Dans un article du Figaro daté du 29 octobre 2009, Xavier Darcos s’interrogeait à propos des programmes d’histoire : «Est-ce qu’il ne faudrait pas qu’une bonne fois pour toutes ce que nous considérons comme devant être enseigné aux élèves soit prescrit par la représentation nationale?». Confier à l’Assemblée nationale le soin de déterminer ce qui doit être enseigné aux élèves, notamment « dans les matières sensibles », voilà qui aurait le mérite de régler les problèmes auxquels les spécialistes sont confrontés et de trancher les débats dans lesquels ils épuisent leur énergie !

Cette proposition incongrue est-elle l’expression de la mauvaise foi ou de l’ignorance ? On est en droit de s’interroger. Xavier Darcos balaye d’un revers de main un principe qui est au fondement de l’école républicaine : pour protéger l’école du pouvoir politique, il faut laisser aux spécialistes de chaque discipline le soin de déterminer le contenu des programmes scolaires. Ce principe n’est pas nouveau : il fit l’objet, au moment de la Révolution française, d’un vif débat qui opposa Marat et Condorcet. Aux yeux de ce dernier, « la puissance publique ne peut […] sur aucun objet, avoir le droit de faire enseigner des opinions comme des vérités ; elle ne doit imposer aucune croyance » (Premier mémoire sur l’instruction publique).

Confier cette tâche au pouvoir politique revient non seulement à confondre opinion et savoir, mais aussi à exposer l’école aux modes et aux préjugés. Dans le système actuel, où les commissions de spécialistes sont chargées de déterminer les contenus d’enseignement, ceux-ci ne sont pas à l’abri des modes, des préjuges ni de l’idéologie dominante. Mais que serait-ce s’ils étaient directement confiés au pouvoir politique ? Pour se convaincre des dérives auxquels une société s’expose en laissant l’Etat prescrire ce qui doit être enseigné, il suffit de regarder ce qui se passe outre-atlantique : dans certains Etats américains, le créationnisme est aujourd’hui enseigné au même titre que la théorie darwinienne de l’évolution.

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