Alors que la Charte de la laïcité, voulue par Vincent Peillon en 2013, n’est même pas encore affichée dans tous les établissements scolaires (« pour ne pas avoir d’histoires »), voilà que la Ligue de l’Enseignement a produit apparemment sa propre version, soigneusement édulcorée, mais suffisamment ressemblante avec l’original (affichée notamment sur un format identique) pour semer le doute ! Il s’agit en fait d’une véritable charte de substitution pour les établissements : au total 35 000 exemplaires pour affichage auprès des enfants, parents et personnel enseignant, agrémentés de dessins pour aider les pédagogues. Or cette « pseudo-charte » présente à tous une « pseudo-laïcité ».

Beaucoup de laïques se sont ainsi indignés de constater, par exemple, que le mot « laïcité » a été systématiquement supprimé des 15 articles « expliqués par la Ligue », alors que la Charte officielle le fait figurer 12 fois ! En revanche, il est remplacé par le mot « religion » ou « religieux » (7 fois). Exit également la notion de « République laïque », au profit exclusif du « respect de toutes les croyances » ; la séparation des églises et de l’état (art. 2), est remplacée par « la France n’impose pas de religion et n’en interdit aucune » — parfaitement compatible avec le statut des cultes d’Alsace-Moselle ! La liberté de conscience (art. 3) est réduite à « exprimer librement ses idées », l’expression « croire ou ne pas croire » étant carrément supprimée. Aux art. 6, 7, 8, la « laïcité de l’école » disparaît au profit de « l’école » tout court — bienvenue à l’enseignement privé religieux ! Idem à l’art. 9, ainsi commenté : « à l’école, personne ne peut être exclu en raison de sa religion » — ce qui comblera de joie ceux qui contestent encore (y compris la Ligue) la loi du 15 mars 2004. A l’art. 14, « manifester ostensiblement une appartenance religieuse » estinterprété par « porter des signes mettant en avant sa religion » (…) « pour se faire remarquer » : et si ce n’est pas « pour se faire remarquer », mais pour respecter une obligation religieuse, c’est autorisé ?

La piteuse défense des responsables de la Ligue ne fait qu’accroître le malaise, notamment quand l’un d’entre eux écrit : « une des fonctions de la laïcité est bien de réglementer les “religions” que nous avons donc mentionnées ». On croyait que la fonction de la laïcité était « d’assurer la liberté de conscience » ainsi que la séparation des églises et de l’État ? Rappelons à La Ligue que la laïcité ne « réglemente » pas les religions, mais en garantit le libre exercice par des associations privées, dans le cadre des lois applicables à tous dans l’espace civil.

Cette initiative apparaît en totale contradiction avec le volet « laïcité et transmission des valeurs républicaines » annoncée le 22 janvier 2015 comme étant « au cœur » de la Grande mobilisation de l’École. En tentant d’occuper le terrain par son idéologie du compromis permanent avec les religions, la Ligue de l’Enseignement confirme sa place parmi les acteurs de décennies d’affaiblissement de la laïcité en France. Comme l’Observatoire de la Laïcité ou encore l’Institut Européen des Sciences et de Religions1 qui œuvrent également à ramener sans cesse les religions au cœur de la laïcité, alors que celle-ci a pour objet de les écarter de la sphère publique et de les remettre à leur place : l’espace civil, en assurant à chacun sa liberté de conscience et d’expression. Malheureusement, depuis les 7, 8 et 9 janvier 2015 et leurs suites, on a pu constater les ravages produits par cet affaiblissement de la laïcité.

C’est pourquoi l’UFAL demande à la Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, de mettre fin à la diffusion de cette contrefaçon de la Ligue de l’enseignement, détournant la Charte de la laïcité à l’école. Il y va de la cohérence entre les actes et les paroles. L’UFAL appelle également tous les parents à refuser la substitution de cette affiche trompeuse dans les écoles de leurs enfants, et à exiger l’apposition de la véritable Charte de la Laïcité partout où elle fait encore défaut.

  1. moins des Sciences que des Religions d’ailleurs… []

L'Union des FAmilles Laïques est un mouvement familial qui défend la laïcité, une vision progressiste et non familialiste de la famille, la protection sociale et les services publics, le féminisme, l'école républicaine, le droit au logement et l'écologie

14 commentaires

  1. à noter que cette publication est « sponsorisée » par les éditions Milan filiale du groupe Bayard dont les racines catholiques sont visibles sur wikipedia. y’a pas (toujours) de hasard

