« Tonton pourquoi tu tousses ? »
D’un côté, une petite grippe qui passe avec moult tapage, de l’autre, une forte épidémie mondiale de tuberculose de plus en plus résistantes aux médicaments qui se déploie sur un fond ouaté quasi silencieux…
Quel cinéphile en France ne se souvient de la phrase « Tonton pourquoi tu tousses ? » ….  Tonton tousse pour faire taire le môme qui raconte au flic qu’il transporte de la poudre blanche…
La tuberculose, c’est pareil : on n’en parle que le 24 mars, le reste du temps, ne soulevez pas la question, car on va tousser…

Eh bien, considérons l’énorme barrage médiatique mondial et toutes les larges dépenses engagées contre une grippette – coucou fais-moi peur – avec une large distribution de Tamiflu – quand bien même ce « médicament » ne permettait que de réduire la durée de la maladie de 7 jours à 6 jours et demi (comme l’admet la responsable de la grippe H1N1 de l’OMS lors d’un briefing aux Syndicats des Services Publics) – un médicament dangereux pour les enfants, selon la Société de Pédiatrie, car induisant des vomissements. De gros achats de vaccins inutiles et inutilisés, des distributions de masques qui ne protègent pas les gens qui les portent ! Car les masques sont utiles uniquement pour des malades qui toussent, pour diminuer la distance à laquelle les particules de salive peuvent aller – mais pas efficaces du tout pour protéger les personnes non contaminées (et même augmentant les risques d’infection, car on retire le masque pour boire, manger, etc., et chaque fois que nos mains le touchent, elles peuvent le contaminer).

Considérons d’autre part que depuis 10 ans une pandémie de tuberculose se répand. C’est une forme de tuberculose avec résistante à plusieurs médicaments (MR : multi-résistante) et même UR : ultra-résistante, et comme disent les experts « TRT » (Totalement Résistante à tout Traitement). L’industrie s’est désintéressée de la tuberculose (le VIH étant bien plus profitable) et il y a absence de traitement ou de vaccins efficaces.. et le silence.
Le 24 mars, c’est la journée mondiale de lutte contre la tuberculose… Alors on crachote quelques informations. Selon le communiqué de l’OMS (en date du 18 mars) :

  • « Dans certaines régions du monde, un tuberculeux sur quatre développe une forme de maladie contre laquelle les traitements médicamenteux types sont désormais impuissants »
  • Au Nord Ouest de la Russie, c’est 28 % des personnes nouvellement diagnostiquées qui ont des tuberculoses multi-résistantes (MR)
  • L’OMS rapporte comme positif qu’on arrive à soigner 60 % des tuberculoses multi-résistantes. Mais l’organisation admet qu’on ne diagnostique probablement que 7 % des cas environ.  Il serait plus correct de dire qu’on sait qu’une épidémie de tuberculose MR se répand, mais que faute de moyens, on n’arrive à identifier qu’une toute petite proportion des personnes atteintes, puisqu’on estime n’identifier que 7 % – et que, sur ces 7 %, on en traite 60 %. En clair  environ 4 malades sur 100, et les autres se promènent dans la nature, dans les centres de soins, en crachant leur bacilles multi-résistants ! De plus les traitements coûtent très cher pour les TBMR, jusqu’à 200 fois le prix d’un traitement pour une tuberculose ordinaire.
  • 58 pays ont signalé des cas de tuberculoses ultra-résistantes. « TB-UR »

Et le communiqué OMS voit aussi des « signes encourageants » si : des pays qui ont fait un peu reculer ces épidémies en appliquant les ‘recommandations OMS’ (les recommandations, c’est comme un petit livre magique).

Mais on ne parle pas des causes.

