Quand l’agence Moody’s nous met au piquet avec le « bonnet d’âne », pourquoi l’accepter ? Toutes les questions relatives aux jeux de pouvoir et aux systèmes d’influences qu’un citoyen lambda serait susceptible de se poser pourraient trouver un début de réponse clairvoyante dans ce livre : La France est « sous » influences venues d’ailleurs…
Pourquoi la France se soumet-elle aux agences de notations ? Pourquoi vouloir sacrifier son industrie et son système social sur la base de « croyances » ? (assénées comme des « absolus » à en rendre jaloux les grands inquisiteurs d’antan).

En ce 21 juillet, tombe une dépêche de l’AFP : « Moody’s dégrade les hôpitaux français », rapportée par le Figaro. Ainsi nos Centres hospitaliers régionaux universitaires (CHRU) sont mis sous « surveillance négative » et voient leur note abaissée de « Aaa » à « Baa1″… tandis que les Centres hospitaliers universitaires (CHU) voient leur note rétrogradée de « Aaa » à « A1 » et sont eux aussi placés sous « surveillance négative ». Comme l’expliquait antérieurement le Figaro : « La mise sous surveillance négative signifie que Moody’s peut abaisser à nouveau cette note dans les trois mois qui viennent. » Toujours dans le Figaro, on comprend que cette situation ne va « qu’empirer puisque l’objectif de retour à l’équilibre en 2017 se traduira par des contraintes budgétaires sur les transferts de fonds publics vers le secteur hospitalier », estime Moody.
Ainsi, les marchés, les nouveaux dieux, auraient décidément pour cible ce qui reste de public dans le système de santé français (réputé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme le meilleur au monde) et qui devrait, on le devine, laisser la place aux investisseurs privés. Dans la casse actuelle de la France et de l’Europe, tout y passe.
Cette nouvelle du jour illustre l’absurdité et le danger de ce système d’influences venues d’ailleurs dont parle si bien Claude Revel.

Claude Revel, femme de tête, entrepreneur, écrit un livre remarquable, extrêmement bien documenté, qui montre un aspect le plus souvent occulté de la discussion en politique : l’organisation de systèmes d’influences, ces réseaux qui vont depuis la gestion des individus en temps ordinaire jusqu’à la gestion des gestionnaires eux-mêmes : puisque nos gouvernants se plient eux mêmes, par leur volonté propre, à ces diktats « venus d’ailleurs ».
C’est un livre qui démontre, qui explique, explicite, décortique, le monde en apparence devenu irrationnel des décideurs de notre époque. Un livre qui rappelle ce que « veille économique » signifie, et nous alerte sur l’urgence d’un sursaut.

Claude Revel nous dit : « L’UE, qui est une des zones les plus riches au monde, est en train de brader sa richesse sur l’autel des marchés sous l’effet d’une crise mal anticipée. Elle est sous influence extérieure, celle des grands acteurs financiers et parfois industriels de niveau mondial, autrement appelée “les marchés”, force autonome, qui a en partie échappé à son lieu de naissance, les États-Unis, mais soutenue par les agences de notation et les institutions de Bretton Woods (FMI et Banque Mondiale) » (p. 143).

Dans une autre partie du livre, Revel démonte le mécanisme d’influence très néolibéral du Groupe de la Banque Mondiale ayant publié le rapport « Doing Business » qui classe les États et dont le but est (elle cite le rapport p. 92) « d’encourager les réformes par le biais d’une classification des pays, d’éclairer sur les modèles de réforme ».
Elle explique : « Une équipe interne d’économistes dirigée par Andrei Shleifer et issue du département d’économie de Harvard (ce nom renforçant la crédibilité) a ainsi créé un groupe “Law and Finance” (…) et a décidé de mettre en application ses théories très libérales, à savoir que le droit est un facteur clé de l’économie, qu’il peut être évalué par des techniques économétriques et, surtout, que la règle de droit d’origine étatique impacte négativement l’économie et renforce la méfiance. En examinant les critères de ce classement. Il apparaît en effet que la qualité principale d’un État est d’avoir la législation la plus légère possible. (…) Le meilleur risque se trouve là où il y a le moins de réglementations, notamment sociales. »
En terme d’analyse d’influence, « la crédibilité de la Banque mondiale est ainsi utilisée pour faire passer une vision idéologique (…) et ce classement devient incontournable », comme le classement Parker des vins, dit Revel qui explique que les représentants de la France même ont découvert ce classement en 2004 sans avoir même été au courant de ce qui se préparait.

Ainsi donc, Revel écrit : « L’UE (…) et ses Etats membres auront perdu tout contrôle sur leurs richesses essentielles – industrielles et culturelles. Celles-ci appartiendront à des acteurs internationaux qui décideront de leur développement selon leurs intérêts et non selon ceux des citoyens de l’UE. (…) La France elle-même abandonne silencieusement, mais sûrement son acquis de modèle mixte, avec les privatisations de ses secteurs publics, les uns après les autres, ouvertes (énergie) ou rampantes (missions économiques à l’étranger, Sécurité sociale) ou encore les « rationalisations » (hôpitaux), la moindre prise en compte de l’aménagement du territoire. (…) Il est vrai que ce mouvement est souvent aidé par des corporatismes tellement archaïques qu’ils en deviennent le meilleur argument des ultralibéraux. ».

« Les influences du Consensus de Washington ont été magnifiquement relayées en Europe par des leaders politiques comme le Britanique Peter Mandelson, le Néerlandais Neelie Kroes, et, en France, Christine Lagarde. (…) Le résultat est que l’UE adopte des règles et pratiques venues d’autres systèmes visant établir un monde qui n’est pas le sien. »
Campagnes de dénigrement systématique à l’encontre de toute tentative divergente de la pensée majoritaire libéralo-morale. L’UE est un lieu ouvert à toutes les influences avec près de 20 000 lobbyistes, dont la moitié d’origine américaine.
Plus loin, Revel mentionne « Finance Watch » comme une manifestation bienvenue de résistance.

On peut penser que le député Pascal Canfin, qui a par le passé beaucoup contribué à Finance Watch et a récemment été nommé ministre délégué au Développement auprès du ministre des Affaires étrangères, a fort à faire actuellement.

Ce livre est également fort utile pour comprendre la tempête qui sévit actuellement dans le domaine de la gouvernance mondiale en santé : réforme de l’OMS aux forceps, remplaçant un système onusien inter-étatique par une forme hybride faisant la part belle au secteur privé et se réorganisant autour de l’idée d’évaluation et de monitoring constant – avec licenciements massifs dans l’ensemble des grandes organisations de la santé (OMS, Fonds mondial, etc.) ciblant les personnes les plus adeptes de la santé publique… ; montage américain pour se débarrasser de l’influence française sur le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme avec le « micro scandale » monté contre Michel Kazatchkine pour se débarrasser de ce qui reste d’influence française dans la santé internationale.
On retrouve dans la terrible réalité onusienne, exactement ce que dit Revel, la France (pourtant pionnière mondiale dans la santé, à tous les niveaux, depuis un siècle,) totalement dépassée par les événements.

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