  2. berlherm

    Education et laïcité:
    Ne prétendez pas aimer votre enfant alors que vous l’avez installé dans la quasi-poubelle Terre ? Ne prétendez pas aimer votre enfant alors que vous l’avez installé dans un monde qui n’est pas en paix. Ne prétendez pas aimer votre enfant alors que vous lui avez gentiment octroyé une tare physique ou mentale. Tout ça était parfaitement prévisible, puisque ces tares physiques et mentales sont courantes. Ne prétendez pas aimer votre enfant alors que vous vivez dans un taudis ou quel qu’endroit qui lui déplaise. Ne prétendez pas aimer votre enfant alors que vous le contraignez à payer son corps. Ne prétendez pas aimer votre enfant alors que votre travail ne vous plait pas, ne vous rapporte pas assez, alors que le chômage sévit partout. Ne prétendez pas aimer votre enfant alors que la société dans laquelle vous vivez est très imparfaite. Ne prétendez pas aimer votre enfant alors que vous vivez sous la dictature de l’argent. Ne prétendez pas aimer votre enfant alors que vous l’avez conçu pour vous servir, alors que vous l’avez conçu pour payer vos dettes sociales, vos vieux jours, votre retraite. Ne prétendez pas aimer votre enfant alors que vous lui offrez la mort pour terminer son calvaire, et si vous êtes croyant pourquoi lui proposez-vous l’enfer ? Prétendre que vous aimez quelqu’un après l’avoir foutu dans la merde, c’est bien trop facile ! Est-ce que la loi du talion autorise l’enfant maltraité à rendre à ses géniteurs ce qu’ils lui ont gentiment offert ?
    → Le summum de l’imposture dans le règne animal : le coucou qui installe un œuf dans le nid d’une autre espèce, le sphinx tête-de-mort qui va piquer le miel des abeilles en émettant un cri ressemblant à celui de la reine, les parents humains qui prétendent aimer leurs enfants et le leur font croire tout au long de leur vie pour se faire nourrir par eux jusqu’à faire une loi qui les y oblige éventuellement.
    → La religion fait partie de cette super imposture des parents humains envers leurs enfants.

  3. Oui à la charte de la laïcité, ministérielle.
    Non à son substitut de Ligue.
    La Laïcité ne connaît pas les religions. Elle les reconnaît. Entre autres explications du monde infini.
    La laïcité c’est le respect des consciences, « y compris religieuses ».
    La Laïcité ne doit pas règlementer les religions, puisque c’est elle qui permet la séparation du religieux et du civil. S’il en était ainsi on lui prêterait un rôle qu’elle n’a pas accepté en France, dès l’origine. La Laïcité doit au contraire veiller à ce que le terrain des affaires d’intérêt général soit distinct de celui des affaires privées. Et en terme « cadastral » (comme simple exemple) cela équivaut à mettre une limite. A moins que, par choix idéologique, mais contraire à l’esprit de la loi de 1905, dite de « Séparation », et à la lettre de la représentation réelle de la laïcité, la Ligue veuille ouvrir à une conception anglo-saxonne, c’est à dire communautariste, cette structuration politique du « vivre ensemble ». Finie la mise à distance de la conscience particulière. Fini l’espace de suspension de l’intérêt privé. Place à la lutte permanente entre les différents courants religieux, entre eux d’abord, entre eux et l’Etat ensuite, afin d’obtenir la meilleure part du gâteau Républicain, ainsi défiguré. Au final, ou plutôt en conséquence, le religieux revenant au centre, occupera la place de la liberté de conscience en excluant l’agnosticisme et l’athéisme. Victor (Hugo), et les autres revenez vite, ils sont devenus « révisionnistes ».
    Osons cette affirmation afin de mieux en identifier le pouvoir « restaurateur ».

  4. Jean Macé doit se retourner depuis plusieurs années dans sa tombe s’il est en mesure de connaitre ce que ses successeurs ont fait de la ligue qu’il a créée.

  5. Mouai… Si on met de côté la rivalité UFAL/Ligue qui pourrait justifier le ton hargneux de cet article, je trouve ce procès d’intention plutôt injuste. Cette charte n’est pas la pour remplacer l’officielle mais pour l’expliquer aux plus jeunes ! A 7-8 ans connait-on les mots: Laïcité, ostensiblement, pluralisme, prosélytisme ? Non, beaucoup d’adultes ne les connaissent pas non plus d’ailleurs, difficile dans ce s conditions de faire passer le message. Cette charte officielle affichée dans les écoles qui la lit ? Pas les gamins en tout cas, trop indigeste, trop compliquée. Le but de l’affiche de la ligue est de la simplifier et la faire comprendre quitte à utiliser quelques raccourcis qui font maintenant hurler les ayatollahs de la laïcité.
    Je pense personnellement que cette affiche va dans le bon sens, celle d’une 1ere approche de la laïcité, pour les enfants, simple (simpliste même, si vous préférez, c’est assumé), avec des mots et dessins que les enfants comprennent. Que faites vous dans ce sens de votre côté hormis donner des grandes leçons ?

