L’UFAL dénonce l’élection du professeur de théologie catholique Michel Deneken à la présidence de l’Université PUBLIQUE de Strasbourg.
Si rien ne paraît empêcher un prêtre d’exercer des fonctions publiques dans l’enseignement supérieur, encore faut-il qu’il ait les qualités et diplômes requis — ce qui fut le cas d’illustres savants, en astrophysique, biologie, ou préhistoire, notamment. Or Michel Deneken ne peut se prévaloir que de ses diplômes en théologie catholique, et d’un titre de professeur d’université, qu’il ne doit qu’au cadre unique et dérogatoire de la « faculté de théologie catholique de Strasbourg ». Cet établissement, seul exemple en France, est intégré à l’Université publique de Strasbourg grâce au « statut local des cultes » d’Alsace-Moselle. L’UFAL milite pour que le Concordat, survivance d’un autre âge, atteinte permanente à la liberté de conscience et à l’égalité des citoyens, soit aboli et le « droit local des cultes » harmonisé avec le droit commun de la République laïque.
La faculté de théologie catholique de Strasbourg délivre notamment des « diplômes en droit canonique » (reconnus par les accords France-Vatican de 2008 que l’UFAL a dénoncés). Or ce « droit » strictement privé ne s’applique qu’à l’intérieur de l’Église catholique, et ne peut qualifier que ses prêtres et ses agents laïcs. Il n’a aucune valeur d’intérêt général. Fondé sur des dogmes spirituels particuliers et placé sous le contrôle idéologique de la hiérarchie ecclésiale, il ne saurait être considéré comme un savoir objectif et rationnel, contrairement aux disciplines universitaires. Tout au plus mérite-t-il d’être étudié et comparé comme objet de savoir par les (vraies) sciences sociales et humaines.
Encore plus grave, c’est la Constitution apostolique « sapientia christiana » du 29 avril 1979 sur les Universités et facultés ecclésiastiques, qui s’impose aux établissements tels que la « faculté de théologie catholique de Strasbourg » et conditionne leur reconnaissance par le Pape. Extrait :
Article 39 –
1) Conformément aux normes du Concile Vatican II, en fonction de la nature de chaque Faculté :
1. une juste liberté sera accordée à la recherche et à l’enseignement de façon à obtenir un véritable progrès dans l’étude et la compréhension de la vérité divine ;
2. en même temps, il est clair que :a) la véritable liberté dans l’enseignement est nécessairement contenue dans les limites de la Parole de Dieu, comme professé constamment par le Magistère de l’Église ;
b) de même, une véritable liberté dans la recherche est nécessairement fondée sur une ferme adhésion à la Parole de Dieu et un respect du Magistère de l’Église, à qui revient l’interprétation authentique de la Parole de Dieu.2) En conséquence, sur des questions d’une telle importance, l’on se doit de procéder avec prudence, confiance, et sans provoquer de soupçons, en même temps qu’avec esprit de jugement et sans témérité, en particulier dans l’enseignement, tout en travaillant à harmoniser avec soin les nécessités de la science avec les besoins pastoraux du Peuple de Dieu.
C’est la négation de la liberté de l’enseignement et de la recherche, et l’infraction permanente à la loi française qui dispose (art. L141-6 du Code de l’éducation) : « Le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ».
En clair : si les activités de la faculté de théologie de Strasbourg ne respectent pas les ordres du Vatican, ses diplômes ne seront plus reconnus ni labellisés « catholiques ». Voilà les orientations idéologiques auxquelles M. Deneken, nouveau président de l’Université de Strasbourg, est obligé de se soumettre en tant que « professeur de théologie catholique » ! Il se trouve en conflit d’intérêts permanent.
L’UFAL dénonce cette nouvelle atteinte au principe de laïcité, à la liberté de conscience, de recherche et d’enseignement. Cette élection d’un théologien à la présidence d’une Université publique doit être annulée comme illégale.
11 commentaires
La similitude suivante est-elle objective…?
C’est un peu comme si l’on nommait un pédo………….avéré enseignant à des enfants de cinq ans….?
Un curé à la tête d’une université, c’est une situation qui est parfaitement possible puisque la loi de 1905 ne s’applique pas en Alsace / Moselle. Un curé peut occuper ce poste comme, je suppose, être directeur d’une école, d’un collège ou d’un lycée, d’un hôpital… Est-ce que ceux qui s’insurgent aujourd’hui se prononcent clairement pour l’abrogation du statut particulier d’Alsace Moselle comme le fait la FNLP (dont je suis membre) depuis des lustres ? C’était d’ailleurs l’objet du meeting du 5 décembre 2015 à Paris : abrogation du statut d’Alsace Moselle ( des statuts particuliers de Guyane et d’ailleurs) et abrogation de la loi Debré et de toutes les lois antilaïques.
Pour être clair :
Séparation des Eglises et de l’Etat sur tout le territoire administré par la République
Argent public à l’école publique
Rétablissement du principe de collation des grades par l’Etat : abrogation des accords Kouchner / Vatican
Abrogation de la loi Peillon dite des rythmes scolaires qui livre l’école de la République aux dames patronnesses au travers des TAP
Vous devriez mieux lire les publications de l’UFAL, qui a notamment lancé une pétition pour l’abrogation du statut concordataire (à laquelle notre article renvoie d’ailleurs). Conseillez d’en faire autant à vos amis de la FNLP qui, ignorant volontairement ce que nous écrivons, ont choisi d’insulter publiquement l’UFAL (et moi-même) à propos de la loi travail…
Je trouve « l’indignation » de l’UFAL, relative à la nomination de M Michel Deneken quelque peu surfaite .
