Lors de l’émission « Du grain à moudre » sur France Culture, le 3 novembre, j’ai débattu avec Jean-Louis BIANCO, que l’on ne présente plus, sur le thème « la laïcité est-elle à géométrie variable ? ». Le tout fut courtois, mais le flegmatique Président de l’Observatoire de la Laïcité s’est un rien échauffé à propos des adultes accompagnateurs de sorties scolaires.

Comme il soutenait que le Conseil d’Etat avait considéré que ces accompagnateurs n’étaient pas astreints à la neutralité du service public, je suis intervenu pour lui rappeler que la Haute-Assemblée disait exactement le contraire. Mon interlocuteur m’a alors rétorqué : « J’ai été Conseiller d’Etat, donc ma parole vaut la vôtre ! » Voilà qui s’appelle être à court d’arguments.

Pourtant, depuis trois ans, Jean-Louis BIANCO devrait avoir eu le temps de lire plus attentivement l’Etude du Conseil d’Etat du 19 janvier 2013. Qu’il en trouve ici, une fois pour toutes, le rappel exact.

Il s’agit de la partie 3, pages 28 à 34 de l’étude : « La portée de l’exigence de neutralité religieuse dans les services publics ». La sous-partie 3.2 analyse « La situation des autres acteurs [que les agents]du service public (…) ».

Après avoir relevé que les usagers n’étaient, « en principe », pas soumis à l’obligation de neutralité, l’étude récuse l’existence d’une catégorie particulière de « collaborateurs ou participants au service public ». Mais c’est pour mieux rappeler, dans son développement final :

« 3.2.3. Pour les usagers du service public et les tiers à ce service, qui ne sont pas soumis à l’exigence de neutralité religieuse, des restrictions à la liberté de manifester des opinions religieuses peuvent résulter, soit de textes particuliers, soit de considérations liées à l’ordre public et au bon fonctionnement du service. »

Or, parmi les « tiers au service public », les accompagnateurs de sorties scolaires sont explicitement désignés comme un des cas où « l’ordre public et le bon fonctionnement du service » peuvent justifier des restrictions à la liberté de manifester sa religion. Page 34, alinéa 3 :

« LES EXIGENCES LIEES AU BON FONCTIONNEMENT DU SERVICE PUBLIC DE L’EDUCATION PEUVENT CONDUIRE L’AUTORITE COMPETENTE, S’AGISSANT DES PARENTS D’ELEVES QUI PARTICIPENT A DES DEPLACEMENTS OU DES ACTIVITES SCOLAIRES, A RECOMMANDER DE S’ABSTENIR DE MANIFESTER LEUR APPARTENANCE OU LEURS CROYANCES RELIGIEUSES »

C’est exactement ce qu’a fait la circulaire « Châtel » du 27 mars 2012((p.28, Annexe, point 10)), toujours en vigueur puisque la ministre actuelle s’est refusée à l’abroger :

« Il est recommandé de rappeler dans le règlement intérieur que les principes de laïcité de l’enseignement et de neutralité du service public sont pleinement applicables au sein des établissements scolaires publics. Ces principes permettent notamment d’empêcher que les parents d’élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques lorsqu’ils accompagnent les élèves lors des sorties et voyages scolaires. »

On notera que la circulaire dit : « par leur tenue », sans qu’il soit besoin d’invoquer nécessairement des comportements ou propos « prosélytes ».

Voilà les textes : ils sont clairs. Jean-Louis BIANCO pourra les commenter à Caroline FOUREST, qu’il aime bien citer – seulement quand elle partage son point de vue…

Réécouter l’émission « Du grain à moudre »
du jeudi 3 novembre 2016 en podcast

Militant laïque, professeur, puis haut-fonctionnaire, Charles Arambourou est actuellement magistrat financier honoraire. Il suit les questions de laïcité au bureau national de l’UFAL.

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