Evidemment, aux côtés d’Ashoka et de « Teach for France » on retrouve… Coexister et Samuel G.

 Coexister ! Coexister ou la laïcité non laïque. Dans une parfaite confusion entre laïcité et dialogue inter-religieux, cette association qui réduit la liberté à la simple liberté religieuse s’acoquine avec Ashoka. Tout est dans le symbole… Où sont représentés les humanistes athées et les agnostiques ? Est-on sommé de dévoiler son option spirituelle pour espérer faire parti de la grande famille des élus, des saints, des « changemakers », pardon, « acteurs de changement » ? Pourquoi devrait-on réduire un être humain à son option spirituelle ? Et enfin, à quoi rime cette vue de la société en juxtaposition d’options spirituelles, pour ne pas dire communautés ? Ceci n’est pas le modèle français de l’universalité, encore moins l’idée du citoyen ! Mais à bien y réfléchir, pas de surprise… En effet, nulle surprise qu’Ashoka et Coexister s’accordent si bien. Proposant pour ses affaires une sorte de spiritualité du changement perpétuel, la multinationale n’a plus besoin d’individus mais de « changemaker », ancrés dans un grand rien éthique prompt au profit. Ersatz de la toile, branchés et connectés, survolant les cultures dans la tolérance et l’approximation, ces « followers » s’aliènent à la superstructure et développent surtout… L’empathie. Pendant que ce monde s’apprête à faire basculer le nôtre, le citoyen est libre et l’universel de notre laïcité reste spirituellement neutre, ne converti personne et surtout, n’a rien à vendre…
Oh mais pardon, j’ai oublié de faire les présentations. Vous avez aimé TFF ? Vous adorerez Ashoka une Entreprise Sociale et Solidaire qui vise à remplacer les États par des groupements de multinationales.

À chaque peau d’adolescent son acné, à chaque projet « innovant » en marche, son « ESS ». On ne manquera pas de relever le parfait oxymore : ESS pour Entrepreneuriat Social et Solidaire.
Est-ce le rôle d’une entreprise d’être sociale et solidaire ? Peut-elle et doit-elle se charger d’une prérogative assurée par notre République ?
Sociale et laïque, comme le précise l’article 1 de notre Constitution, notre République est génératrice d’un espace universel vitalisé par la solidarité ; de chacun selon ses capacités pour chacun selon ses besoins. La solidarité s’applique pour tous avec égalité, qu’elles que soient les conditions de revenus et indépendamment de la rentabilité de l’action. Ainsi la République sociale est présente partout où les citoyens en ont besoin et pas seulement là où le créneau est porteur. Détachée de la sempiternelle angoisse de la compétitivité, l’égalité sociale vient donner chair et vie à notre association politique pour le plus grand bénéfice de tous. Par son caractère universel, elle est d’intérêt public donc assurée par un service public. Rien de plus logique.
Comment une entreprise qui a pour but le profit, pourrait-elle assurer avec constance un tel objectif ? Créer de l’emploi est déjà trop lui demander, même lorsqu’on octroie à certaines des milliards d’euros d’aides indispensables… Quant à garantir l’égalité sociale, on n’ose imaginer… Bien sûr, l’entreprise n’est pas « méchante », « mauvaise », encore moins inutile à la société. Il ne s’agit pas de vanter les uns pendant que l’on fustige les autres et d’opposer bêtement public/privé mais plutôt de veiller à ne pas substituer à l’intérêt général de solidarité, l’intérêt financier. Du reste « entreprise » est un mot très vaste, Ashoka et les autres ESS sont des multinationales qui n’ont rien à voir avec la majeure partie des PME/TPE. Mais ne nous méprenons pas ; si l’action entrepreneuriale peut parfois servir l’égalité sociale, jamais elle ne sera son but premier qui était, reste et restera le profit.
Est-ce qu’une entreprise pourrait aider le service public, comme le propose en apparence TFF,
à l’endroit où il est défaillant ?
D’abord, les carences du service public pourraient être palliées par le service public lui-même. Ensuite, demandons-nous qui cause ses défaillances et à qui profitent-elles ? Enfin, pour l’ESS et Ashoka en particulier, il s’agit plus d’un « ju juitsu » que d’une aide au service public ; c’est à dire, un retournement de société qui vise à remplacer l’Etat par l’entreprise tout en empêchant la moindre possibilité de penser autrement((voir l’article: « L’état se retourne contre le peuple »)).

D’un côté on étrangle le budget des fonctions publiques, de la Sécurité Sociale et de l’autre on prépare l’invasion et la destruction du public par l’ESS. D’un côté les forces du capitalisme broient tout ce qui ne leur sert pas (service publique, sécurité sociale, laïcité, liberté, égalité, etc…) pendant que de l’autre, elles proposent leurs solutions pour s’enrichir en donnant l’impression de régler les problèmes qu’elles ont elles-mêmes causés.
Aussi, on ne peut qu’être inquiet de la politique qui autorise des Teach For France et autres Ashoka à se développer. Surtout quand l’école publique et le service public, territorial, bref, tout ce qui participe à l’action sociale, sont en état de coma dépassé… A chacun sa spécificité et nos intérêts économiques et sociaux seront bien gardés. Surtout quand c’est l’école qui est visée. L’école, lieu même de la naissance du citoyen… Ou ici, du « changemaker ».
Bien sûr la laïcité oblige le service public à la neutralité qui protège la liberté de conscience au sein de cette institution clé de notre République. Ce fut d’ailleurs les combats de Jean Maçé, des lois Goblet de 1882 et Ferry 1886-1888 qui proposèrent à l’esprit une autre source de savoir que le dogme religieux catholique. Mais ne croyons pas un instant que la neutralité de l’école et la Séparation de 1905, même inscrite dans la Constitution, voulues et défendues par les laïques, soient inamovibles…

