Cet article de Jean-Michel Muglioni a été publié initialement sur le site internet de Catherine Kintzler, Mezetulle. Nous les remercions de nous avoir autorisés à le reproduire.  Bonne lecture.

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Il suffit que les parents d’élèves soient au centre du système scolaire et que l’école soit chargée d’enseigner des valeurs pour que s’allume une guerre de religion. Jean-Michel Muglioni rappelle ici qu’il ne peut pas en être autrement.

Voici l’école à nouveau le centre de polémiques1. Aux absurdités de familles jalouses de leurs prérogatives le ministre répond qu’on y enseigne les valeurs de la République, parmi lesquelles l’égalité de l’homme et de la femme.

Il est manifeste que cette valeur n’en est pas une pour un grand nombre de familles. Elles ont été facilement mobilisées par une formidable supercherie : quelques extrémistes politiques et religieux n’ont eu aucune peine à leur faire croire que dès la crèche, la différence sexuelle serait niée, et qu’on enseignerait la masturbation et l’homosexualité. Un cardinal avait bien dit au printemps dernier que la législation sur le mariage homosexuel ouvrait la porte à la zoophilie2. Ces questions remuent les pires passions. Il fallait donc s’attendre à cet assaut de bêtise. C’était même l’occasion de relire Freud.

Mais comment résister à la pression familiale, lorsqu’il est entendu par tous les acteurs officiels, ministériels, syndicaux, associatifs, que les parents ont un rôle à jouer non pas hors de l’école, mais dans l’école ? Quand la prétendue refondation de l’école non seulement rappelle ce rôle, mais veut le renforcer ? Cette contradiction rend impossible de répondre aux parents d’élèves qui tiennent à tous les clichés qui distinguent filles et garçons et qui, quoi qu’ils prétendent, ne veulent pas de l’égalité, comme la plupart des églises. L’école s’est donné elle-même les verges pour se faire battre.

Ce n’est pas tout. De même que dans ces colonnes j’ai déjà soutenu que l’école doit protéger les enfants de leurs parents, j’ai contesté l’idée qu’elle avait à enseigner des valeurs, quelles qu’elles soient : instruire suffit, moraliser n’a pas de sens et même contrevient à l’idée républicaine. Il est donc dans la nature des choses qu’éclatent des guerres de religion si l’on veut que l’école soit chargée de transmettre des valeurs. Là encore l’école s’est donné elle-même les verges pour se faire battre.

Mais dira-t-on, ne faut-il pas qu’elle lutte contre les représentations et les pratiques toujours en vigueur qui vont contre ce principe d’égalité ? Il suffit que l’instruction soit réelle et que les maîtres soient eux-mêmes préparés à lutter contre tous les stéréotypes dont il leur arrive encore d’être prisonniers. Nul besoin d’un enseignement spécial : si par exemple un cours d’histoire montre la variation des modes vestimentaires, chacun verra que les critères de la féminité et de la virilité changent selon les époques, comme le propose au demeurant L’ABCD de l’égalité. Car le pire dans cette affaire est qu’il contient d’excellentes choses !

A lire également : La suite de cet article, « Sexe et genre« , sur le blog de Mezetulle.

  1. Au sujet de la prétendue « théorie du genre ». []
  2. On me signale une erreur. Et en effet, vérification faite autant qu’il est possible sur le net, le cardinal a dénoncé – « seulement » – le risque de polygamie et d’inceste, et c’est l’UOIF qui a parlé de polyandrie et de zoophilie… Ce qui ne change donc rien à mon argumentation vet me donne l’occasion d’ajouter que les parents d’élèves catholiques, musulmans ou incroyants, etc., pouvant mettre leurs enfants dans la même école publique, cette école ne peut qu’être un champ de bataille si chacun y fait valoir ses valeurs. []

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