Les principales propositions du collectif Pas de bébés à la consigne, dont fait partie l’UFAL, dans le cadre de l’abrogation et de la réforme du décret Morano portent sur :

  1. Considérants généraux : vocation des EAJE
  2. Les taux d’encadrement des enfants
  3. L’accueil en surnombre
  4. Les qualifications des professionnel-les
  5. Les jardins d’éveil
  6. Projet d’établissement, projet éducatif
  7. Direction des EAJE
  8. Procédure d’autorisation, d’avis de création des EAJE

 

Préambule :

Nos propositions pour une réforme du décret relatif aux établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE), concomitante de l’abrogation de décret Morano, s’inscrivent dans la perspective d’améliorer à la fois l’offre et la qualité d’accueil des jeunes enfants, base de notre mobilisation depuis 2009.

À quels critères de qualité nous référons-nous ?
Selon de nombreuses études réalisées en France et à l’étranger, la notion de qualité des modes d’accueil est liée à un ensemble de critères prenant en compte les niveaux de qualifications professionnelles, les taux d’encadrement, la taille restreinte des groupes d’enfants, le respect des rythmes spécifiques des tout-petits, le temps et la disponibilité accordés à l’enfant et sa famille, l’implication des parents, la sensibilité du personnel aux intérêts et aux besoins des enfants, la stabilité du personnel, l’adéquation des locaux, le sens que trouvent les personnels dans leur travail et leur accord avec les objectifs et les méthodes du travail, ainsi que des temps de réflexion réguliers sur les pratiques, qui favorisent une prise en compte de l’enfant et de sa famille dans une relation individualisée1.
Dans cette perspective une véritable professionnalisation des accueillants, c’est-à-dire disposer de connaissances approfondies en puériculture, psychologie et pédagogie, doit préparer à :

« • un accueil personnalisant pour l’enfant, les parents, les professionnels,
• un accueil qui protège la sécurité affective des enfants et la continuité psychique,
• un accueil qui encourage la vitalité découvreuse des enfants,
• un accueil qui respecte la dignité de l’enfant,
• un accueil civilisant : des positions claires entre adultes2
 ».

Nous inscrivons l’accueil de la petite enfance dans une perspective ambitieuse
Les propositions qui suivent ne visent pas seulement à rompre avec la dégradation des conditions d’accueil observée depuis quelques années et amplifiée par le décret Morano. Il s’agit également d’inscrire dans le décret des objectifs ambitieux qui offrent le socle pour mettre en oeuvre les critères de qualité sus-mentionnés, dans les années qui viennent.
Ceci dans l’esprit d’obtenir l’ouverture d’un chantier ambitieux pour la petite enfance avec une méthodologie de construction collective.

1. Vocation générale des EAJE (Article R. 2324-17 du CSP)

Nous proposons un amendement à la rédaction actuelle de l’Article R. 2324-17 du code de la santé publique (CSP), cohérente avec notre demande d’exclure les modes d’accueil collectif du champ d’application de la Directive Services (cf. mots en rouge) :
« Les établissements et les services d’accueil non permanent d’enfants remplissent une mission d’intérêt général et d’utilité sociale. Ils veillent à la santé, à la sécurité, au bien-être et au développement des enfants qui leur sont confiés. Dans le respect de l’autorité parentale, ils contribuent à leur éducation. Ils concourent à l’intégration des enfants présentant un handicap ou atteints d’une maladie chronique qu’ils accueillent. Ils apportent leur aide aux parents pour favoriser la conciliation de leur vie professionnelle et de leur vie familiale. »

2. Taux d’encadrement (Article R. 2324-43 du CSP)

Depuis les lendemains de la 2e guerre mondiale, les taux d’encadrement sont fixés à 1/5 enfants qui ne marchent pas et 1/8 qui marchent.
Un des critères de qualité des EAJE réside dans un taux d’encadrement élevé et la constitution de petits groupes d’enfants pour favoriser l’accueil le plus individualisé possible de chaque enfant dans le cadre du groupe, enjeu particulièrement décisif du fait du jeune âge des bébés accueillis. Les autres critères de qualité évoqués précédemment sont étroitement dépendants des normes d’encadrement.
Ainsi les pays les plus avancés pratiquent des taux de 1/3 à 1/5 enfants de 0-3 ans3).
Toutes les recherches des 50 dernières années sur les besoins premiers des bébés incitent à améliorer la situation actuelle : « les bébés ont besoin pour pouvoir se socialiser, en particulier d’une très grande qualité des rencontres individuelles » (Pr B. Golse).
Tous les mouvements des parents et des professionnel-les de la petite enfance, depuis de nombreuses années, critiquent les normes d’encadrement actuelles et réclament leur amélioration.