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Ce document est d’autant plus inquiétant qu’il émane de l’Institut Montaigne, Think Tank ouvertement néo libéral qui eut sur ses bancs la majeure partie du pouvoir en place. Son Directeur, M. Laurent Bigorgne, qui avait contribué à lancer TFF, était même pressenti pour être … Ministre de l’éducation nationale. Pas de hasard.
Plus de laïcité donc plus de neutralité et l’idéologie d’Ashoka pourra s’engouffrer de plus belle dans le système scolaire. Qui arrêtera le ippon du « ju juitsu »((« Depuis deux ans Ashoka™ applique son jujitsu aux Etats-Unis. Le programme Youth Venture pour les ados, avec une longue expérience riche et prototypée en faisant basculer des écoles et villes individuelles, rejoint maintenant cette approche en empathie de jujitsu. » Drayton, Patron de Ashoka.))  que prépare ces ESS ? L’État ? La loi ? L’Institution ? On a mis quarante ans pour que l’«élève » des savoirs universels devienne l’« apprenant » des compétences spécifiques. Combien mettront-ils de temps pour le muter de nouveau en un « changemaker » empathique ? C’est par l’école et la Sociale que le système s’envole… Ou se pourrit.
Ceci met en évidence deux conceptions de société diamétralement opposées qui invitent sans le dire à faire un choix. Soit une République démocratique, laïque, indivisible et sociale, soit une société néolibérale. Les deux sont inconciliables et tout l’art de ceux qui veulent imposer le capitalisme globalisé, va être de paraître ouvert, tolérant, neutre, apolitique, empathique et de sembler défendre la première pour mieux faire passer l’autre…
N’empêche qu’à la lecture de ce document, on sait qui est l’ennemi de la République démocratique indivisible laïque et sociale. Une fois de plus, le libéralisme essaie de prendre de court pour écraser ce système français qui lui résiste. Pour cela, il se sert des politiques austéritaires et de la vision très anglo-saxone d’une société communautaire. Tant que le peuple ne se pense pas en bloc unit et fraternel ayant pour intérêt la solidarité universelle, il approuve ces changements de paradigme présentés comme nécessaires pour la conservation du modèle Républicain. Ils sont du reste basés sur le nombrilisme, habilement confondu avec le respect de la personne humaine. Et pourtant, comment peut-on prétendre respecter autrui sans lui donner tous les éléments pour se libérer ?

En attendant, ce document se sert des communautés pour justifier l’abrogation de 1905 et de la Constitution qui va avec et permettre ce « ju juitsu », cheville ouvrière du changement. Il faut donc les attaquer sur le fond, et les emmener là où ils ne veulent pas aller. Car enfin, mesure-t-on à quel point le néolibéralisme exclut et contribue à accentuer le divorce entre la République et le peuple ? En quoi l’Islam serait-elle incompatible avec la République ? N’est-ce pas l’impôt de tous (21 milliards d’euros) qui devra subventionner une religion particulière ? Plus grave ; la confusion entre l’Islam, que l’on réduit sans doute à l’UOIF des Frères musulmans, et l’islamisme qui effectivement est incompatible avec la République. Il est vrai que ces derniers –UOIF- ont le vent en poupe à Matignon. Ils en profitent alors pour redoubler de bigoterie en réclamant leur droit à la différence, comme s’il était bafoué, pour mieux obtenir la différence des droits. Les communautaristes religieux, baba-bobos de Coexister et néolibéraux poussent dans le même sens : ils veulent détruire 1905 et ce faisant la laïcité… Les uns se font les idiots utiles des autres dans une offensive très cohérente.

Le savoir-être décomplexé des ESS par l’empathie c’est à dire le dressage de nos enfants comme « changemakers » est ce qui a déjà retourné des villages entiers aux USA. Tout a commencé parce que le peuple a laissé dire que « l’instituteur qui délivre un savoir c’est terminé ». C’est ce que nous apprend le Directeur de l’école Ashoka « Emile Zola » publique, autorisée par le Rectorat… Il est invraisemblable qu’un fonctionnaire puisse tenir, en sa qualité de fonctionnaire, de pareils propos !
Malgré tout, la neutralité du service public retient encore ces poussées irrésistibles mais elle nécessite un combat. Il est à craindre que l’Institut Montaigne soit écouté à l’heure où « l’éducation nationale, n’est plus vraiment de la fonction publique qui préfère mener ses actions de son côté ». Ce propos nous est rapporté par un syndicat((le SNALC)) et fut relevé lors d’une table ronde sur le service public dans le Ministère du même nom…
Alors continuons le combat et controns ce « ju jiutsu » par notre bonne vieille boxe française savate : où sont les contrats passés entre Ashoka, Teach For France et l’Académie de Créteil ? Tout nous laisse à penser, compte tenu des réticences pour nous les montrer, qu’ils ne doivent pas être de la poudre de perlinpinpin…

  • L’UFAL demande que les contrats passés entre Ashoka, TFF et les Académies soient rendus publics.
  • L’UFAL insiste fermement : les missions de service public doivent être assurées par l’Etat et lui seul, qui doit mettre en place le budget suffisant pour les maintenir.
  • L’UFAL condamne les manœuvres des cercles d’influences et autres associations communautaires qui visent à remettre en cause la loi de 1905.

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