La Cour et les chambres régionales des comptes ont rendu public, le 28 novembre 2013, un rapport consacré à la politique d’accueil des enfants de moins de trois ans (crèche, assistants maternels, salariés à domicile et l’école maternelle). Comme le rappelle la Cour des comptes, la politique d’accueil des enfants de moins de trois ans, qualifiée d’ambitieuse, mobilise 14 milliards d’euros, ce qui a permis à plus de 52 % des enfants de moins de trois ans de bénéficier d’une solution d’accueil (contre 47 % en 2006) : crèche et halte garderie (30 %), assistante maternelle (60 %), salariés à domicile (3 %) et école maternelle (7 %).

Malgré les moyens mis en œuvre, la Cour précise que la politique d’accueil du jeune enfant reste minée par d’importantes disparités territoriales. Ainsi, fin 2011, la capacité d’accueil (exprimée en nombre de places pour 100 enfants de moins de trois ans) varie dans un rapport d’un à trois selon les départements. On compte moins de 30 places pour 100 enfants en Seine-Saint-Denis, le département le moins bien doté, et 86 % pour le mieux équipé, la Haute-Loire.

Le rapport estime en outre que « les dispositifs fiscaux sont globalement plus favorables aux ménages les plus aisés ». Ainsi, 64 % des ménages les plus aisés font garder leur enfant, contre 8 % des familles les plus modestes. « Ces disparités s’amplifient dans les situations de “monoparentalité” des familles. Selon une enquête conduite en septembre 2012 à la demande de la Caisse nationale des allocations familiales
(CNAF), les parents gardant leur enfant sont deux fois plus nombreux que ceux qui l’avaient expressément souhaité, et les familles envisageant un accueil en crèche n’y ont finalement accès que pour un peu plus de la moitié d’entre elles ».

La Cour des comptes pointe du doigt l’insuffisante lisibilité du pilotage de la politique d’accueil. Ainsi, les orientations générales sont fixées par l’État, tandis qu’une partie importante de son financement (73 %) est assurée par la branche famille de la Sécurité sociale, mais qu’aucune institution n’est responsable de son pilotage au plan local. L’éclatement des compétences entre la CAF, le département et le niveau communal nuit à la cohérence de la politique de la petite enfance qui peine à donner sa pleine mesure sur le terrain. Quant au système d’information de la branche famille, il présente de nombreuses lacunes.

La Cour estime que des pistes d’amélioration sont envisageables. Les aides accordées et la tarification devraient mieux tenir compte du niveau de ressources des familles, d’une part, et du coût du mode de garde pour la collectivité, d’autre part. Le complément de mode de garde (une des prestations de la PAJE) est attribué à toutes les familles, quel que soit leur niveau de revenu. Les 10 % de familles les plus pauvres reçoivent 120 millions d’euros au titre de cette prestation, tandis que les 10 % les plus aisées touchent plus de 1 milliard.

En conclusion, la Cour préconise de renforcer le ciblage des dépenses pour corriger ces inégalités. L’information des familles devrait être améliorée, tout comme la transparence dans l’attribution des places en crèche et la gestion des listes d’attente. Les solutions d’accueil moins onéreuses, comme les crèches familiales et les lieux dédiés à l’accueil des enfants de deux ans, devraient être mieux soutenues.

Pour l’UFAL, le rapport de la Cour des comptes dresse un bilan intéressant de la politique d’accueil du jeune enfant en France et pointe avec justesse ses atouts, mais aussi ses insuffisances.

Toutefois, l’UFAL rejoint partiellement les conclusions de la Cour. Notre mouvement estime en effet que le vecteur principal d’une conciliation entre vie familiale et vie professionnelle passe par un véritable plan-cadre national d’accueil collectif du jeune enfant qui irait bien au-delà des 275 000 solutions d’accueil proposées par le gouvernent Ayrault.

Nous estimons qu’un effort de 400 000 places de crèches serait nécessaire pour couvrir les besoins d’accueil sur le territoire. Il s’agit aux yeux de notre mouvement d’un investissement collectif essentiel, car l’accueil collectif du jeune enfant constitue la solution privilégiée des familles dès lors qu’elles y ont accès. En outre, un investissement de cette nature pourrait être obtenu en complétant le Fonds National d’Action Sociale de la CNAF par un redéploiement partiel du Complément Mode de garde de la PAJE, mais également en imposant aux municipalités un niveau de cofinancement minimal des structures d’accueil du jeune enfant assorti d’éventuels mécanismes de sanctions pour les municipalités qui ne satisferaient pas à leurs obligations.

Délégué national aux questions sociales et familiales de l'UFAL, cadre dirigeant du Régime Général de Sécurité sociale, enseignant à Sciences Po Strasbourg et auteur de l'ouvrage : « Pour en finir avec le Trou de la Sécu » éd. Eric Jammet.

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