Mme Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, a déclaré devant l’Observatoire de la laïcité : « (…) dès lors que les mamans ne sont pas soumises à la neutralité religieuse, comme l’indique le Conseil d’État, l’acceptation de leur présence aux sorties scolaires doit être la règle et le refus l’exception. » Faisant encore mieux que son prédécesseur Benoît Hamon (l’homme du « cas par cas »), elle franchit le pas décisif dans l’abandon du principe (constitutionnel !) de laïcité scolaire applicable à l’exercice du service public de l’éducation.

L’UFAL rappelle que, par définition, les sorties dites « scolaires » relèvent de l’exercice du service public et que leur cadre est forcément neutre – ce qui n’est pas le cas des kermesses dans l’école ou des rencontres parents-enseignants. Ainsi, la circulaire Chatel du 27 mars 2012 rappelait que le principe de laïcité permet « d’empêcher que les parents d’élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques lorsqu’ils accompagnent les élèves lors des sorties et voyages scolaires. ».

Le Conseil d’État, dans son étude sur le sujet1, n’a pas contredit cette circulaire. S’il considère les parents accompagnateurs comme de simples usagers, non soumis à l’obligation de neutralité religieuse, il indique explicitement que « les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation peuvent conduire l’autorité compétente, (…) à recommander [à ces parents] de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses ». L’UFAL se permet de rappeler à Mme Vallaud-Belkacem que « l’autorité compétente », c’est, en matière d’organisation d’un service public national, le ministre2.

Imposer désormais comme règle d’accepter les signes religieux chez les adultes qui encadrent les élèves en sortie ouvre une brèche dans le principe de neutralité religieuse de l’école publique. En effet, comment justifier dès lors que les enseignants, encadrants permanents, y restent seuls soumis, alors même que dans certains établissements, on peut constater une très forte pression communautaire en faveur de l’affichage religieux ? Tout « accommodement raisonnable » est un cadeau offert aux intégristes de toute obédience, qui cherchent patiemment à grignoter la laïcité, notamment en s’attaquant à l’école.

Si la ministre souhaite, comme elle le prétend, « renouer le lien de confiance, qui s’est distendu, entre les parents et l’école », qu’elle commence par y faire respecter strictement et partout la laïcité, sans « exceptions » variant forcément d’un quartier à l’autre.
Comment faire confiance à une école publique qui cesse d’être laïque, trahissant ainsi le choix éducatif librement fait par les parents ? Devrons-nous inciter les familles attachées à la laïcité à retirer leurs enfants de ces écoles, ou à refuser qu’ils participent à des activités dont l’encadrement ne respecte pas la neutralité religieuse ? Faudra-t-il développer des écoles privées laïques pour respecter la liberté de conscience des enfants et le choix des parents ?
L’UFAL déplore qu’un ministre d’un gouvernement socialiste aille plus loin que la majorité précédente dans la remise en cause de la laïcité. Elle encourage les responsables d’établissements scolaires à s’en tenir à la circulaire Chatel, et exige de Mme la ministre qu’elle assume les responsabilités qui lui incombent pour faire respecter, partout et par tous, le principe de laïcité scolaire.

  1. Étude du 19 décembre 2013, demandée par le Défenseur des droits []
  2. Conseil d’État, arrêt Jamart, 7 février 1936 []

Militant laïque, professeur, puis haut-fonctionnaire, Charles Arambourou est actuellement magistrat financier honoraire. Il suit les questions de laïcité au bureau national de l’UFAL.

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