L’histoire de la mutualité est le fruit de différentes contradictions ; c’est l’ancêtre de la sécurité sociale et les contradictions qui la traversent sont celles de courants de pensée qui s’affrontent aujourd’hui sur le devenir de la sécurité sociale : liberté de se défendre collectivement et libéralisme économique, rapports de classes et insécurité sociale, assurance individuelles et sécurité sociale collectives, responsabilité, caractère obligatoire ou adhésion individuelle, privilège ou élément du salaire, objectifs et efficacité…

Les principes mutualistes remontent à l’Antiquité. En France, les confréries, les corporations puis les compagnonnages sont à l’origine des sociétés de secours mutuel apparues dans quelques villes, à la fin de l’Ancien Régime.

Il y a toujours eu dans la mutualité, tension entre la vision charitable des notables et celle solidaire de l’entraide ouvrière pour vaincre l’incapacité due à l’adversité (maladie, invalidité, infirmité, handicap…)

Quelques jalons de l’histoire récente de la mutualité permettent de rendre compte des tensions :

  • 1821 : naissance de la première union départementale mutualiste avec la création du grand conseil des sociétés de secours mutuel des Bouches-du-Rhône.
  • 1898 – La loi du 1er avril 1898 octroie à la mutualité un véritable statut. Elle autorise, sur simple déclaration, la création de sociétés libres. En donnant à la mutualité la possibilité d’organiser des unions et de créer des caisses autonomes, la loi lui ouvre notamment tous les champs d’activité de la protection sociale : assurance-vie, assurance invalidité, retraite, oeuvres sanitaires et sociales (dispensaires et pharmacies par exemple), allocations chômage.
  • 1945 – La Sécurité sociale est instituée par l’ordonnance du 4 octobre.
  • L’ordonnance du 19 octobre 1945 abroge la Charte de la mutualité de 1898 et définit de nouvelles orientations aux  » sociétés mutualistes « , en complémentarité avec la Sécurité sociale.
  • 1947 – La loi du 27 février fait participer la mutualité au fonctionnement de la Sécurité sociale en lui reconnaissant le droit de gérer certains de ses centres. La loi du 9 avril confie aux mutuelles de fonctionnaires la gestion de leur régime spécial de Sécurité sociale.
  • 1955 – Publication du 1er code de la mutualité.
  • 2001 – Nouveau code de la mutualité. Ce nouveau code, sous prétexte de « modernisation » et d’adaptation au droit communautaire introduit des dispositions, auxquelles il était possible à la mutualité de se soustraire. Et, il élargit le domaine d’intervention des mutuelles dans le champ des activités assurantielles.
  • 2004 – la loi du 13 août 2004 réformant l’assurance-maladie a également défini une organisation différente du système de soins, la nouvelle gouvernance. Cette nouvelle architecture amène à la gouvernance de la sécu les assurances privées dans les valises de la mutualité complémentaire. Elle permet la mise en oeuvre du rapport Chadelat paru le 3 avril 2003.

La route est tracée, et la voie est libre pour démanteler la sécurité sociale, faire jouer un rôle de plus en plus important aux assurances complémentaires (privées ou mutualistes). Passer d’un système solidaire de sécurité sociale à un système contractualisé d’assurances couvrant de plus en plus de « risques » avec « franchise », laisser dans le champ de la sécurité sociale obligatoire le remboursement de plus en plus limité de prestations de plus en plus étriquées est devenu possible avec la complicité de la quasi totalité du mouvement mutualiste.

Cette dérive était-elle prévisible? Voir la stratégie de la Banque Mondiale pour limiter le rôle de l’Etat et des institutions sous son contrôle.

Cette dérive est-elle irrésistible? Voir plus loin ceux qui résistent.

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