C’est pourquoi nous proposons d’inscrire dans le décret l’objectif à atteindre d’un taux moyen d’un adulte pour 5 enfants, au plus tard à l’échéance de l’actuelle COG entre l’Etat et la CNAF.
Les équipes de crèches auraient dans ce cas la latitude d’organiser les taux d’encadrement au sein de l’établissement en fonction de leur projet éducatif et social et des conditions concrètes de l’implantation de l’EAJE, en s’appuyant sur les critères de qualité évoqués en préambule et en respectant sur la structure ce taux moyen d’1 adulte pour 5 enfants.
Le décret doit également prévoir que les enfants en situation de handicap ou atteints de maladies chroniques bénéficient d’un taux d’encadrement plus favorable sur la base d’un principe de places gagées.
L’objectif de relever le taux d’encadrement moyen à 1 adulte pour 5 enfants nécessite la mise en œuvre sur les 5 prochaines années d’un plan ambitieux de formation de nouveaux professionnels qualifiés dans l’accueil de la petite enfance, cf. point 4 ci-dessous.

3. Accueil en surnombre (Article R. 2324-27 du CSP)

L’abandon de la mesure élargissant les possibilités d’accueil en surnombre à 115 et 120 % est un premier pas indispensable.
L’expérience montre qu’avec un taux de 110 %, a fortiori de 120 %, l’accueil en surnombre conduit régulièrement à enfreindre les taux d’encadrement réglementaires en dépit des règles établies.

D’autre part la modulation des capacités d’accueil de la structure en fonction des plages horaires journalières, prévue par le décret, permet que le taux d’occupation requis pour bénéficier des contrats CAF soit atteint, en tenant compte de la réalité d’accueil selon les différents temps de la journée.

La question de « l’optimisation » de l’occupation des places d’accueil ne peut se poser qu’en respectant des taux d’encadrement favorables à la qualité d’accueil et à la continuité des repères des tout-petits : pas de bébés « bouche-trou » dans les établissements. Une telle « optimisation » ne peut non plus se concevoir au détriment de conditions de travail des professionnels favorisant cette qualité d’accueil, par exemple l’organisation des temps réguliers de travail d’équipe, indispensables à la réflexion sur les pratiques professionnelles.

Nous proposons que la possibilité d’un accueil en surnombre ne puisse excéder 110 %.
Nous exigeons qu’en cas d’accueil en surnombre les conditions fixées par le décret4) soient réellement garanties et que les services de PMI chargés du contrôle des EAJE disposent des moyens nécessaires pour les faire appliquer.

4. Les qualifications professionnelles (Article R. 2324-42 du CSP)

Un critère essentiel de qualité des EAJE réside dans le degré élevé de qualification des professionnel-les de la petite enfance accueillant les enfants.

Le retour à un ratio de 50/505 annoncé par Mme Bertinotti lors de la rencontre avec « Pas de bébés à la consigne » le 4 juillet 2013 est une mesure de première urgence. Elle doit être immédiatement suivie d’un plan de formation initiale et continue ambitieux permettant d’élever progressivement ce ratio afin que les équipes pluriprofessionnelles d’accueil dispo- sent, pour la plus grande proportion des accueillants, des qualifications les plus élevées.

Ceci doit s’accompagner, dans le cadre du plan métier, d’une réflexion sur les contenus de formation, sur les diplômes et leur niveau de qualification, sur l’articulation des diverses compétences, sanitaires, éducatives, pédagogiques, psychologiques, psycho-sociologiques, etc., et sur celle des divers cursus de formation.

Un effort particulier sera à faire porter sur la promotion professionnelle des CAP petite enfance et des assistantes maternelles travaillant actuellement en EAJE, pour leur permettre d’accéder aux métiers référencés au 1° de l’art. R.2324-42 du CSP.

5. Les jardins d’éveil (Article R. 2324-47-1 du CSP)

Nous prenons acte de la disparition annoncée par la ministre des jardins d’éveil.

Concernant l’accueil des 2-3 ans à l’école maternelle, nous renvoyons à notre contribution de janvier 2013 à la consultation nationale sur les modes d’accueil6.

6. Projet d’établissement, projet éducatif, règlement de fonctionnement (Articles R. 2324-29 et 30 du CSP)

Nous proposons un amendement (ci-dessous en rouge), visant à favoriser le travail d’équipe dans la durée concernant le projet d’établissement, le projet éducatif, le règlement de fonctionnement :

Les projets d’établissement ou de service cités à l’article R. 2324-29 et le règlement de fonctionnement cité à l’article R. 2324-30 font l’objet d’un bilan périodique par les équipes et de temps de travail réguliers en équipe pluriprofessionnelle afin d’examiner les réajustements de pratiques nécessaires.

