Caroline FOUREST : Génie de la laïcité (Grasset, 2016)
On ne présente plus l’auteure, pourfendeuse du thème de « l’islamophobie » depuis son « Frère Tariq ». Elle a contribué à faire la lumière à la fois sur l’islamisme sournois (de la takiyah : la dissimulation), et sur ceux qui le soutiennent au nom de la diversité, du post colonialisme, etc. Participante et soutien de Charlie Hebdo, vilipendée par les intégristes de tout bord et leurs idiots utiles, militante du mariage pour tous, elle a tout pour plaire aux vrais laïques. C’est une guerrière, une combattante de la laïcité, une cible nommément désignée des islamistes.
Notre point de divergence avec elle est suffisamment connu pour qu’on ne s’y étende pas : elle soutient la ministre de l’Éducation nationale qui admet le port de signes religieux par les adultes accompagnateurs de sortie scolaire, semant la pagaille dans les écoles. Politique oblige ? Passons…
Pour le reste, on trouvera, comme toujours, une mine de renseignements et de précisions utiles au combat laïque. Elle a puisé dans les rappels historiques de notre ami Gérard Delfau (voir notre compte-rendu de sa Laïcité, défi du XXIe siècle), elle ne s’en cache pas, et c’est une très bonne source- mais elle nous livre en prime une foule de détails sur l’actualité des dernières années et ses dessous. Autre bonne source, notre ami Eddy Khaldi, sur l’école. Décidément, on est entre amis, mais allons, ça fait du bien par les temps qui courent, de menaces violentes et de confusion idéologique.
La confusion sur la laïcité, c’est ce que Caroline Fourest a souhaité lever dans ce livre, explorant « le génie de la laïcité » comme Châteaubriand avait fait de celui du christianisme. Vaste programme, auquel elle contribue de façon efficace – même si, çà et là, on peut regretter quelques imprécisions (dont elle a d’ailleurs été informée directement) : mais on n’est pas obligé d’être juriste, car, comme elle le rappelle, « la laïcité, c’est à la fois un cadre juridique et un idéal ». Et de l’idéal, Caroline Fourest nous en donne à partager.
Vous trouverez également dans ce livre les sujets chauds : l’Alsace et la Moselle, l’entreprise privée, l’école publique (que l’on oublie trop souvent dans le dossier laïcité), et même le burkini et les horaires de piscine réservés aux femmes… Voilà qui nous change heureusement des mollasseries de l’Observatoire de la Laïcité, de la vindicte sournoise de Bauberot et consorts((À cet égard, on peut se passer de lire le « Petit manuel pour une laïcité apaisée », de Bauberot et « le cercle des enseignant.e.s laïques », qui consacre près d’un tiers de ses pages à ce combat d’arrière-garde !)) contre la loi du 15 mars 2004 réglementant le port des signes religieux par les élèves de l’école publique, ou de l’agressivité d’un Edwy Plenel –le moustachu ami des barbus- contre la « République postcoloniale ».
Laurence MARCHAND-TAILLADE : L’urgence laïque (Michalon, 2017)
Laurence est une militante de terrain, issue du Val-d’Oise, un département marqué par les compromissions des élus de tout bord avec l’islamisme politique. Son propos est donc politique, on s’en doute. Elle entend éclairer les choix de l’élection présidentielle : il n’est pas sûr que le dossier soit à l’ordre du jour des débats, si l’on excepte une heureuse sortie de Mélenchon sur TF1 le 20 mars.
Mais son expérience, et celle de son réseau, sont précieuses pour éclairer ce qui se déroule sous nos yeux, et que nous ne voulons pas voir, bien souvent. Une « déchéance de laïcité », écrit-elle en sous-titre, c’est ce qui la pousse à dénoncer les trahisons successives commises par les républicains (en général), et la gauche en particulier.
De part en part, le livre est en outre traversé par un féminisme militant, et nullement tenté par la « liberté du hidjab » : il inclut d’ailleurs en annexe la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges (1791). Sans doute un sujet qu’il faudra reprendre et approfondir, tant ses rapports avec la laïcité sont, soit occultés, soit niés : Laurence y trouvera tout notre appui.
Si l’on peut regretter quelques approximations (l’urgence ?), que nous lui avons d’ailleurs signalées, on aimera la lecture aisée et stimulante de cet ouvrage.
« Sans la liberté de blâmer il n’est pas d’éloge flatteur » (Beaumarchais).
