’a pas fait le nécessaire auprès notamment de la justice voire de la Cour des Comptes pour récupérer la totalité de ces sommes versées à tort.
Pourquoi donc cette faiblesse ? Le facteur qui joue reste unique, il est d’un ordre politique interne à la Direction de la CNAM et au Ministère de la Santé qui préfèrent favoriser le développement des Cliniques Privées et plus particulièrement de la Générale de Santé (plus de 16% de l’activité hospitalière privées) et cela au détriment des Hôpitaux Publics qui restent idéologiquement à leurs yeux des gouffres financiers.
Pourquoi la CNAM se refuse t’elle à porter l’affaire en justice, alors qu’un expert missionné judiciairement pour investiguer la comptabilité de chaque établissement identifierait de façon immédiate avec une totale exactitude le montant et l’ancienneté des sommes ainsi comptabilisées en profit par le Groupe Générale de Santé (sans parler d’éventuelles poursuites pénales) ?
Enfin, le seul « coupable » dans cette affaire scandaleuse a été Slim GHEDAMSI1,  qui avait alerté très tôt la CNAM de l’existence de ces trop-perçus. Ce dernier s’est vu licencié. En effet, ses révélations lui ont attirées le courroux de son supérieur hiérarchique, le Directeur Financier du groupe Générale de santé qui a pu disposer impunément de cette manne inespérée.
Pourtant, pendant ce temps là, on demande aux assurés, de faire d’énormes efforts pour réduire les dépenses de santé. Deux poids, deux mesures…
Sauvons notre système de santé et faisons tous pression sur la CNAM pour exiger de façon immédiate la restitution par le Groupe Générale de Santé de l’intégralité des sommes versées à tort par les Caisses ainsi que la réparation financière des agissements dolosifs commis par ce Groupe.

  1. Slim Ghedamsi est membre de l’Ufal et participe à l’animation du secteur santé protection sociale. []

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