Finalement, l’Assemblée Nationale aura enterré avec les honneurs, ce 13 mai 2015, la proposition de loi Tourret qui, sous couleur d’« étendre l’obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs » autorisait (comme nous l’avons montré) le versement de fonds publics aux crèches confessionnelles.
Sagement, les Députés ont adopté en première lecture une loi sur les établissements accueillant des enfants de moins de 6 ans qui n’ajoute ni ne retranche rien au droit existant.
En effet, le texte ne fait que confirmer ce qu’avait rappelé la Cour de cassation dans son arrêt définitif Baby-Loup : une crèche privée peut apporter des restrictions à la liberté d’expression religieuse de ses salariés qui sont en contact avec les enfants et les parents, conformément au code du travail. La disposition devra figurer dans le règlement intérieur, ou dans une simple note de service.
Par ailleurs, le texte rappelle que les crèches publiques, ou titulaires d’une délégation de service public, sont tenues à la neutralité religieuse.
Quant au rappel au respect de la liberté de conscience des enfants par tous les établissements, publics ou privés, qu’ils aient ou non introduit l’obligation de neutralité religieuse du personnel, il ne s’agit que d’une disposition de plusieurs conventions internationales dont la France est signataire, donc supérieure à la loi.
Les cris d’orfraie poussés par les cléricaux et les communautaristes (sur la prétendue « laïcité liberticide ») étaient ainsi sans objet. On se félicitera en revanche de l’élimination de l’autorisation du subventionnement public des crèches confessionnelles : rappelons que l’UFAL a été la première et à peu près la seule association à dénoncer cette proposition anti-laïque.
On le voit, rien de nouveau : manière sans doute de ne faire perdre la face à personne ? On regrettera d’autant plus que le groupe Front de Gauche se soit abstenu sur ce texte voté à l’unanimité, en prétendant qu’il réduisait la laïcité à des interdits : que ses membres ne l’ont-ils lu !
Il faut espérer que le Sénat se montre aussi sage que l’Assemblée. Il était inutile de mettre le feu sur cette question alors que la Cour de cassation avait rappelé le droit, et scandaleux de tenter d’en profiter pour élargir la loi Debré aux crèches.
Mais il ne faudrait surtout pas que soit, par la même occasion éludé l’indispensable débat sur les mesures -législatives ou non- à prendre à l’Université, pour les entreprises privées, etc.
2 commentaires
Ouf. Les sages se sont fait députés, pour cette fois. Il arrive que cela arrive. Mais, la vigilance s’impose car les glissements sont insidieux et peuvent survenir lorsque la réaction des politiques se trouve alimentée par l’émotion, et sous la pression des lobbies. Jusqu’à quand, les démocraties, j’entends les véritables démocraties continueront à accepter le principe même de l’agression et des abus dont sont victimes les enfants du monde, par le matraquage que permet leur endoctrinement religieux! Quelles catastrophes, quels crimes faudra-t-il attendre pour qu’enfin elles se résolvent à prendre une décision similaire à celle qui a été prise pour des faits liés à l’abus sexuel : l’interdiction de l’endoctrinement religieux des enfants mineurs, quel que soit le lieux, quel que soit l’intention ?
Il est extrêmement surprenant de lire dans votre texte qu’écrire un droit jusqu’alors purement jurisprudentiel dans la loi ne change rien au droit existant ! C’est même renversant de votre part…
Je rappelle que tant que cela n’est pas fait il n’y a pas d’obligation légale et que c’est la loi qui régule les rapports sociaux pas le juge, sauf pour les ultra libéraux qui s’en remettent au contrat, voire à l’auto régulation, ces deux vastes « rigolades » pour les plus faibles. Souvenez vous de Lacordaire : c’est la loi qui libère et la liberté (notamment contractuelle) qui asservit.
En conséquence, sans la loi, chacun reste libre de faire ce qu’il veut sous la sanction éventuelle du juge qu’il faut alors saisir (comme pour Babyloup il a fallu le faire) et jusqu’en cassation au besoin.
Donc un immense merci aux députés qui ont été plus que sages : ils ont été de bons légistes et presque à l’unanimité sans les voix du Front de gauche; une fois de plus en défense des opprimés musulmans ?