Nous blâmerons donc dans ces deux ouvrages un identique défaut. Evoquant l’affaire Baby-Loup, qui a vu se manifester nos deux auteures, comme l’UFAL et tous les vrais laïques, pour la défense de la crèche de Natalie Baléato, aucun des deux livres ne conclut sur la décision définitive de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 25 juin 2014. Aucun ne la commente ! Tous deux s’en tiennent à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris (2013), dont l’argument sur « l’entreprise de tendance » a pourtant été rejeté par la Cour de cassation !
Pourquoi cacher à ses lecteurs les enseignements véritables de l’arrêt du 25 juin 2014 ? Etait-ce pour en venir à l’amendement de Françoise Laborde et Jean Glavany à la Loi El Khomri, introduisant le « principe de neutralité » dans le code du travail (art. L.1321-2-1) ? Outre que ces deux laïques confirmés n’ont pas besoin de soutiens, rien ne dit que cet article soit constitutionnel, ni conforme aux conventions internationales. Il eût mieux valu engranger l’apport de l’arrêt Baby-Loup. Rappelons au demeurant que la Cour de justice de l’Union Européenne vient encore d’enrichir la matière, comme nos lecteurs le savent.
Chère Caroline, chère Laurence, les médias de l’UFAL (ufal.org, « Ufal-Info ») sont à votre disposition, comme à celle de tous les militants de la laïcité.
10 commentaires
En effet deux belles publications très précieuses et à recommander.
C’est étrange l’oubli que souligne C Arambourou dans les deux ouvrages, mais quoi qu’il en soit sur le cas d’espèce Babyloup ce qui compte in fine c’est le dernier arrêt de la Cour d’appel qui a clos le litige et qui dans mon souvenir a fait un étrange salmigondis de différents motifs pour valider le licenciement…
Pour ce motif de confusion prétorienne, pour ma part je salue l’initiative législative de 2016 qui, conforme à l’article 9-2 de la CEDH, n’a pas été censurée par le Conseil Constitutionnel quand la loi du 8 août 2016 lui a été déférée… On rappelle que lors de son examen de la constitutionnalité d’une loi qui lui est déférée, le CC est fondé à examiner tout article même non critiqué devant lui par les députés ou sénateurs requérants et, en l’occurrence, il ne l’a pas fait. Et il a recours à une sorte de formule sacramentelle pour indiquer qu’il n’a rien relevé, ce qui a été le cas dans la décision rendue sur la loi du 8 août 2016 par son considérant 47 (Cf. http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2016/2016-736-dc/decision-n-2016-736-dc-du-4-aout-2016.147742.html).
Si certains islamistes et consorts veulent perdre leur temps à reposer des QPC sur une disposition récente non censurée, grand bien leur fasse.
Là vous me permettrez de ne pas être d’accord, cher François. Ce qui a clos l’affaire Baby-Loup, c’est bien la décision de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 25 juin 2014, commentée sur ce site. La neutralité prévue pour les salariés au règlement intérieur est validée dès lors qu’ils sont tous en contact avec les enfants et les familles. Mais Baby-Loup n’est pas une « entreprise de tendance ». Le « salmigondis » de la Cour d’appel de Paris n’a effectivement pas été retenu.
Par ailleurs, il n’est pas exact que l’art. 2 de la loi El Khomri (art. L 1321-2-1 code du travail) ait été jugé constitutionnel. Non seulement le Conseil ne l’a pas examiné (car il ne lui était pas déféré), mais il a explicitement indiqué qu’il se réservait d’apprécier, à l’occasion de QPC, la constitutionnalité de l’ensemble des articles non examinés. Or on peut s’interroger sur le bien fondé de la notion de « bonne marche de l’entreprise » qu’il avance (ce qui laisse la main au seul employeur), et sur l’imprécision du terme « neutralité », qui risque de se retourner contre le droit syndical ou l’expression politique (qui n’est pas reconnue à l’entreprise, mais on est libre de souhaiter qu’elle le soit). Voir là aussi nos commentaires sur ufal.org, ainsi que ceux concernant les arrêts récents de la CJUE. Il y a donc fort à parier que nos amis barbus vont, à l’aide d’une de leurs voilées de choc, créer un contentieux qui ira jusqu’à la QPC, voire devant la CJUE ou la CEDH. Et il n’est pas sûr qu’ils y perdent leur temps…
Une chose est certaine on peut faire confiance au « djihad judiciaire » pour utiliser toutes les armes possibles et imaginables et en effet la QPC n’est pas interdite même sur une loi déférée avant sa promulgation.
