Réponses de l’UFAL au questionnaire de Mme Michelle MEUNIER, sénatrice, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

 
1. Quelle appréciation générale portez-vous sur le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes ?

L’UFAL fait de l’égalité homme femme l’un des fondements de son engagement militant et considère que plusieurs mesures vont dans le bon sens : notamment le soutien à la monoparentalité via une amélioration de l’ASF et de la récupération des impayés de pension alimentaire.

L’UFAL est en revanche plus réservée sur la réforme du CLCA. Si l’UFAL est favorable au partage des responsabilités parentales, notre mouvement rappelle que cette prestation tend à favoriser l’interruption d’activité des parents (totale ou partielle) en lieu et place de solutions collectives d’accueil du jeune enfant qui sont pour notre mouvement la priorité.

A cet égard, l’UFAL considère que l’effort gouvernemental relatif à l’accueil du jeune enfant ne répond pas aux enjeux. Sur ces 275 000 places, seules 100 000 places de crèche sont visées soit autant que ce qui était prévu dans la précédente COG Etat/CNAF ; quant aux 75 000 places en école maternelle, elles ne répondent pas aux besoins.
L’UFAL redoute que la réforme du CLCA soit une mesure d’économie déguisée au travers d’une réduction du droit à prestation sur les 6 derniers mois du Congé parental.

2. Sur la réforme du complément de libre choix d’activité (CLCA) :

a) Cette prestation familiale nécessitait-elle, selon vous, d’être réformée ?

L’UFAL porte sur le CLCA un avis assez défavorable. Cette prestation s’inscrit dans un cadre d’incitation à la réduction d’activité voire à l’arrêt d’activité des femmes (qui sont 96% des bénéficiaires). Certes, le constat doit être différencié selon que l’on parle du CLCA à taux plein ou à taux partiel. Dans le premier cas, le CLCA participe d’un éloignement des femmes de l’activité professionnelle, et d’un retour encore plus hypothétique dans l’emploi pour les personnes ayant interrompu pendant plusieurs années leur activité. L’UFAL est clairement hostile à cette prestation qui s’inscrit dans un cadre familial patriarcal et favorise les familles aisées marquées par de fortes inégalités de revenus dans le couple et pouvant se permettre de « sacrifier » un salaire d’appoint pour s’occuper d’enfants en bas âge.

Dans le second cas, le CLCA peut être un moyen d’aménagement du temps de travail et d’une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Toutefois, ce constat ne vaut que pour les réductions d’activité limitées (80%) et réduites dans le temps. L’UFAL n’approuve cependant cette prestation que dans la mesure où la réduction d’activité est choisie et non pas contrainte par une absence de solutions collectives de gardes, comme cela est trop souvent le cas. En outre, le CLCA à taux partiel profite surtout aux femmes pouvant se permettre une réduction d’activité, soit par ce qu’elles contribuent marginalement aux ressources du couple, soit parce qu’elles ne sont pas inscrites dans un projet de carrière induisant à une implication professionnelle importante et incompatible avec du temps partiel (à l’instar des femmes cadres)

Dans tous les cas, l’UFAL appréhende avec grandes réserves 1) une prestation inégalitaire (seuls 25 % des enfants sont concernés) 2) qui favorise plutôt les couples aisés marqués par de fortes inégalités de revenus dans le couple 3) qui vise à favoriser des solutions individuelles et domestiques d’accueil du jeune enfant au détriment de solutions collectives (structures d’accueil collectif) et 4) qui génère des effets d’aubaine (pour les femmes ayant déjà réduit leur activité)

b) Comment avez-vous été associés à la réforme ?

Via cette participation à la table ronde et lors de nos prises de positions à l’UNAF

c) Comment jugez-vous la solution retenue par le Gouvernement (la création d’une période de partage des droits) ? Quel(s) effet(s) en attendez-vous ?

L’UFAL a un avis mitigé. D’un côté, notre mouvement approuve l’idée d’un partage de responsabilité parentale. D’un autre côté, cette mesure risque d’achopper sur la capacité effective des hommes à réduire leur activité surtout s’ils contribuent (comme c’est le plus souvent le cas) majoritairement aux revenus du ménage. Aussi, la réforme du CLCA pourrait s’apparenter dans les faits à une mesure d’économie déguisée au travers de la suppression des 6 derniers mois de prestation. En outre, l’UFAL rappelle que cette mesure va de pair avec la suppression de la majoration du CLCA pour les familles situées au-delà du plafond de l’allocation de base de la PAJE. Cette suppression risque de rendre encore plus hypothétique la réduction d’activité des hommes à revenus élevés.

d) Que proposez-vous pour inciter les pères à s’investir davantage dans l’éducation des enfants ?

Le principe d’égalité hommes femmes dans le partage des responsabilités parentales passe tout d’abord par un changement de mentalité assez radical tant au sein du couple que dans l’entreprise.

Le partage des tâches ménagères, le temps consacré à l’éducation des enfants sont encore exercés majoritairement par les femmes. A cet égard, un vrai travail sur les mentalités devrait être mis en œuvre dès l’école primaire afin de changer les perceptions liées à la place des femmes dans la société, dans un pays encore marqué par une vision patriarcale. Les entreprises françaises doivent également réaliser leur aggiornamento en matière de management et de rapport à l’implication professionnelle.

