Le ministère Peillon devra faire avec le legs de son prédécesseur, c’est-à-dire avec les conséquences d’une politique « insincère et coûteuse ». Alors que se déroule la concertation sur « la refondation de l’école », faisons un point sur la situation.
« L’Éducation nationale vient de vivre une véritable saignée », déclare le nouveau ministre, qui devra tenir l’engagement phare de F. Hollande : recruter 40 000 enseignants en 5 ans. Mais ce n’est pas le seul chantier qui intéresse l’UFAL : il est urgent de revoir la politique de recrutement et de la formation des professeurs, mais aussi de revenir sur une réforme du lycée qui a fait perdre aux élèves des heures disciplinaires au profit de « dispositifs », tels que l’aide personnalisée, qui sont loin de faire leurs preuves.

Vincent Peillon a annoncé récemment l’arrêt de la politique de non-remplacement d’un professeur sur deux. À cet effet, est annoncée l’ouverture de 22 000 postes aux concours de recrutement en 2013. Assurément, on ne peut que se féliciter de cette nouvelle. Mais une telle mesure, pour urgente qu’elle soit, est insuffisante. La réforme du lycée voulue par Luc Chatel sera appliquée cette rentrée aux classes terminales et rien n’indique que le nouveau ministre de l’Éducation nationale reviendra sur ce qui est d’ores et déjà en place aux niveaux de la seconde et de la première. Les effets de la désastreuse réforme dite de la « masterisation » sont aujourd’hui manifestes : plus de 1000 postes de CAPES n’ont pas été pourvus cette année en raison de la baisse du nombre des candidats, qui étaient deux fois moins nombreux en 2012 qu’en 20051. L’éducation nationale connaît actuellement une grave crise des vocations.

Plusieurs raisons expliquent cette crise :

  1. La difficulté, pour les étudiants, de concilier mémoire de master et préparation des concours en quelques mois.
  2. L’absence d’une formation initiale sérieuse : le ministère annonce qu’une décharge de service de 3 heures hebdomadaires seulement sera octroyée aux néo-titulaires. C’est très insuffisant. Un professeur qui entre dans le métier doit pouvoir bénéficier d’un allègement de son service pour, d’une part, mener à bien les tâches qu’il découvre (telles que préparer ses cours ou apprendre à corriger des copies) et pour, d’autre part, se former à son nouveau métier.
  3. La cherté des études, que de plus en plus d’étudiants ont du mal à financer : logement compris, un étudiant doit débourser en moyenne 2500 euros pour simplement commencer l’année, sans compter la multiplication des frais « obligatoires » que réclament de plus en plus d’Universités (800 euros en sus des frais d’inscription à Grenoble 2, recouvrant par exemple des frais de photocopie ou l’accès à l’informatique). Or, il faut savoir que le montant maximum d’une bourse du CROUS correspond à 4370 euros/an, soit moins de la moitié du seuil de pauvreté, estimé à 9492 euros par an.
  4. Enfin, un métier de moins en moins attractif financièrement (tendance accentuée par le gel du point d’indice depuis deux ans), voire de moins en moins attractif du tout (si l’on en juge par le nombre d’étudiants qui, après leur stage d’observation, renoncent à passer les concours).

 
Pour tenter de remédier à ces difficultés, Vincent Peillon vient d’annoncer le recrutement, dès la rentrée, d’étudiants en deuxième année de licence, sous le statut de « contrats d’avenir ».
Ces derniers, issus de milieux modestes, se verraient confier, sur 3 ans, « des tâches péri-éducatives et de surveillance » contre une rémunération mensuelle de 900 euros, bourses comprises.
Non seulement le ministre réinvente les pions, mais il réussit l’exploit de créer un corps de surveillants paupérisés puisque les ASSED et les CUI2 sont payés au SMIC. Par ailleurs, ce « pré-recrutement » semble d’autant plus contestable que ces étudiants ne seront recrutés… qu’après avoir réussi un concours. Cette nouvelle mesure ressemble moins à un « contrat d’avenir » qu’à un contrat de dupes.

Sur ces différents points, l’UFAL demande :

  • L’abandon de la réforme dite de la « masterisation ».
  • Une réflexion sur le pré-recrutement des enseignants, sur le modèle des IPES, et non une mesure ubuesque qui ne résout en rien les problèmes de fond liés au recrutement.
  • Une formation initiale approfondie, fondée sur un apprentissage réel de la transmission des savoirs disciplinaires.
  • Un allègement des horaires effectués devant les classes pour les professeurs-stagiaires.
  • Une politique d’aide au financement des études longues pour tous, comprenant entre autres une construction massive de logements étudiants, l’aide au conventionnement CAF des logements du secteur privé, le blocage des loyers pour les petites surfaces dans les zones tendues, l’interdiction des dépassements des frais d’inscriptions dans les universités.

 

  1. De 136 000 en 2005, on est passé à 69 000 en 2012 ! []
  2. Appellations administratives des surveillants.
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