Mais je maintiens ma position, le CC n’a pas jugé utile, c’est un fait et pas une opinion, alors qu’il le pouvait comme sur tout article de cette loi puisqu’elle lui était déférée, de soulever d’office une inconstitutionnalité sur cet article L1321-2-1 nouveau et il l’a dit avec sa formule habituelle dans le considérant 47 de sa décision valable pour toute la loi.
Sur le fond, je persiste à penser que cet article nouveau du code du travail est conforme à l’article 9-2 de la CEDH et que si ce n’était pas le cas le CC l’eût soulevé d’office. Il eût été irresponsable de sa part de ne pas soulever d’office une inconstitutionnalité manifeste si elle existait à ses yeux, s’agissant non pas d’une mesure discrète mais d’une mesure qui était déjà en pleine lumière, politiquement sensible et en débat.
Mais bon le droit n’est pas une science exacte et on verra bien après une éventuelle décision du Conseil constitutionnel sur QPC ou de la Cour européenne sur un éventuel recours. En attendant souhaitons déjà que les entreprises s’en servent pour mettre les bornes qui s’imposent aux visées prosélytes. Dans le respect de l’Etat de notre droit.
L’avenir nous départagera ! Bien cordialement
1) Je n’affirme rien sans preuve : cf. Communiqué de presse – 2016-736 DC du Conseil constitutionnel,
(Décision n° 2016-736 DC du 04 août 2016 – Loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels)
(…) dernier alinéa :
« Enfin, il est à souligner que le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé d’office sur la conformité à la Constitution des autres dispositions de la loi dont il n’était pas saisi. Elles pourront, le cas échéant, faire l’objet de questions prioritaires de constitutionnalité. »
2) Je maintiens que la rédaction de l’art. L. 1321-2-1 est fort maladroite :
– elle ne précise pas de quelle neutralité il s’agit, ouvrant la porte à une restriction d’un droit reconnu à l’entreprise : le droit syndical
– elle se fonde sur une motivation unilatérale par le chef d’entreprise, la « bonne marche de l’entreprise », ce qui est contraire à l’existence même d’un droit du travail
– elle ne concerne pas seulement les relations avec la clientèle (motif qui vient d’être admis par la CJUE), mais (et essentiellement) les rapports internes à l’entreprise (relations entre salariés, continuité de l’activité, etc.), motif qui n’a pas encore été validé (on peut certes le regretter).
Au-delà de la maladresse, je crains surtout qu’un retoquage éventuel de l’application de cet article n’offre l’occasion d’une victoire de plus à l’islamisme.
Bien à vous
Débat intéressant et sans vouloir ennuyer les abonnés au site je prolonge un peu le plaisir de cette discussion.
Vous avez raison le communiqué de presse fait problème dans sa non… concordance avec le texte même de la décision du Conseil constitutionnel qui, elle, dit bien :
« 47. Le Conseil Constitutionnel n’a soulevé d’office aucune autre question de constitutionnalité. »
Ce qui est sa formule habituelle pour « vider » la constitutionnalité.
Bien que vivant dans un monde d’hyper-communication je ne pense pas que l’on puisse inférer d’un communiqué de presse non délibéré par la juridiction un argument a contrario de la lettre de celle-ci et que le CC n’a pas regardé les autres dispositions de la loi… alors qu’il dit me semble t-il le contraire au point 47.
Donc, pour moi, le CC a fait comme d’habitude il a regardé s’il n’y avait pas d’autres inconstitutionnalités manifestes dans le texte dont il avait été saisi et il a dit qu’il n’en a soulevé aucune. Ceci n’exclut pas d’éventuelles QPC si cela chante à quelqu’un, ou quelqu’une, d’en faire une.
Sur le fond, à mon sens, au delà des questions de maladresse ou pas d’écriture, l’important est que la loi française soit conforme aux motifs possibles de limitations à l’expression des convictions religieuses qui sont mentionnés à l’article 9-2 de la Convention européenne des droits de l’homme, ce qui me semble bien être le cas puisque ce texte ne les limite pas à la question de la clientèle. Or, a loi française colle bien à ce texte de la CEDH. Je pense en outre que la CJUE ne peut que difficilement s’en éloigner si elle venait, aussi, à être saisie.
A suivre donc !
Bien à vous
N’épuisons pas nos lecteurs par des controverses juridiques savantes. Qu’il sache simplement que je ne partage pas votre absolution donnée, au nom de l’art. 9-2 Convention EDH, à l’art. L. 1321-2-1 du code du travail français. Lisez les conclusions de l’avocate générale Shrapton devant la CJUE dans l’affaire du licenciement français d’une salariée voilée, vous verrez que la CJUE peut s’écarter de la jurisprudence de la CEDH. Laquelle a d’ailleurs souvent une interprétation restrictive des motifs de limitation de l’expression de la religion ou des convictions (voir SAS c. France, sur la loi « burqa »). Bref, il est prudent de ne rien trancher avant le juge -encore moins à sa place.
