Tribune publié le 27 juin sur le site de Libération, dont l’UFAL est signataire :
Refuser la stratégie de la peur et de l’intimidation, défendre le droit de critiquer les dogmes religieux, mettre en échec les guerres juridiques visant à bâillonner la libre parole, c’est ce que réaffirme le comité de soutien à l’essayiste Djemila Benhabib.
Pierre angulaire de notre démocratie, la liberté d’expression et son corollaire, la liberté de critiquer, sont sérieusement remises en cause au nom d’une vision falsifiée de la lutte contre le racisme, qui assimile la critique de l’islam à une forme de racisme, en la qualifiant d’«islamophobie». Ce positionnement idéologique, qui relève de l’escroquerie sémantique, concourt à imposer l’idée que la liberté d’expression serait subordonnée aux diktats des religions en général et de l’islam en particulier.
A plusieurs reprises ces dernières années, les démocraties ont rappelé que la liberté d’expression était un droit inaliénable. Pourtant, aujourd’hui nombre de penseurs, d’intellectuels, d’écrivains, de journalistes et de militant(e)s féministes et laïques font l’objet de graves persécutions, voire de menaces de mort en raison de leur détermination à user de ce droit. Cette tendance prend une orientation dramatique s’agissant du monde dit musulman où la séparation des pouvoirs politiques, religieux et judiciaires est un enjeu fondamental qui oppose, à l’heure actuelle, des démocrates aux islamistes et aux régimes autoritaires ou dictatoriaux.
C’est le 14 février 1989, avec la publication du roman de Salman Rushdie les Versets sataniques, que l’opposition frontale à la liberté d’expression prend une tournure des plus terrifiantes en se transposant sur la scène européenne. L’ayatollah Khomeiny appelle tous les musulmans à tuer le romancier anglo-indien accusé de blasphème. Désormais, la stratégie des islamistes consiste à éliminer par tous les moyens leurs opposants. C’est dans ce contexte qu’il faut situer la condamnation à mort de Taslima Nasreen (1993), l’assassinat de Theo van Gogh (2004), les tentatives visant le caricaturiste danois Kurt Westergaard (2005), ainsi que la tuerie à Charlie Hebdo le 7 janvier 2015.
La légitimité de la mise à mort des esprits libres est clairement revendiquée par l’islam politique. Leur élimination est programmée et se joue sur plusieurs niveaux. Le terrain juridique en est un et il n’est pas des moindres. Des poursuites judiciaires sont désormais intentées contre des militants laïques et féministes sous de faux prétextes. Cette nouvelle stratégie qui s’apparente à une «guerre juridique», s’est visiblement mise en place, afin de museler quiconque use de sa liberté de parole pour critiquer l’islam radical et tester la résistance des «cibles» et des institutions. En France, le procès des caricatures de Charlie Hebdo en a préfiguré le terrifiant engrenage. Le procès contre la crèche Baby Loup a suivi, avec ses interminables rebondissements judiciaires dont la directrice, Natalia Baleato, est sortie victorieuse, mais au prix d’un long combat.
Au Québec, Djemila Benhabib, journaliste et essayiste bien connue pour son combat contre l’islam politique en est déjà à son deuxième procès. En 2012, elle est poursuivie par une mère musulmane qui lui reproche d’avoir publié sur son blog les photos de ses deux enfants prises lors d’un concours de récitation coranique organisé à la mosquée al-Rawdah, un fief des Frères musulmans. Or, ces mêmes photos étaient déjà publiées sur le site de ladite mosquée. Djemila Benhabib a gagné ce procès sans réel objet, mais on peut imaginer ce que cela représente de pression morale et financière. Le 26 septembre prochain s’ouvrira à Montréal, un autre procès qui l’oppose, cette fois-ci, à une école islamique pourtant financée par le ministère de l’Education et qui fait du port du voile islamique une obligation à partir de la troisième année (c’est-à-dire pour des fillettes de 9 ans). Au Royaume-Uni, la militante féministe Maryam Namazie, qui mène une lutte acharnée contre les tribunaux de la charia est confrontée à des lobbies organisés au sein des campus universitaires qui viennent perturber violemment ses conférences. Cet insupportable harcèlement consiste toujours à faire passer des militants(e)s laïques pour des racistes.
Ne nous trompons pas sur les véritables motivations des auteurs de ces attaques d’un type nouveau. D’abord, il s’agit de faire régner la peur pour empêcher toute expression critique envers l’islam ou contre la façon dévoyée dont certains veulent l’imposer à d’autres. Ensuite, il s’agit de mettre une pression démesurée sur les personnes visées, pour les épuiser psychologiquement et financièrement, les ostraciser et les éliminer du débat public. Bref, les décourager de continuer à s’exprimer publiquement. C’est pourquoi nous réaffirmons avec force que les démocrates du monde entier refusent la stratégie de la peur et de l’intimidation. Il ne saurait être question de renoncer à la liberté d’expression, pas plus qu’à l’universalité des droits humains et à ceux des femmes en particulier, qui ne doivent souffrir aucune contestation ni restriction au nom de préceptes religieux ou de prétextes culturels. A nous de rassembler nos forces pour nous donner les moyens d’agir collectivement. C’est le premier objectif du comité de soutien qui vient de se constituer.
http://djemilabenhabib.com/ je-soutiens-djemila
Premières associations signataires :
Association pour la mixité, l’égalité et la laïcité (Amel), Assemblée des femmes, Clara Magazine, Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal), Coordination française pour le lobby européen des femmes (Clef), Comité Laïcité République, Egalité – Laïcité – Europe (Egale), Femmes pour le dire, Femmes pour agir, Femmes sans voile d’Aubervilliers, Femmes solidaires, Institut d’éthique contemporaine, Laïcité – Libertés, Libres MarianneS, Ligue du droit international des femmes, Marche mondiale des femmes – France, Ni putes ni soumises, Observatoire de la laïcité de Saint-Denis, Regards de femmes, Réseau féministe «Ruptures», Union des familles laïques (Ufal).
