Contrairement à ce que nous écrivions, le règlement intérieur des piscines de Grenoble mettait bien en cause la laïcité : sa suspension décidée par le Tribunal administratif (TA) de Grenoble a donc été confirmée par le juge des référés du Conseil d’Etat ce 21 juin 2022.

Le juge administratif (TA, puis CE) est fort opportunément venu nous rappeler que la laïcité ne se limite pas aux termes de la loi de 1905. Depuis 1946, elle figure dans l’art. 1er de la Constitution. Ainsi, le Conseil constitutionnel en a donné une définition supplémentaire((Cc, 505 DC du 19 novembre 2004 – Traité établissant une Constitution pour l’Europe)) :

« …les dispositions de l’article 1er de la Constitution interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ».

En s’appuyant sur ce principe, le juge a ainsi estimé : 1) que la ville de Grenoble avait introduit dans son nouveau règlement des piscines une dérogation aux règles d’hygiène et de sécurité (autorisation de tenues non près du corps –« jupettes ») pour permettre l’usage du burkini ; 2) que cette dérogation étant fondée sur des revendications à caractère religieux, elle enfreignait gravement le principe de « laïcité et de neutralité du service public ». La suspension ainsi motivée a été confirmée en appel par le CE, dont on reproduit ici un extrait du communiqué de presse (souligné par nous) :

« …le juge des référés du Conseil d’État confirme cette suspension : il estime que la dérogation très ciblée apportée, pour satisfaire une revendication religieuse, aux règles de droit commun de port de tenues de bain près du corps édictées pour des motifs d’hygiène et de sécurité, est de nature à affecter le bon fonctionnement du service public et l’égalité de traitement des usagers dans des conditions portant atteinte au principe de neutralité des services publics. »

La ville de Grenoble prétendait œuvrer pour l’intérêt général en libéralisant l’accès des piscines pour toutes les catégories d’usagers((L’autorisation proclamée du « monokini » n’est qu’une fausse fenêtre, d’ailleurs douteuse : combien de femmes souhaitent se baigner les seins nus dans des piscines surpeuplées ?)). Le juge des référés du CE n’a pas été dupe, et a estimé qu’ « en réalité », le nouveau règlement avait « pour seul objet d’autoriser les costumes de bain communément dénommés « burkinis » » -dont le caractère religieux ne peut être nié.

Il s’agissait du premier cas de « déféré laïcité », procédure instaurée par la loi du 24 août 2021 (dite « séparatisme ») : les partisans de l’abrogation de ladite loi devront maintenant avouer leur préférence pour le burkini !

Félicitons-nous de cette décision, et retenons la leçon((Les précédents comparables de Rennes et de Surgères (qui admettent les burkinis dans les piscines) ne sont pas concernés par l’ordonnance, qui sanctionne, non le port du burkini, mais la dérogation à caractère religieux introduite dans le règlement.)) ! Sans oublier de rester prudents en attendant les résultats du recours au fond…

Militant laïque, professeur, puis haut-fonctionnaire, Charles Arambourou est actuellement magistrat financier honoraire. Il suit les questions de laïcité au bureau national de l’UFAL.

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