  • Les tuberculoses se transmettent dans les centres de soin par négligence du contrôle infectieux : l’abandon du contrôle infectieux (il s’agit du système de protection des patients afin de ne pas attraper l’infection d’un autre patient au cours de soin) est une des causes de cette épidémie. C’est à dire que dans beaucoup de pays pauvres ou bien de pays intermédiaires aux systèmes de santé en déliquescence comme en Europe de l’Est, les tuberculeux qui ont des bacilles résistants viennent dans les centres de soin et contaminent les autres patients qui peuvent être là pour un rhum ou une jambe cassée.
    Il faut se rappeler qu’il y a pas si longtemps, la première cause de mortalité des personnes âgées en France, c’était les infections contractées lors de soins.
    En 2007, une réunion sur Tuberculose et contrôle infectieux à l’OMS même avec une trentaine de pneumologues l’a dit: quand le programme de lutte contre la tuberculose a été créé en 1996 (STOP-TB), on a « oublié que la tuberculose était une maladie de la pauvreté », on a « oublié le nécessaire contrôle infectieux », et on a encore « oublié le problème du contrôle infectieux quand on a créé le Groupe de Travail Tuberculose et VIH! »
  • Expansion du trafic de drogue (et de l’alcoolisme) et criminalité sur fond de pauvreté affectant des populations jeunes qui se retrouvent en prison (après les centres de soin, les prisons sont la deuxième source de dissémination massive des tuberculoses).
  • Le secteur privé qui prescrit de façon anarchique dans les systèmes de santé de grand pays comme l’Inde. Les médecins dans le privé sont connus pour prescrire des médicaments de façon fantaisiste pour les patients avec des tuberculoses, créant ainsi des résistances, et ces patients tuberculeux résistants vont alors transmettre des tuberculoses résistantes directement dans leur entourage.
  • La négligence de l’usage rationnel du médicament, qui fait pourtant l’objet d’une résolution adoptée par l’Assemblée mondiale de la Santé, mais dont la réalisation fait l’objet d’un oubli général. Or la prescription et l’approvisionnement anarchiques de médicaments chers sont aussi en grande partie responsables des résistances aux antibiotiques partout dans le monde (résistances aussi alimentées par la massive dissémination d’antibiotiques sur le bétail, les fruits et les légumes aux États-Unis, selon l’OMS !).
  • L’expansion du VIH/SIDA puisque le nécessaire contrôle de la transmission des infections en milieux de soins comme la prévention de la transmission entre patients de tuberculose n’a pas été mis en place dans les pays aux services de santé délabrés. Ainsi, dans des pays comme en Afrique ou certaines parties de pays Asiatique où une forte proportion de patients sont porteurs du VIH, entre 20 et  70 % des patients, ceux-ci contractent des tuberculoses en milieu de soin ! Il faut dire aussi que face à ce virus – le VIH- à diffusion par le sang, on a ignoré allégrement la transmission par les injections (40 % des quelque 30 milliards d’injections à visée thérapeutique, pour des soins de santé, sont sales et peuvent transmettre hépatites B, hépatites C ou VIH), et la sécurité transfusionnelle n’est pas assurée en Afrique, 25 ans après le début du SIDA ! C’est-à-dire que les patients ont le choix en rentrant dans un centre de soin pour un accouchement ou une urgence : Préférez vous une tuberculose ordinaire, MR ou UR ? Préférez vous un VIH, un VIH résistant aux Antirétroviraux ou une hépatite B ou une hépatite C ? Les centres de soins offrent un large choix. Mais on préfère ne parler que de capotes, c’est plus titillant. Alors vaut mieux parler d’autre chose, comme de la sexualité des indigènes… (Lisez Serge Bilé, son formidable livre sur le racisme vis-à-vis des Noirs auxquels on attribue une sexualité débridée – inventions persistantes datant du temps de l’esclavage, et bien enracinées dans les religions !)
  • L’absence d’eau potable dans les pays pauvres est un facteur favorisant le développement des tuberculoses. Des études sur les enfants très pauvres des ghettos du Cap en Afrique du Sud, ont montré que les enfants en présence d’eau contaminée par des parasites intestinaux, faisaient presque toujours une tuberculose maladie (c’est-à-dire que l’infestation par les parasites aidaient le bacille à se multiplier et à vaincre les résistances naturelles de l’organisme).

Mais la liste ne serait pas complète sans la dramatique progression du chômage et de la pauvreté créant un milieu propice à cette maladie de la pauvreté qu’est la tuberculose – la crise financière a jeté 200 millions de personnes hors du monde du travail depuis 18 mois… El la Cnuced (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement) prédit, à juste titre, une nouvelle crise à l’horizon (voir son bulletin de mars 2010), puisque « la spéculation a recommencé comme avant… comme un grand casino »
Alors que l’Europe laisse tomber la Grèce dans les griffes du FMI  et la force à rabougrir ses dépenses de santé, qu’on privatise, qu’on coupe à tout va en Europe, partout… Toujours autant d’argent en spéculation, et aussi peu quand il s’agit d’attribuer les crédits à la production de biens essentiels.
Alors que, dans certaines régions d’Europe de l’Est d’après le rapport même de l’OMS, plus de la moitié des cas de tuberculose ne répondent plus au traitement..
Mais Tonton pourquoi tu tousses?
Je sais, vaut mieux se taire. Contrairement à la grippette, l’industrie qui a abandonné depuis des années ce secteur non profitable n’a rien, mais absolument rien à proposer de nouveau en matière de traitement anti-tuberculeux, et pour le moment, on sort des dépliants sur les bienfaits de « l’innovation », on fait de « la com », de la publicité en se renommant « l’industrie pharmaceutique basée sur la recherche ».
La tuberculose est de retour, ici, en France, et dans le monde, et elle résiste à… tout !
Alors, c’est comme la chanson de Montand, il vaut mieux parler du chat de la voisine, Qui mange la bonne cuisine… Et fait ses gros ronrons. Sur un bel édredon dondon!

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