Œuvre collective, direction Jean Birnbaum

I tréma est une émission littéraire de Laïcidade , la chaine de baladodiffusion (podcast) de l’UFAL, animée par Philippe Foussier de l’UFAL Paris qui présente des livres pour faire la République laïque et sociale. Emmanuelle Billier-Gauthier est la présentatrice et maitresse d’œuvre de l’émission.

Dans I tréma #16, c’est le livre collectif dirigé par Jean Birnbaum «L’identité pour quoi faire ?» qui fait l’objet de la recension à écouter sur toutes les plateformes d’écoute.

L’identité au risque de l’essentialisme

L’identité est un terme qui a envahi le débat public depuis quelques années. Les « identitaires », qu’on trouve désormais aux deux extrêmes de l’échiquier politique, en assurent efficacement la promotion.

Le thème de l’identité a fait l’objet des Rencontres philosophiques annuelles organisées en 2019 par la ville du Mans et le journal Le Monde. Directeur du Monde des Livres, Jean Birnbaum en propose une synthèse à travers les principales contributions. Loi du genre pour un ouvrage collectif, l’inégal intérêt des communications proposées lors de cette 31e édition est ici illustré avec éloquence.

Le philosophe Claude Romano a raison de s’attacher à la définition : « Personne ne peut être caractérisé uniquement par le fait d’être une femme ou un homosexuel. Il ne s’agit là que d’une caractéristique parmi d’autres, d’un élément de son identité, si l’on veut, certainement pas d’une identité. C’est cette méprise qui fait parler de nombreux auteurs d’identités plurielles alors qu’il faudrait parler de caractéristiques plurielles de notre identité. Une caractéristique n’est pas une identité ». Plusieurs contributeurs mettent en garde sur le fait que la notion d’identité fige les caractéristiques d’un individu. Ainsi le philosophe Vincent Descombes : « L’opération de se définir consiste à décider que certaines qualités circonstancielles de ma vie ou de ma personne auront le statut d’attributs essentiels. Elle consiste à les essentialiser. Du coup, il ne peut plus être question de les abandonner ou de les modifier. Si vous me demandez de changer ce que je tiens pour constitutif de mon identité, c’est comme si vous me demandiez de disparaitre pour laisser la place à une autre personne (…). Se reconnaitre dans une identité, c’est donc essentialiser un élément contingent de sa personne ».

Contre l’identité clanique

Le romancier et poète Charles Dantzig choisit de traiter la question à travers son métier d’écrivain en bousculant les acceptions convenues sur le thème de l‘identité : « On est ce qu’on se fait, et écrivain est ce que je me suis fait, ce que je fais. Et je l’ai fait contre toute tradition familiale, contre toute aimantation d’identité clanique ». A contre-courant de la pensée dominante qui exalte dans l’identité les racines et les legs sociaux, génétiques et familiaux, Dantzig poursuit : « Qui a une bibliothèque ne se laisse pas subjuguer par un mot mathématique comme identité. Il a lu le monde divers et les êtres changeants ». A rebours de ceux qui exhibent une identité corrélée à une couleur de peau ou à une religion transmise, l’écrivain l’assure : « L’identité, si cela existe, est une imagination. Elle n’a pas de racines. Elle a une conscience ».

Brigitte Ouvry-Vial, professeur de littérature à l’université, choisit elle aussi d’interroger le concept à travers les livres : « Si la lecture est source d’initiation à soi-même et d’identité transitoire, c’est parce qu’elle permet l’expérience de l’intériorité ». Rien de moins figé que cette identité transitoire. La sociologue Nathalie Heinich aborde de son côté la question par un autre angle, remarquant que le terme identitaire « est devenu aujourd’hui synonyme d’ultraréactionnaire. Cependant, cette problématique a été récemment reprise par la gauche, sous l’influence notamment du communautarisme américain, avec les revendications pour la défense des minorités raciales d’abord, puis sexuelles et religieuses ». En migrant de l’extrême droite vers une certaine gauche, l’identité n’est-elle pas en mesure de faire muter l’identité même de la gauche ? Dans son livre Piège d’identité (Fayard, 2016), Gilles Finchelstein en avait déjà pointé les risques.

Dans la foulée parait un volumineux Dictionnaire encyclopédique sur le même thème, balayant la problématique à l’aide de nombreuses disciplines, notamment les sciences exactes. Peu des 120 contributeurs ont fait d’effort de vulgarisation, et la lecture exigera de s’accommoder d’un vocabulaire souvent jargonnant voire abscons.

Philippe Foussier

Jean Birnbaum (dir.), L’identité, pour quoi faire ?, Folio essais, 240 p.

Jean Gayon (dir.), L’identité. Dictionnaire encyclopédique, Folio essais, 848 p.

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