    • la meilleure méthode pour que les enfants comprennent le sens des mots c’est de le leur expliquer. je croyais d’ailleurs, jusqu’à lire ton intervention, que c’était l’objectif essentiel de l’enseignement. j’en ai ras le cul des « culs bénis » qui viennent en douce détricoter la loi de 1905. la République chez elle, en particulier à l’école publique, et les calotins dans leurs chapelles respectives.

    • Curieuse question : « Que faites vous dans ce sens de votre côté hormis donner de grandes leçons ? ». Loin de moi vouloir donner de grandes leçons. Les leçons ne sont ni grandes ni petites, elles doivent répondre à une question. Vous auriez pu dire vous même pour susciter plus intensément l’envie de vous répondre, ce que vous même vous faites. Mais puisque vous identifier cette refondation de la charte de la laïcité comme allant dans le bon sens, je ne puis répondre à votre question sans préalable. Le bon sens, celui de l’explication du texte (et c’est bien l’ambition du texte de la Ligue qui sous titre : « Expliquée aux enfants »), ne consiste pas à transformer le texte original jusqu’à en modifier et la lettre et l’esprit (*A) mais s’efforce d’en tirer les « mots clés », les idées fortes, d’en connaître le contexte et l’histoire, et d’en déduire des comportements et/ou des attitudes correspondantes.
      Comment en effet est il possible de « faire partager aux élèves(*1) les valeurs de la République » (*2)? C’est la question de tout enseignant se pose. La première des choses que je fais consiste à respecter les « textes officiels »(Ici il ne peut pas y avoir deux textes nommés : « Charte de la laïcité). La deuxième réside dans l’extraction des mots clés. La troisième dans la mise en valeur des termes non connus des élèves (ça leur permet d’enrichir leur vocabulaire, et il existe plusieurs méthodes pour connaître la signification d’un mot : le dictionnaire, les plus grands, le maître aussi . . .). La quatrième dans la recherche d’exemples qui permettront des études de cas. La cinquième la recherche de petites scénettes permettant de faire des jeux de rôles. Ca c’est le travail préparatoire. Ensuite il y a la mise en œuvre. Là ce sont les élèves qui vont faire eux mêmes la démarche que j’ai accomplie avant eux. Sauf pour les exemples et les jeux de rôles. Quoique certains élèves soient prompts à jouer et forts en mise en scène). On peut aller voir aussi du côté de certaines fables de La Fontaine, notamment par rapport au respect, à la solidarité et à la liberté.

      (*A) Ainsi on peut lire dans l’encart 4 du texte de la Ligue :  » Ce respect permet à toutes celles et ceux qui habitent en France de vivre en paix les uns avec les autres », alors que dans l’encart 4 de « la charte de la laïcité à l’école » :  » La laïcité permet l’exercice de la citoyenneté en conciliant la liberté de chacun avec l’égalité et la fraternité de tous dans le souci de l’intérêt général ».
      (*1) et non pas aux enfants.
      (*2) cf. la charte de la laïcité à l’école.

      • Les textes ne manquent pas dans toute la littérature, qui expliqueraient clairement aux enfants que le contenu de ce qu’on appelle la foi religieuse est hautement sujet à caution et qu’en conséquence, les enfants mineurs devraient être protégés de ce type d’enseignement qui est en réalité de l’endoctrinement. Lorsqu’on voit jusqu’où peuvent aller les justifications de gens qui veulent en asservir d’autres, comment pourrait-on continuer à parler de cet endoctrinement en ignorant sa haute toxicité ?
        Dans nos pays, il a été possible de faire admettre que les enfants mineurs devaient être protégés de la séduction sexuelle des adultes, y compris dans les phases élémentaires de cette séduction ? Pourquoi ne parviendrions-nous pas à faire admettre qu’il faut protéger les enfants mineurs de l’endoctrinement religieux, que ce serait un crime similaire à la séduction sexuelle exercée par des adultes contre les mineurs, de tenter de les endoctriner avec des principes religieux ? Après tout, ils auront bien assez de temps pour rencontrer ces questions une fois parvenus à leur majorité !

        • Vous avez écrit : « Les textes ne manquent pas dans toute la littérature… ». D’abord sachons d’où l’on parle et de quoi l’on parle. S’agissant des options philosophiques d’explication du monde, y compris religieuses, l’école, ne doit plus se contenter d’un « enseignement du fait religieux », mais elle doit l’étendre à l’ensemble des conceptions du monde à savoir l’agnosticisme et l’athéisme. Une lacune à combler rapidement. S’agissant de l’emprise des religions sur la pensée des hommes, il est fort recommandable de lire : « L’essence du christianisme » de Ludwig Feuerbach, ainsi que : « Et l’homme créa les dieux » de Pascal Boyer, pour comprendre la genèse de l’appel au sacré et au mystère qui conduit bien souvent l’homme a oublier les souffrances de ce « bas monde » et à croire à un « arrière monde » ou à un « au-delà ». Il est important de rester vigilant sur le fait que nous naissons humain avant de devenir ou de ne pas devenir « croyant ». Quant aux façons de devenir « croyant », elles sont très diverses, mais il est aisément constatable que ce ne soit pas en empruntant la voie de la démocratie.

