La décision du Conseil constitutionnel du 13 août 2021 sur la loi faisait suite à trois saisines, de droite et de gauche, dont aucune, regrettons-le, ne contestait les remises en cause de la loi de 1905 !

1 — Le Conseil a censuré trois dispositions…

  • La possibilité pour le ministre de l’Intérieur de suspendre jusqu’à 6 mois les activités d’une association en cours de dissolution administrative (contraire à la liberté d’association) ;
  • Le refus par l’administration de délivrer ou de renouveler un titre de séjour à un étranger qui aurait « manifesté un rejet des principes de la République » (contraire à l’obligation « d’accessibilité et d’intelligibilité » de la loi : trop d’imprécision dans les termes = risque d’arbitraire) ;
  • L’art. sur les conseils locaux de sécurité et de lutte contre la délinquance, sans lien avec l’objet de la loi.
    … et émis deux réserves d’interprétation :
  • Une association n’ayant pas respecté le contrat d’engagement républicain, ne devra restituer que les subventions publiques perçues après le manquement ;
  • L’autorisation de l’instruction à domicile ne peut être subordonnée qu’à la vérification d’une « situation propre à l’enfant » motivant le projet, et de la « capacité… d’instruire » de la personne qui en est chargée ; tout autre critère (par exemple les convictions philosophiques ou religieuses) constituerait une discrimination

2 — Mais certaines décisions de conformité à la Constitution posent question !

Sur la liberté d’association :

  • Le contrat d’engagement républicain (art. 12) imposé aux associations sollicitant des subventions publiques, largement contesté par le mouvement associatif, ne porterait pas atteinte à la liberté d’association puisqu’il ne concernerait pas les conditions de formation et d’exercice des associations.
    On objectera que c’est ignorer la réalité de bon, nombre d’associations qui tirent des subventions publiques une part prépondérante de leurs ressources (formation, animation, médiation, notamment). Un retrait des subventions impacterait gravement leur activité, voire leur survie.
    Sur la liberté de l’enseignement
  • Le Conseil était très attendu sur l’art. 49 soumettant l’instruction en famille à autorisation, et non plus seulement à déclaration préalable. L’art. 4 de la loi Ferry du 28 mars 1882 dispose en effet : « [L’instruction obligatoire] peut être donnée soit dans les établissements d’instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles… ».
    Le Conseil a jugé que, en posant le principe de l’instruction obligatoire, cet article n’a fait de l’instruction en famille qu’une « modalité de sa mise en œuvre », et non « une composante du principe fondamental reconnu par les lois de la République de la liberté de l’enseignement ». Distinction aussi byzantine que peu respectueuse de la loi de 1882, laquelle met au contraire clairement sur le même plan les diverses « modalités » de l’instruction obligatoire.
    Le juge constitutionnel est-il cohérent ? Si on suit sa logique, la possibilité de scolarisation dans les « écoles (…) libres » devrait être elle aussi considérée non comme « une composante » du principe lui-même, mais seulement comme une « modalité de sa mise en œuvre ». Or il a raisonné exactement à l’inverse dans sa célèbre décision du 23 novembre 1977 (loi Guermeur, aggravant la loi Debré) qui « découvrait » que la « liberté de l’enseignement » était un « principe fondamental reconnu par les lois de la République »… précisément à propos de l’enseignement privé !

Le Conseil précise en conclusion ne s’être prononcé que sur les articles qui lui étaient soumis. On regrettera d’ailleurs qu’aucune saisine n’ait porté sur les violations de la loi de 1905, malgré les entorses qu’elle subit.
La constitutionnalité de tous les autres articles (il y en a 103 dans la loi) reste donc à déterminer — par exemple à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité ? Les contentieux ouverts par l’application de la loi du 28 août 2021 ne vont sans doute pas manquer…

Militant laïque, professeur, puis haut-fonctionnaire, Charles Arambourou est actuellement magistrat financier honoraire. Il suit les questions de laïcité au bureau national de l’UFAL.

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