Oui, affaire à suivre, car les contentieux vont fleurir sur le terrain du port du voile si cher aux islamistes -et gare aux entreprises qui n’auront pas correctement rédigé leur règlement intérieur ! Cordialement
Une divergence CJUE/CEDH à propos de cette loi française et sur une telle question serait profondément navrante… et de nature à renforcer toutes les folies extrémistes de sortie de l’UE ou de la CEDH.
Mais vous avez raison, n’épuisons pas les lecteurs même si le débat est intéressant.
Au demeurant, c’est de ma faute j’aurai dû l’engager dans une discussion directe entre nous par mèl et quoi qu’il en soit nous avons désormais bien délimité notre désaccord qui demeure au fond mineur dans ce combat commun !
Bien cordialement et belle journée
Bonjour messieurs
Lecteur pas encore « épuisé » par votre débat juridique je voudrais solliciter votre avis, et en espérant ne pas me perdre dans des « salmigondis », je soumets à votre analyse critique ceci qui suit :
Commentant la décision de la cour d’appel de novembre 2013, la Gazette des Communes écrit (1) : « L’application de la notion d’entreprise de tendance laïque revient à dénaturer le principe de laïcité. L’on aboutirait ainsi à faire de la laïcité une conviction qu’une entreprise serait libre ‘afficher, alors même que la neutralité signifie non pas une tendance mais l’absence de tendance ». Puis la Gazette se félicite que la cour ait utilisé le critère de l’activité dans son arrêt d’assemblée en 2014.
Dans leur article commentant la décision de la chambre sociale de la Cour de cassation du 19 mars 2013 (2) les auteurs B Gomes, X.Orgerit et T. Ufarte présentent la tendance laïque comme protégeant les athées et les agnostiques et concluent en disant : « l’entreprise de tendance laïque comme prolongement de la liberté des incroyants semble donc une notion que le droit ne saurait admettre ». Cela montre bien que cette notion est réductrice et comment, ainsi que le souligne la Gazette des communes, elle risque de « dénaturer le principe de laïcité.» Les auteurs ont perçu ce risque lorsque, analysant le raisonnement de la Cour, ils se demandent si elle n’a pas rejeté l’idée de la laïcité comme tendance « au regard des dangers à l’assimiler à la protection des incroyants ».
Je considère que ce risque est réel.
Pour autant, je ne suis pas d’accord pour déduire de cette « absence de tendance » que la laïcité ne peut pas être une conviction dès lors que cette conviction laïque n’est pas un contenu, mais un contenant qui assure la stricte égalité des convictions religieuses, politiques ou philosophiques ayant leur contenu propre et qui garantit la coexistence de ces différents courants de pensée.
Je défends donc l’idée que le statut d’entreprise de conviction laïque peut s’appliquer à Baby-Loup, contrairement à ce commentaire posté par un blogueur en réponse à l’article de Roseline Letteron « Baby Loup : « la neutralité pour transcender le multiculturalisme ».(3) « Attention quand même…La notion de laïcité n’a pas le même sens dans tous les pays européens. Si on prend le cas de la Belgique, la laïcité s’identifie avec la Libre-Pensée et représente donc une option philosophique comme une autre et est regardée comme telle. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le mouvement laïque prend place à côté des mouvements religieux reconnus et financés. Dans ce cadre, la notion « d’entreprise de conviction » a tout son sens. La laïcité à la française ne s’identifie pas avec la libre pensée. La crèche en question ne prône pas la libre pensée….Ce n’est pas une entreprise de conviction à mon sens ».
Qu’en pensez vous ?
(1).Cahier détaché n°2 -26/2276 -29 juin 2015 « Laïcité mémento à l’usage des élus et des collectivités »
(2/-) « La liberté d’expression religieuse au travail à l’épreuve des soubresauts du principe de laïcité » [PDF] in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 1er mai 2013.
(3) « la neutralité pour transcender le multiculturalisme »
http://libertescheries.blogspot.fr/2013/11/baby-loup-la-neutralite-pour.html
Merci pour votre soutien à notre débat et pour ce commentaire argumenté et documenté;
Sur votre question pour ma part je ne considère pas que la laïcité soit une conviction parmi d’autres mais l’approche qui les permet toutes. Donc, vous l’aurez compris, je ne raffole pas de la notion « d’entreprise de tendance » qui est un concept venu d’un autre système juridique et d’une autre conception philosophique et politique que la nôtre; à l’extrême, la communauté des laïques devient ainsi une communauté à côté des autres… dans la juxtaposition qu’implique le communautarisme.