La mise en œuvre de solutions d’aménagement du temps de travail en vue de faciliter la conciliation entre vie professionnelle et familiale devient un impératif criant. Il convient de mettre fin à une mentalité des chefs d’entreprises français considérant que l’implication et le professionnalisme, au même titre que la progression professionnelle, passe nécessairement par la réalisation d’horaires à rallonge incompatibles avec la vie de famille, et ce tout particulièrement pour les cadres. Il convient d’initier par la loi un processus généralisé de négociation de « vrais » accords collectifs de responsabilité sociale de l’employeur passant notamment par la facilitation du temps partiel choisi avec maintien de salaire (via éventuellement un redéploiement du CLCA à taux partiel), de limitation des amplitudes horaires et de maintien des droits retraite en cas de temps partiel lié à l’éducation des enfants. Enfin, l’absence délibérée d’avancement ou de progression professionnelle en raison de contraintes liées aux charges familiales devrait être considéré comme pratique discriminatoire.

Cependant, l’UFAL pense que l’égalité homme femme passe avant tout par des mesures de nature collective dans le cadre de la politique familiale :

  • Extension du congé paternité
  • Renforcement considérable des solutions collectives d’accueil du jeune enfant, permettant

e) Que proposez-vous pour favoriser le retour à l’emploi des mères qui ont interrompu leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants ?

Pour l’UFAL, il y a lieu avant tout de favoriser le maintien des mères dans l’emploi via l’ensemble des mesures susmentionnées. La sortie de l’activité professionnelle constitue un handicap souvent insurmontable, surtout après plusieurs années.

f) Que pensez-vous du plan pour l’accueil de la petite enfance présenté par le Premier ministre le 3 juin dernier ?

Le plan d’accueil de la petite enfance est considéré par l’UFAL comme totalement insuffisant. L’annonce de 275 000 places d’accueil repose en effet sur seulement 100 000 places de crèche, soit autant que ce qui était prévu dans la précédente COG Etat CNAF et cela est totalement insuffisant (même si l’on parle ici de créations « nettes »). Les 100 000 places d’accueil d’assistantes maternelles prévues constituent à cet égard une solution palliative à l’insuffisance de l’accueil collectif, principalement en Région parisienne. Quant aux 75 000 places de maternelles supplémentaires, cela ne correspond pas au besoin. Notons au passage que la réforme du CLCA risque d’entraîner une augmentation mécanique de jeunes enfants à accueillir via l’effet d’éviction sur les 6 derniers mois.

L’UFAL revendique de longue date un plan national d’accueil collectif du jeune enfant passant autant par des places de crèche et de halte-garderie que par le développement de structure collective d’aide aux loisirs (centre aérés). Cela ne peut pas passer que par une revalorisation conséquente du budget d’action sociale des CAF couplée à un renforcement des participations financières des collectivités territoriales.

3. Sur l’expérimentation relative aux impayés de pensions alimentaires ?

a) Que représentent aujourd’hui les impayés de pensions alimentaires ?

Les impayés de pensions alimentaires sont une problématique à intégrer dans une réflexion large autour de la monoparentalité. Les familles monoparentales sont clairement celles qui sont le plus durement touchées par la précarité voire la pauvreté.

b) L’expérimentation prévue par le projet de loi, en particulier le renforcement des moyens d’action des CAF pour le recouvrement des impayés, est-elle à même de lutter plus efficacement contre ce phénomène ?

L’UFAL accueille favorablement ce projet de loi même si celui-ci ne fait qu’améliorer des dispositions préexistantes (ASF recouvrable).

L’aide aux familles incluant une information et une assistance juridique renforcées en vue d’une meilleure récupération des impayés (estimés à 40% des décisions de justice) suscite évidemment l’adhésion de l’UFAL mais cette mesure « expérimentale » ne saurait régler à elle seule l’enjeu des conditions de vie des familles monoparentales.

La réduction des moyens de la branche famille actuellement négociées dans le cadre de la COG 2013-2016 risquent toutefois de limiter dans les faits les possibilités réelles d’action des CAF, d’autant que celles-ci ont été fort touchées par la mise en place du RSA. L’UFAL exprime à cet égard sa grande préoccupation à l’égard de la réduction drastique des moyens humains des organismes de Sécurité sociale qui entravent les conditions de mise en œuvre d’un service public essentiel pour les conditions de vie des familles.

c) L’ouverture de l’ASF différentielle à tout créancier d’une « petite » pension alimentaire vous satisfait-elle ?

L’UFAL est favorable à cette mesure qui permettrait de porter à 90 € minimum le montant des pensions alimentaires. Cependant, il ne s’agit que d’une mesure marginale qui est clairement insuffisante pour améliorer les conditions de vie des familles, qui plus est placées en situation d’isolement.

Pour conclure, l’UFAL préconise la mise en œuvre de solutions de nature collective qui ont l’avantage de ne pas être discriminantes et de ne pas enfermer les familles dans une situation sociale ciblée liée à leur situation de pauvreté et/ou d’isolement. En premier lieu, l’UFAL revendique avec force l’extension des allocations familiales dès le premier enfant et la mise en place d’un droit opposable à l’accueil du jeune enfant dans des structures collectives de garde pour les parents isolés.

Délégué national aux questions sociales et familiales de l'UFAL, cadre dirigeant du Régime Général de Sécurité sociale, enseignant à Sciences Po Strasbourg et auteur de l'ouvrage : « Pour en finir avec le Trou de la Sécu » éd. Eric Jammet.

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