Nous proposons également un amendement de cohérence, au 4° de l’art. R.2324-29 (ci- dessous en rouge), concernant les enfants en situation de handicap ou atteints de maladies chroniques :

« 4°- Le cas échéant, les dispositions particulières prises pour l’accueil d’enfants présentant un handicap ou atteints d’une maladie chronique, notamment l’application du principe de places gagées mentionné à l’art. R. 2324-43 »

7. Direction des EAJE (Art. R.2324-34, 35, 36, 36-1, 36-2, 46 du CSP)

Nous estimons que le référent technique mentionné au 4° de l’art R.2324-17 (micro-crèches) doit bénéficier d’une des qualifications parmi celles mentionnées aux articles R.2324-34 et 35, concernant les directeurs des autres EAJE. La fonction de référent technique de micro- crèche, pas plus que celle de directeur d’EAJE, ne peut en effet être ramenée à la seule gestion administrative, financière…

Plus généralement, dans le cadre de l’élaboration du plan métiers, nous demandons que soit rouverte la réflexion sur les professions habilitées à diriger les EAJE (cf. particulièrement l’art. R.2324-46 relatif aux dérogations en matière de qualifications).

8. Procédure d’autorisation, d’avis de création, d’extension ou de transformation des EAJE (Art. R.2324-23 du CSP) :

Le décret prévoit que, dans le cadre de ces procédures, leur instruction peut être effectuée lors d’une visite sur place par un médecin, une puéricultrice ou par tout professionnel qualifié dans le domaine de la petite enfance. Cette dernière formule est trop floue et n’offre pas de garantie suffisante de compétence en vue d’instruire une autorisation ou un avis de création d’établissement. Nous proposons de substituer à « par un médecin ou une puéricultrice ou, à défaut, par un professionnel qualifié dans le domaine de la petite enfance… » les termes suivants : « par un médecin, une puéricultrice ou une éducatrice de jeunes enfants… », et d’ajouter une notion de durée d’expérience professionnelles préalable en EAJE, de 3 ou 5 ans.

Le site du collectif Pas de bébés à la consigne

  1. A ce sujet cf. l’ouvrage Modes d’accueil pour la petite enfance. Qu’en dit la recherche Internationale par A. Florin. Éditions Eres. []
  2. Principes développés par S. Giampino dans son ouvrage Les mères qui travaillent sont-elles coupables ? Paris, Albin Michel 2007. Chapitre Confier ses enfants : la qualité est une priorité, pp. 181 à 202. []
  3. Cf. annexe 23 du rapport sur Le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance, par M. Tabarot, députée des Alpes-Maritimes (juillet 2008 []
  4. « Sous réserve du respect des dispositions du premier alinéa de l’article R.2327-17 et de l’article R2324-43 [il s’agit du respect du taux d’encadrement]et à condition que la moyenne hebdomadaire du taux d’occupation n’excède pas cent pour cent de la capacité d’accueil prévue par l’autorisation du président du conseil général ou figurant dans la demande d’avis qui lui a été adressée » (1er alinéa de l’art. R 2324-27 []
  5. 50 % de personnels dont les professions sont citées au 1° de l’art. R.2324-42 et 50 % de personnels dont la qualification est définie par arrêté mentionné au 2° de l’art. R.2324-42 []
  6. « Le projet gouvernemental de relancer l’accueil en école maternelle des enfants de 2 à 3 ans pose la question d’adapter les conditions indispensables d’accueil aux besoins des jeunes enfants (espaces, rythmes et équipements adaptés, personnels formés…), avec un enseignant pour un effectif maximum de 15 enfants et avec une ATSEM à temps plein. Si la circulaire ministérielle publiée le 16/01/2013, relative à la « scolarisation des enfants de moins de trois ans », reconnaît la nécessité de conditions de scolarisation et de formation spécifiques, elle n’apporte pas de précisions sur les taux d’encadrement. La formation des enseignants et des ATSEM aux particularités du développement et des besoins des enfants de cet âge doit être garantie dès la formation initiale et se poursuivre en formation continue pour les enseignants et pour les ATSEM. Un travail partenarial et des formations communes entre les professionnels de la petite enfance et les enseignants de maternelle sont nécessaires. Cela est d’ailleurs également préconisé par les inspecteurs généraux (rapport sur la maternelle publié en mai 2012). » []

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