En janvier, M. Valeriu Ghiletchi, membre de la Commission sur l’égalité et la non-discrimination du Conseil de l’Europe, a présenté un projet de rapport inquiétant, intitulé « Lutte contre l’intolérance et la discrimination en Europe avec une attention particulière au christianisme ».

Bien que profondément engagé dans la lutte contre toutes sortes de discriminations, la Fédération humaniste européenne tient à souligner que ce rapport ne fournit pas de preuve d’une discrimination spécifique envers les chrétiens. Au contraire, il utilise la discrimination comme une excuse et constitue une menace potentielle pour la démocratie et la laïcité en Europe.

Confusion entre liberté de religion et respect de la Loi

Le premier exemple donné de discrimination contre les chrétiens est l’affaire des infirmières travaillant dans des services gynécologiques et refusant de fournir des moyens contraceptifs ou de travailler dans des services pratiquant l’avortement (page 2). Les droits et la santé des patients fréquentant les hôpitaux publics doivent évidemment l’emporter sur la liberté religieuse de l’infirmière, et ceci n’est pas un cas de discrimination.

Pire, un autre cas sur lequel argumente le rapport est celui des propriétaires de gîtes qui ont refusé d’accueillir des couples de même sexe (page 3). De façon ahurissante, au lieu de dénoncer la discrimination à l’égard des homosexuels, le rapport y voit une discrimination à l’encontre des propriétaires (page 3: « les propriétaires sont victimes de discrimination s’ils refusent d’accueillir des couples de même sexe ») –alors qu’ils n’étaient pas autorisés à discriminer les gens au nom de leurs propres croyances. Il s’agit là d’une conception très dangereuse qui pourrait autoriser toute forme de discrimination au nom de la liberté de croyance.

Contestation de la laïcité et du respect des croyances d’autrui

La liberté de religion et de croyance est un droit fondamental dans l’Union européenne et sera à ce titre respectée et protégée. Cependant, cette liberté n’est pas absolue et peut être soumise à des restrictions, si elles sont prescrites par la loi et nécessaires à la protection des droits d’autrui (article 9.2 de la Convention européenne des droits de l’homme). Dans les cas évoqués, les droits (et la santé!) d’autrui seraient menacés si l’expression de la religion devait être absolue, c’est pourquoi la Convention ouvre une telle possibilité de restriction. Le rapport remet en cause ces restrictions à la liberté de religion en se fondant sur des rapports et discours provenant de la cité du Vatican et de ses représentants (page 2). En mettant la religion au-dessus de la Loi, ce rapport constitue aussi une attaque contre la laïcité.

Contestation du droit de chaque enfant de recevoir une bonne éducation

À la page 4, le rapport indique que la limitation des droits des parents de retirer leurs enfants des écoles ou de certaines classes est une violation de leurs droits « éducatifs ». Il déclare également que « l’État devrait respecter les choix que les parents font pour leurs enfants ». Ceci ne peut être vrai que dans une certaine mesure, comme rappelé par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Folgero et autres c. Norvège (2007). Ce droit est subordonné au droit des enfants à l’éducation. Cette restriction considérée comme discriminatoire par les auteurs du rapport est nécessaire à la protection des enfants.

Sources peu fiables

Certains cas signalés dans le rapport peuvent vraiment être qualifiées de discriminations, comme les attaques physiques ou les actes de vandalisme. Malheureusement les sources auxquelles recourt le rapport ne sont pas assez fiables pour être utilisées comme preuves des faits. Ces sources vont de citations dépourvues de références d’hommes politiques ou du Pape Benoît XVI à des medias comme Gloria TV (« plus c’est catholique mieux c’est»). La Fédération humaniste européenne regrette le manque d’objectivité des medias utilisés pour prouver la discrimination contre les chrétiens.

Une nouvelle tendance européenne

 Cette façon perverse d’utiliser la rhétorique de la lutte anti discrimination comme un moyen de justifier les attaques contre les droits d’autrui ou la laïcité est en augmentation en Europe. On en trouvera des exemples dans l’attaque menée par des extrémistes religieux contre le rapport Lunacek (une feuille de route non contraignante contre l’homophobie) ou par Civitas contre Arte à l’occasion de la diffusion du film « Tomboy ».

La Fédération humaniste européenne est profondément attachée à la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction. Mais cette liberté ne peut pas être utilisée au détriment d’autrui ou comme moyen de justifier la discrimination et l’obscurantisme, comme c’est le cas dans ce rapport. C’est pourquoi nous espérons sincèrement que le rapport ne va pas être approuvé par le Comité le 5 mars.

Traduit de l’anglais par l’UFAL à partir de l’original de la FHE.

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