Nos lecteurs et collègues ont peut-être lu la Lettre aux éducateurs, du président de la république, envoyée à domicile et à grands frais chez tous les enseignants, pour un coût d’environ 500 000 euros…. alors que le texte était sur internet et faisait déjà fleurir les commentaires perplexes ou courroucés. La moindre des critiques portant sur la somme gaspillée, qui eût certainement été mieux employée en bourses d’études, entretien de bibliothèques, et autres dépenses plus utiles.

Nous avons reçu en commentaire le communiqué de presse de la fédération de syndicats EIL:

LA « LETTRE AUX ÉDUCATEURS » : VERS QUELLE ÉCOLE DE LA RÉPUBLIQUE ?

Le Président de la République souhaite montrer l’importance qu’il attache à l’école en s’adressant aux éducateurs. Il envisage une véritable refondation du système éducatif. Il redéfinit le rôle de l’éducation, rappelle l’obligation d’éduquer au « respect », au « goût de l’effort ». Il revendique qu’une plus grande place soit accordée à la culture générale. Pédagogue, il souhaite une école, laïque, « parce que la laïcité est à mes yeux un principe de respect mutuel et parce qu’elle ouvre un espace de dialogue et de paix entre les religions, parce qu’elle est le plus sûr moyen de lutter contre la tentation de l’enfermement religieux », une école ouverte sur « les autres mondes », qui « aide les enfants à devenir des adultes », donnant « à chacun une plus grande chance de réussir » et, tirant un trait sur le passé propose de « poser les principes de l’éducation du XXIème siècle », et il n’oublie pas les professeurs dont il reconnaît les qualités, pour qui il souhaite « une reconnaissance plus grande » et pour qui il propose de « revaloriser les carrières ».
Qui ne souscrirait à ces valeurs ?

Toutefois des inquiétudes pointent derrière l’École que le Président décrit.

Affirmer que « nul ne doit entrer en 6e s’il n’a pas fait la preuve qu’il était capable de suivre l’enseignement du collège » et que « nul ne doit entrer en seconde s’il n’a pas fait la preuve qu’il était capable de suivre l’enseignement du lycée et le baccalauréat doit prouver la capacité à suivre un enseignement supérieur », cela ne sous-entendrait-il pas la mise en place d’une sélection à l’entrée en 6e, en seconde, et à l’université ? Auquel cas, ce serait contraire à l’humanisme qu’il revendique, et surtout contraire à notre conception du rôle de l’École. Il est préférable de lutter contre les risques d’échec, en reconnaissant, par exemple, l’égale dignité entre les différentes voies de formation, y compris au niveau du cycle du collège. Il faut permettre ainsi, à chaque jeune, d’aller au maximum de ses possibilités ce qui semblerait être la logique du Premier personnage de l’État.
Au lieu de se contenter de proposer que la société « demande des comptes (aux parents dont les enfants manquent la classe) et que « les aides … accordées puissent être placées sous tutelle », ce qui passerait pour une sanction pour les familles, il est souhaitable de rechercher des solutions aux problèmes rencontrés par ces familles.
Scolariser les enfants en grande difficulté et les enfants handicapés avec « tous les autres enfants », « pour que les autres enfants s’enrichissent de cette différence », ne suffit pas. Développer une véritable politique pour les enfants handicapés, c’est aussi maintenir et développer les sections d’AIS (SEGPA et EREA) et d’intégration (UPI) qui sont les seuls réels vecteurs d’insertion et de poursuite d’études pour des jeunes en grande difficulté.
Quant aux personnels, le Président de la République semble oublier l’existence, au sein des équipes éducatives, des non enseignants. Pas un mot sur leur dévouement, rien sur la dégradation continue de leurs conditions de travail… Rien sur une véritable revalorisation financière des carrières, alors que les personnels connaissent de fortes pertes de pouvoir d’achat.
Il est difficile de croire à la « revalorisation du métier d’enseignant » alors que plus de 11 000 postes seront supprimés à la rentrée prochaine, 22 000 l’année suivante, que les recrutements seront réduits, qu’il est demandé de travailler plus en rémunérant uniquement en heures supplémentaires, sans revalorisation de salaire, avec un plus grand nombre d’élèves, – puisqu’il est envisagé de réduire leurs horaires-, et que, dans le même temps les garanties statutaires, présentées comme un « carcan » qu’il faut « ouvrir », seront réduites, laissant la place à la précarité. Les charges de travail des personnels, enseignants comme non enseignants, s’accroissent, et le budget de l’Éducation, lui, va décroître, participant au désengagement de l’État du service public.

Refonder l’École de la République, ce n’est pas réduire ses moyens alors que les communes sont contraintes de dépenser plus pour les écoles privées, au risque de relancer la guerre scolaire… Ce n’est pas non plus laisser partir à la rue tous les ans 200 000 élèves sans aucun diplôme. Refonder l’École de la République, c’est accueillir tous les élèves au sein d’un service public et laïque d’éducation proposant des formations leur permettant une intégration professionnelle, économique et sociale réussie au sein de la société. C’est offrir à tous les mêmes possibilités d’insertion sociale pour que l’École de la République remplisse son rôle de garante de l’égalité des chances et de l’égalité des droits.

Syndicats EIL Fédérés Unitaires

Nos camarades s’inquiètent de la déclaration présidentielle :  » nul ne doit entrer en 6e s’il n’a pas fait la preuve qu’il était capable de suivre l’enseignement du collège », la considérant comme une menace de sélection.
Ils ont tort, à plusieurs égards.
Ils ne reflètent pas le sentiment des enseignants, qui dans leur immense majorité, au contraire, seraient extrêmement heureux que le système scolaire soit plus rigoureux, ne laisse pas passer en sixième 40% d’élèves incapables de comprendre un texte simple (voir ci-dessus), et voués à l’échec.
Mais ce n’est pas ainsi que cela se passe : la réalité de l’organisation scolaire, des textes réglementaires, des processus d’orientation et de passage de classe, sont tout le contraire du discours présidentiel, qui n’est donc qu’un tissu de mensonges. La seule réalité palpable pour les enseignants, c’est la façon dont on leur intime l’ordre de faire passer les élèves quel que soit leur niveau (qui ne monte pas …), parce que la logique du système, depuis la rapport Andrieu qui a précédé la loi Jospin (non abrogée, mais poursuivie par la loi Fillon), est de supprimer les redoublements sous prétexte qu’ils coûtent cher. En ces temps de volonté de restriction du nombre d’heures de cours, du nombre de fonctionnaires (voir un autre passage de la lettre présidentielle), seuls les gogos crédules croiront la fable « nul ne doit entrer en 6e s’il n’a pas fait la preuve qu’il était capable de suivre l’enseignement du collège ». Aucun enseignant en exercice conscient de ce qui se passe en conseil de classe et de la façon dont son avis est tenu pour nul, ne peut réagir autrement que par un éclat de rire – et d’indignation du mensonge.
Ce n’est pas cette poursuite de la dégradation de l’enseignement qui va aider les élèves à mieux s’instruire, à mieux comprendre.
Le reproche que nous formulons contre la lettre présidentielle n’est donc pas du tout de la même teneur que celui de nos camarades d’EIL.


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