Premiers signataires individuels :
Waleed al-Husseini Blogueur, auteur, Elisabeth Badinter Philosophe, écrivaine, Gérard Biard Directeur de Charlie Hebdo, Danielle Bousquet Députée honoraire, Marika Bret DRH de Charlie Hebdo, Sérénade Chafik Militante féministe, Chahla Chafiq Sociologue, écrivaine, Nadia el-Fani Cinéaste, Caroline Fourest Journaliste, auteure, Pierre Gauthier Député au Parlement de Genève, Jean Glavany Ancien ministre, député ,des Hautes-Pyrénées, Shoukria Haidar Présidente de Negar – Soutien aux femmes d’Afghanistan, Marieme Helie Lucas Sociologue, fondatrice deSecularism is a Women’s Issue, Catherine Kintzler Philosophe, professeure émérite Lille-III, Françoise Laborde Sénatrice de Haute-Garonne, Guy Lengagne Ancien ministre, Corinne Lepage Ancienne ministre, présidente de CAP 21, Joseph Macé-Scaron Président du comité éditorial de Marianne, Laurence Marchand-Taillade Présidente de l’Observatoire de la laïcité du Val-d’Oise, Maryam NamaziéPorte-parole deOne Law for All, membre du Council of ex-muslims, Magali Orsini Députée au Parlement de Genève, Céline Pina Essayiste et militante laïque, Hubert Reeves Astrophysicien, auteur, Yvette Roudy Ancienne ministre, Boualem Sansal Ecrivain, Fatoumata Fathy Sidibé Eurodéputée, Mohammed Sifaoui Journaliste, Lisa-Marie Taylor Présidente de Feminism in London, Viviane Teitelbaum Eurodéputée, échevine, Fiammetta Venner Politologue, essayiste.
8 commentaires
N’oublions jamais que les religions ne s’opposent jamais au commerce, même dans un monde globalisé!
Si l’on faisait voter démocratiquement l’humanité entière pour valider ou invalider un texte religieux quelconque, tous sans exception seraient invalidés.
Nous en sommes arrivés à un point conflictuel tel, que nous devons réaffirmer avec force ce qui semblait logique : laïcité sans concession (pour paraphraser les islamo-gauchistes qui hurlent « contre l’islamophobie sans concession »), sans accommodements et sans arrangements.
C’est un combat non seulement militaire dans certains points du globe mais également politique (et nos hommes politique manquent de courage sur ce point) et idéologique car les intégrismes savent jouer le double jeux pour nous berner (des intellectuels et des personnes de média se font avoir plus ou moins volontairement).
Il va falloir réaffirmer des valeurs humanistes, de progrès et de démocratie pour occuper tous les terrains, y compris judicaires et pour assécher le sol où ils cultivent cette haine et cette régression.
Courage à ceux qui se battent !!!
Reconquérir une laïcité digne de ce nom, en interdisant le mariage contre- nature, religion/politique en France, que ce soient les Frères musulmans ou Civitas : Pas touche à la politique !
Et Robert Redecker????
la religion islamique utilise la laïcité(qu’elle n’admet pas par principe religieux) pour s’investir progressivement dans la sphère publique, le port du voile, les tenues islamistes pour les hommes sans que personne ne réagissent (sinon traités d’islamophobes) le coran est très clair, cette religion doit devenir la seule référence religieuse et surtout politique, la charia devra s’adresser à tous, le garni bond en arrière au 7ème siècle (les bédouins et les chameau) exit toute la société des lumières et nos acquis!
Oui et non.
Il y a aussi de la culture dans les religions et donc un sens à la communauté humaine locale à laquelle on appartient. C’est à la fois la protection et l’étau ; « en dehors point de salut ».
Ceci étant ce qui est problématique avec les rigoristes, les intégristes c’est qu’ils veulent contraindre à leur mode vie dans tous les domaines par n’importe quels moyens donc, y compris en détournant le principe de laïcité et en utilisant les voies judiciaire (NDLR : mais les juges ne sont pas obligés de suivre ou d’accepter …). Donc ce qui est en jeux et qu’il faut combattre sans concession par tous les moyens, ce sont les positions rigoristes, intégristes et ceux qui en sont volontairement ou non le vecteur (des cadres religieux, des intellectuels, …). Par contre, avec le croyant de base il faut discuter et le sortir du piège communautariste en lui proposant d’autres secteurs de lutte plus universels, extra-communautaires, porteurs de progrès et de démocratie.
C’est ce à quoi la vraie gauche aurait dû s’atteler plus tôt et qu’elle tarde encore à faire, empêtrée qu’elle est dans un repentir artificiel d’une culpabilité post-colonial qu’elle n’a pas à porter compte tenu de ses combats anti-coloniaux passés.
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