  6. Bonnamour et ilrève, mon « que faites vous ? » s’adressait à l’UFAL…
    Dans le Larousse (assez anticlérical pour vous ?): Ostensible: qui est fait avec l’intention d’être vu… (bref pour se faire remarquer non ?).
    Cet article de l’UFAL coupe les poils de cul en quatre, cette affiche n’a pas vocation à remplacer l’officielle mais à aider à la comprendre (faites des tests de compréhension des articles officiels, même avec des lycéens, et même avec des littéraires, vous allez pleurer de consternation… Alors oui on peut et on doit leur expliquer… et cette affiche peut y contribuer…).
    Pensez-vous vraiment que contester la diffusion (drôle de conception de la liberté d’expression) de « la charte expliquée aux enfants » soit vraiment le combat laïque du moment à mener ? Que le péril n’est pas plutôt dans ces « culs-bénis » pour citer notre bouffeur de curé bonnamour, qui contestent l’égalité homme-femme, le mariage pour tous, le droit à l’avortement et qui s’unissent peu à peu et font fi de leurs divergences pour mieux nous éradiquer…
    Tant que les laïques continueront a se bouffer le foie et à jouer à « se mesurer la longueur de leur… laïcité », plutôt que de combattre l’obscurantisme, la liberté de conscience sera en danger. Alors trouvez un autre chat à fouetter ! Dans quelques semaines un raz de marée nauséabond va envahir nos urnes, vous aurez l’air fins avec vos contestations d’affiche…

    • En réponse à DELPIERO83083 du 20 Février 2015 15 H 59 MIN
      Vos propos manquent de courtoisie sur la forme et de discernement sur le fond. Cela peut être considéré comme un style, à condition que les questions soulevées recueillent des réponses cohérentes et raisonnables.
      Il ne s’agit pas de « contester la diffusion de la « charte expliquée aux enfants », il s’agit d’en discuter le fondement « révisionniste » des principes fondamentaux de la République et de la laïcité.
      Cette charte (revisitée par la Ligue) n’a de légitimité que pour la Ligue et son éditeur (Milan). Il serait intéressant de savoir comment elle a vu le jour? Qui a participé à sa rédaction? Qui en a fait la commande? Comment ont été désignés les rédacteurs? … Autant de questions que l’on se pose quand il s’agit d’écrire un « texte officiel ». Tant que cette lumière ne sera pas faite, et sans parler de son contenu sur lequel il faudra bien revenir rapidement pour éviter une catastrophe citoyenne, elle ne peut pas constituer un document pédagogique « éclairant ». Elle participe plutôt à un enfermement de la laïcité identique à ceux engendrés par les « concepts » trompeurs de « laïcité ouverte » ou de « laïcité plurielle ».
      Comment vont réagir les Inspecteurs pédagogiques chargés de le mise en œuvre des programmes d’enseignement ? Comment vont réagir les professeurs d’histoire géographie, et leur association ? Gageons que leur connaissance et leur expérience de l’histoire de l’enseignement et de l’histoire de la France les incitent à la plus grande réserve quant à de tels productions.

  7. C’est énorme, on fait mine de prétendre que toutes les croyances sont respectables. Et bien non. Non seulement il en est d’exécrables, mais c’est sur le fond des questions qu’elles sont inadmissibles. Que des démocraties consentent à respecter les croyances de n’importe qui soit, mais la limite de ceci ne réside-t-elle pas dans les abus et les crimes que les références à ces croyances tentent de justifier ? Faut-il rappeler, il semble bien que c’est nécessaire, que le B-A Ba de la croyance est fondamentalement attentatoire à la dignité humaine, en ce que, et ce n’est pas uniquement pour les trois monothéismes, l’humain est proclamé création de ce qu’on appelle dieu. Si les mots ont un sens, comment peut-on accepter ces conceptions de l’homme, en sachant qu’elles ne restent pas lettres mortes, et qu’elles engagent des actes contre l’humain, en leur nom. La liste est assez longue des crimes qui sont commis sur des hommes, sur des femmes et sur des enfants, sans oublier des animaux, au nom de ce que les religieux et les religions ont décrété relever de la seule volonté de ce qu’ils appellent dieu.

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