Je ne considère pas que la loi du 8 août 2016, qui donne aux entreprises le pouvoir de fixer les règles applicables à l’expression des convictions religieuses par leur règlement intérieur, consacre le concept d’entreprise de tendance laïque. En effet, il ne s’agit au fond que de faire application de l’article 9-2 de la convention européenne des droits de l’homme dans l’entreprise, ce qui signifie que toutes les entreprises y sont soumises et pas seulement celles d’une tendance qui se voudrait laïque.
Mais peut être que Charles Arambourou sera d’un avis différent !
Bien à vous
Attention, chers lecteurs, ne nous mélangeons pas les pinceaux !
1) Les convictions laïques existent, comme les convictions républicaines, et c’est heureux, car sans cela et la République et la laïcité disparaîtraient rapidement. Il est donc sot, comme a tenté de le faire la chambre sociale (et en particulier M. Huglo, assesseur) dans l’affaire Baby-Loup en 23013, de les nier.
C’est un débat que l’UFAL s’honore de mener depuis des années, parfois seule :
http://www.ufal.org/laicite/apres-baby-loup-pas-de-faux-debat-sur-les-convictions-laiques/
http://www.ufal.org/laicite/les-convictions-laiques-existent-12-personnes-en-sont-mortes-a-charlie/
http://www.ufal.org/ufalinfo/ufal-info-n59-les-convictions-laiques-moteur-de-notre-action/
Nous ne nous lasserons jamais de rappeler que la CEDH a une fois pour toutes reconnu les « convictions laïques » dans l’arrêt de Grande chambre Lautsi c. Italie (18 mars 2011). Hélas, l’ignorance hexagonale est un mal qui sévit même chez d’éminents magistrats et commentateurs…
2) Pour autant, la crèche Baby-Loup ne peut être qualifiée de « crèche de tendance laïque », a estimé l’assemblée plénière de la Cour de cassation, remarquant que son objet n’était pas « la défense et la promotion de la laïcité » (mais l’éducation des jeunes enfants). Cette définition pose problème, ai-je fait remarquer à l’époque, au regard des établissements religieux d’enseignement sous contrat, dont le « caractère propre » (= la conviction) est reconnu par la loi (et a même été constitutionnalisé par une décision de 1977 du Conseil constitutionnel) : ils n’ont pas en principe pour objet « la défense et la promotion de l’Evangile », mais l’enseignement des programmes officiels (sinon ils sont hors contrat) ! Parenthèse gourmande : l’école alsacienne, sous contrat, a un caractère propre … laïque ! Donc il existe bien une reconnaissance (constitutionnelle !) d’un caractèrte propre (=tendance, conviction) laïque pour un établissement d’enseignement privé sous contrat !!!
Cela étant, on peut conclure de l’arrêt Baby-Loup de l’assemblée plénière de la Cour de cass. que serait une « entreprise de tendance laïque » tout organisme (notamment associatif) qui se donnerait pour but la défense et la promotion de la laïcité. L’UFAL, par exemple ?
Tout cela n’a pas grand chose à voir avec la loi El Khomri et la « neutralité à l’entreprise », évidemment. Ce n’est même pas un bon angle d’attaque sur le sujet, voir mon analyse sous : http://www.ufal.org/laicite/neutralite-religieuse-a-lentreprise-un-petit-pas-de-la-justice-europeenne/
Les deux arrêts de la CJUE du 14 mars dernier ouvrent timidement la possibilité d’inscrire la neutralité dans le règlement intérieur de n’importe quelle entreprise qui entendrait afficher une … absence de conviction (neutralité) dans ses rapports avec sa clientèle. Mais la laïcité ne se confond pas avec la « neutralité » religieuse, politique, ou syndicale, ni même avec le caractère « non-confessionnel » reconnu dans les textes européens (art. 17-c du traité de Lisbonne)…
Il reste qu’en l’état actuel de la jurisprudence en France, seules les convictions religieuses et les orientations politiques et syndicales peuvent justifier des restrictions particulières à la liberté d’expression religieuse politique ou syndicale des salariés des « entreprises de tendance » actuellement reconnues. C’est une inégalité scandaleuse, si l’on considère la grande masse des clubs, associations, cercles, etc. qui ont choisi d’afficher la laïcité (conviction encore insuffisamment reconnue) dans leurs propres orientations : seraient-ils contraints d’accepter des salariés affublés de signes religieux ?