En premier lieu, lui contester cette place au motif qu’il ne disposerait de diplômes qu’au rabais, relève du réflexe corporatiste. Les « illustres savants » convenablement diplômés qui ont occupé ce poste n’en étaient pas moins épris, éventuellement, de convictions pas forcément des plus laïques. En cette matière seules comptent la force morale et l’honnêteté intellectuelle tournées vers l’intérêt général.
Le procès d’intention fait à Michel Deneken me paraît relever des « Hauteurs béantes » chères à Zinoviev.. D’autres combats, de meilleure cause, émancipateurs, sont à mener.
En second lieu, Michel Deneken est un intellectuel véritable, un homme de qualité. Je l’ai entendu un jour sur le thème de la « traduction ».
J’ai bien remarqué que l’on citait des sciences dures en laissant de côté la littérature par exemple. Ceci est-il significatif ?
Enfin, les membres de l’université qui ont l’heur de se prévaloir du statut d’intellectuel s’opposeraient, j’en suis sûr, eux qui savent si bien jongler avec les armes conceptuelles, à toute dérive cléricale constatée et sauraient remettre si je puis dire l’église au milieu du village.
Il n’y a strictement aucun procès d’intention : il faudrait mieux lire ! Il n’est même pas reproché à M. Deneken d’être prêtre. Il est simplement constaté qu’existe un CONFLIT D’INTERET, intellectuel et idéologique, entre la situation de président d’une université publique dont la laïcité protège la recherche et l’enseignement, et celle de diplômé sui generis d’une « discipline » purement privée, soumis aux conditions imposées par le « magistère de l’Eglise ». Un homme d’une telle hauteur de vue ne pouvait qu’en être conscient…
il n’a jamais été question Vous interprétez tout en n’importe quoi.
« La faculté de théologie catholique de Strasbourg délivre notamment des « diplômes en droit canonique » (reconnus par les accords France-Vatican de 2008 que l’UFAL a dénoncés). »
En fait à Strasbourg les diplômes de théologie sont des diplômes d’État bien avant les accords de 2008. Il s’agit d’une Convention entre l’Empire d’Allemagne et le Vatican de 1902, validée par la République en 1923…
Cette Convention prévoit notamment que «La nomination des professeurs se fera après entente préalable avec l’évêque. Avant d’entrer en fonctions, les professeurs auront à faire la profession de foi entre les mains du doyen, suivant les formes et règles de l’Église. […] Si la preuve est fournie par l’autorité ecclésiastique qu’un des professeurs doit être considéré comme incapable de continuer son professorat soit pour manque d’orthodoxie, soit en raison de manquements graves aux règles de vie et de conduite d’un prêtre, le Gouvernement pourvoira, sans délai, à son remplacement et prendra les mesures propres à faire cesser la participation dudit professeur aux affaires confiées à la faculté»…
Merci à Michel Seelig de ces précisions historiques. Elles ne font que souligner le scandale d’une situation qui donne tout pouvoir au « magistère de l’Eglise » de faire la loi à l’université publique !
L’UFAL peut donner l’impression de découvrir l’eau chaude. Il serait prudent de tenter d’éviter cet effet. Les religieux ont toujours agi contre la dignité humaine. Leurs doctrines sont fondamentalement attentatoires à cette dignité. Leurs stratégies ne font qu’appliquer aux structures sociales, administratives et juridiques, le vieux principe de l’entrisme. En terre de France, les catholiques gangrènent tranquillement les sphères de la vie publique où des amitiés, des accointances et des alliances sont devenues avec le temps, des nécessités à renouveler. En voisinage plus protestant, le même comportement continue de valoir. D’autres ne feront que suivre. Si, dans nos sociétés, officiellement laïques, nul ne parvient à maintenir les religions, les religieux, et leurs fidèles dans la stricte sphère des affaires privées, alors, on verra comme il a été dit, se détricoter peu à peu le tissus même des dispositions qui étaient sensées préserver la laïcité. Le clientélisme, l’électoralisme, unis, feront que comme l’observait Emmanuel Kant : la paresse et la lâcheté sont les deux principes qui font qu’un si grand nombre d’hommes placent les décisions de leur vie et de leur histoire aux mains de gens qui sont incapables d’assumer leur humanité, au point de la considérer comme une tare existentielle. La contingence est terrifiante pour qui ne peut et ne veut se hisser à la hauteur de ce que promet l’humanité. Et cela va continuer de plus belle, au-delà de la nausée.
Ne confondons pas l’eau chaude et l’eau bénite, s’il vous plaît. Le problème n’est ni la religion en général, ni même qu’un universitaire puisse être prêtre (ce qui est admis). Il est que l’universitaire en question ne possède que des titres purement privés qui n’ont aucune valeur scientifique, d’une part ; d’autre part, et surtout, qu’en tant que détenteur de ces titres il est entièrement soumis à l’autorité du Saint-Siège, comme le rappelle la constitution que nous citons.
Un point de Charles Arambourou sur ce fameux statut et quelques précisions : http://www.ufal.org/laicite/election-dun-professeur-de-theologie-catholique-a-la-presidence-dune-universite-publique-on-nous-ecrit-dalsace-moselle/